Ce n'était pas une après-midi de vendredi ordinaire pour les habitants de Yaoundé en général, et surtout pour les membres de l'Association fraternelle pour l'entraide et la solidarité des élites du Mfoundi (Asfesem) en particulier. La capitale camerounaise, mieux que toutes les autres villes du pays concernées par le mouvement de paralysie qui s'est emparé du pays depuis le début de la semaine, réapprenait à vivre. Elle qui s'est subitement trouvée asphyxiée par un mouvement insurrectionnel qui faisait suite à la grève des transporteurs initiée après la hausse des prix du carburant.
Surpris par l'ampleur du mouvement qui a cessé de faire de Yaoundé cet endroit sûr qui respire et qui est par conséquent le gage d'un Cameroun qui vit, les membres de l'Asfesem, qui regroupe au-delà des élites, les principales familles de la capitale, sous la houlette de André Mama Fouda, ci-devant ministre de la Santé publique, ont décidé de " réagir " et de crier leur ras-le-bol de la situation vécue quelques jours plus tôt.
C'est donc sous la forme de communiqués radio abondamment relayés par les médias officiels, sans doute compte tenu de l'urgence de l'événement, que les membres de cette association sont convoqués pour le vendredi 29 février 2008 à 16 heures à l'esplanade de la maison du parti Rdpc du Mfoundi, aux confins de la voirie municipale. Il est donc question pour les " Filles et fils du Mfoundi " de se prononcer sur le climat ambiant au Cameroun et de prendre des dispositions pour " mieux assurer la défense de la capitale ". Un contexte qui n'est pas sans rappeler une autre rencontre du même type qui se tenait à l'esplanade de l'Hôtel de ville en 1991, au plus fort des mouvements qui avaient secoué les autres villes du Cameroun, et lorsque Paul Biya s'était fendu d'un "tant que Yaoundé respire, le Cameroun vit ".
Déclarations
On pouvait ainsi distinguer dans la foule du millier de personnes présente, des élites qui se sont déplacées ici, les Charles Etoundi, Cécile Bomba Nkolo, Jérôme Emilien Abondo, Antoine Depadoue Essomba Eyenga, tous les adjoints au délégué du Gouvernement originaires du Mfoundi, Marie Madeleine Fouda, Martin Aristide Okouda, Emile Onambélé Zibi, Anastasie Mbongo, Sylvie Okeng, Beaufort Essomba, Jeanne Ottou, l'ancien maire de Yaoundé 4, quelques maires originaires du Mfoundi qui ont pu quitter la salle des travaux de leur 4ème conclave qui se déroulait au palais des Congrès de Yaoundé…
Au chapitre des absences remarquées, on signalera celles des autres ministres en fonction originaires de la capitale, Laurent Serge Etoundi Ngoa, Augustin Edjoa, mais aussi Gilbert Tsimi Evouna, le délégué du Gouvernement auprès de la Communauté urbaine de Yaoundé, sans doute pris dans le tourbillon de la rencontre des maires signalée plus haut, mais dont on connaît néanmoins les antagonismes avec " son frère " Mama Fouda, chaque fois qu'il s'agit du contrôle de la ville de Yaoundé.
On remarquera tout de même la signature de l'édile de la capitale au bas du document qui sanctionnera la rencontre…
Ces batailles pour le contrôle de la capitale seront d'ailleurs au menu de certaines communications parmi la dizaine délivrée au cours des échanges. Si la plupart des interventions, de André Mama Fouda, l'homme-orchestre, à Charles Etoundi, en passant par Emile Onambélé Zibi, Cécile Bomba Nkolo, pour ne citer que celles là, vont dans le sens de la mise sur pied d'un dispositif pour "la protection de la capitale", on appréciera fortement celle de André Simon Edzoa, de la famille des "Baba", qui dénoncera ces "multiples recours au peuple du Mfoundi chaque fois que l'élite voudra se positionner pour faire croire à son soutien au chef de l'Etat", avant de dénoncer " le dénuement dans lequel vivent les enfants du Mfoundi". " Avec quoi voulez-vous que nous défendions la capitale quand celle-ci sera encore attaquée?", lancera-t-il sous un tonnerre d'applaudissements de la foule présente.
Tout ira sur le même ton jusqu'à la lecture à la tombée de la nuit de " La déclaration des élites du Mfoundi " par l'ancien ministre des Forces armées, Jérôme Emilien Abondo. Une déclaration mise au point quelques heures auparavant au cours d'un conclave restreint qui avait eu pour cadre le cabinet du ministre de la Santé publique et dont les passages les plus saillants sont: " A la suite du chef de l'Etat, nous avertissons… tous ceux qui seraient tentés de rééditer chez nous les actes de vandalisme…Qu'il soit donc entendu que désormais nous répondons (sic) aux coups par coup. A partir de maintenant, œil pour œil, dent pour dent…En outre nous invitons fermement les prédateurs venus d'ailleurs, de quitter rapidement et définitivement notre sol…". Sur le champ, personne se de rendra compte des contours guerriers de ladite déclaration qui sera saluée par des applaudissements.
Antagonismes
La suite se jouera dans les médias. Il est question pour les auteurs de la rencontre de Yaoundé de lui donner le maximum de publicité afin de faire savoir au Prince que l'on travaille pour lui. Premiers espaces visés, les médias de service public, notamment l'édition du journal parlé de 20 heures ce vendredi, au cours de laquelle, et selon des informations puisées à bonne source, le présentateur de service refuse de prendre la responsabilité de la lecture d'une déclaration qu'il trouve incendiaire.
André Mama Fouda, surpris de constater que la Crtv refuse de donner lecture de "sa déclaration" alors que celle de l'une de ses collègues du gouvernement est bien relayée, s'en ouvre au directeur de l'Information Tv de l'Office. Le "préjudice" sera réparé le lendemain sous la forme d'une déclaration qu'une équipe de la télévision d'Etat ira enregistrer très tôt le samedi matin à la résidence du ministre de la Santé publique au quartier Obobogo.
André Mama Fouda fera une synthèse de la déclaration de la veille. Aucune difficulté par contre du côté du quotidien gouvernemental Cameroon Tribune qui publiera ce "pamphlet de la haine" dès son édition du lundi 03 mars 2008. On en était encore là que le Délégué du Gouvernement auprès de la Communauté urbaine de Yaoundé, Gilbert Tsimi, dont on se demandera si la réaction se situe en droite ligne des batailles avec le ministre de la Santé publique, ou s'il tenait à se démarquer d'un document dont il n'a pas participer à l'élaboration.
Dans " sa " déclaration lue sans problème à la Crtv radio lundi au journal de 17 heures et reprise hier par le quotidien Cameroon Tribune, Gilbert Tsimi Evouna vient déplorer " le ton quelque peu belliqueux de ladite déclaration ", et tient à " rassurer toutes les populations de la cité capitale, indépendamment de leur appartenance ethnique, politique ou religieuse, qu'elles sont chez elle à Yaoundé ", même s'il précise en ce qui concerne la sécurité de la capitale que " La Communauté urbaine pour sa part … a pris des dispositions appropriées pour garantir sa sécurité… "
Lire aussi: Déclaration des forces vives du Mfoundi
Source: Quotidien Mutations
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