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Kyé-Ossi : Voyage au cœur d'un réseau de vol de véhicules
(10/07/2009)
Des voitures volées des quatre coins du pays, sont acheminées au Gabon et en Guinée Equatoriale, en passant par cette ville frontalière du Sud. Sur les traces des acteurs, relais, protecteurs et adjuvants d'une filière aux méthodes huilées.
Par Xavier Messè (Quotidien Mutations)
Retour sur un réseau de banditisme: des voitures volées au Cameroun sont acheminées dans les pays voisins.
Retour sur un réseau de banditisme: des voitures volées au Cameroun sont acheminées dans les pays voisins.
Il a ruisselé sur Douala toute cette nuit du 3 au 4 décembre 2008. Au petit matin, cette fine pluie interminable avait rendu profond le sommeil des habitants de la capitale économique. Lorsque Jean Célestin Sombou sort de sa villa située au quartier la Brise à Bassa, il constate que son véhicule, une Carina bleu pantone immatriculée Lt 703 As n'était plus en place. Dans un premier temps, son propriétaire pense que son chauffeur, matinal exceptionnellement, serait en train de faire nettoyer le véhicule hors de la concession. Les voisins de Jean Célestin Sombou lui révèlent cependant qu'ils avaient entendu un bruit insolite suivi du ronflement de moteur aux environs de quatre heures du matin. Jc Sombou comprend que son véhicule avait changé de main à cette heure-là.

Le vol sera confirmé lorsqu'une relation qui connaissait bien ledit véhicule signale l'avoir aperçu à Pouma, roulant en direction de Yaoundé. Les services de police et de gendarmerie alertés, tenteront vainement de quadriller les zones sensibles. Une battue générale sera organisée à Yaoundé dans les garages obscurs sans succès. Cinq mois s'écoulent. Jc Sombou avait réorganisé sa vie sans voiture. Il effectuait ses fréquents déplacements à Yaoundé dans des transports en commun quand, le 11 mai dernier, en sortant d'un bus d'une agence de transport dans la capitale politique, il reconnaît véhicule identique au sien rangé sur un trottoir au quartier Nsam. Persuadé qu'il ne s'agissait pas d'une erreur, il alerte les services de police du Commissariat d'Effoulan.

Le conducteur du véhicule volé est Mboudou. Originaire de la région du Centre, Mboudou avait choisi, en prenant sa retraite de la police au grade d'inspecteur, de s'établir à Kyé-Ossi. Il y mène des affaires de toute nature. De temps à autre, l'inspecteur Mboudou loue un véhicule pour effectuer des achats tantôt à Yaoundé, tantôt à Douala. Cette Carina Lt 703 As volée depuis décembre 2008, il l'avait louée auprès de Mouansié Ismaël. Celui-ci est originaire du Noun. Il fait partie d'une forte communauté bamoune qui est établie à Kyé-Ossi, vivant de petit commerce et de cultures maraîchères. Depuis sept ans que Mouansié Ismaël vit dans cette ville aux trois frontières, il s'est essayé en tout: Il revend surtout la friperie dans les marchés périodiques de la région. Cette activité semble lui réussir, raison pour laquelle il lui fallait un moyen de déplacement. En février dernier, Mouansié Ismaël est approché par Alain Didier Bikoro Enemé.

Celui-ci lui propose une Carina bleu pantone, immatriculée Lt 703 As disposant d'une carte grise et d'une assurance en cours de validité. Au vue de l'état du véhicule, le prix proposé ne lui semblait pas discutable: Pour 1,75 million Fcfa., Mouansié Ismaël ne résiste pas. "Je n'avais pas assez d'argent; je m'étais endetté auprès d'une tontine pour ne pas rater cette occasion." Déclare t-il. Le vendeur, Alain Didier Bikoro Enemé est conseiller municipal à Kyé Ossi. Solidement implanté dans la ville, ce jeune homme de 35 ans à l'allure d'un joueur de rugby convoite le poste de maire laissé vacant depuis que le maire élu, Antoine Bikoro avait été nommé directeur général de Chantier naval; le cumul des postes étant désormais proscrit, les jeux étaient ouverts pour la succession. Alain Didier Bikoro Enemé vend des véhicules aux Gabonais et aux Equato Guinéens; ces véhicules lui sont fournis par des sources incertaines et douteuses.

Argent
Depuis quelque temps, d'autres revendeurs de véhicules s'étaient inquiétés que le conseiller Bikoro écoule les siens à un rythme surprenant. Il les bradait quasiment. Mama Ngapna, conseiller municipal Rdpc lui aussi pratique la même activité. Il est par ailleurs chargé de l'hygiène et salubrité pour la ville. Son inquiétude se précise face aux comportements de son collègue Bikoro: "Je lui ai dit que je ne parvenais pas à comprendre qu'il vende ici pour moitié prix un véhicule acheté à Douala", déclare t-il. Il poursuit: "Bikoro m'a révélé que c'est son petit, policier à Ebolowa qui le ravitaillait en voitures qu'il écoule vers la Guinée Equatoriale et le Gabon". De ce petit frère, il s'agit de l'inspecteur de police Mbéa Enemé Séverin, en service au Gmi d'Ebolowa. Ce dernier a plusieurs fois convolé effectivement des voitures destinées à la vente sur le marché de Kyé Ossi. La voiture de Jc Sombou faisait partie de celles livrées à Bikoro par son frère.

C'est ce décor que le commissaire Thierry Medou en charge de la sécurité publique au Commissariat d'Effoulan découvre lorsqu'il décide d'une descente à Kiyé Ossi avec sa première trouvaille, l'inspecteur de police retraité Mboudou, victime innocente de ce qui va s'avérer être un vaste réseau de trafic de véhicules volés. En quatre années de travail dans ce Commissariat, ce jeune commissaire aux allures de lycéen débonnaire a vu des cas complexes des uns des autres. Il s'est imposé une discipline: respecter la dignité humaine, appliquer le code de procédure pénale dans chaque cas; ne jamais faire déférer quelqu'un sans être certain de la pertinence du cas. Sa descente sur le terrain était devenue nécessaire. Lorsqu'il arrive à Kyé Ossi, il prend attache avec Vincent Mbita Obame, administrateur principal, Sous préfet de la localité.

Celui-ci a été affecté à Kyé Ossi venant de Balikoumbat au Nord Ouest. Il a géré là bas des conflits tribaux sanglants qu'il ne retrouve heureusement pas à Kyé Ossi. En revanche, des réalités qu'il rencontre à son nouveau poste sont d'une autre nature: Il lui faut gérer des ressortissants de trois pays parlant une même langue maternelle, (le Fang), mais dans des administrations différentes. Le commerce florissant en ces lieux est aussi source de problèmes divers. Le commissaire Thierry Medou reçoit du Sous-préfet Vincent Mbita Obam une assistance totale dans le cadre de sa mission. Il convoque à son domicile les principaux concernés par le vol du véhicule de Jc Soumbou: Mouansié Ismaël le "receleur de bonne foi" et son vendeur Alain Didier Bikoro Eneme sont là. Ce dernier a bâtit sa maison au quartier Akombang, non loin de celle provisoire du Sous préfet. Ce qui en tient lieu est une modeste habitation faite de contre plaqués dont la vétusté est avérée.

Interventions
Outre des véhicules aux origines douteuses qui sont constamment garées devant sa maison qui jouxte les bureaux des douanes, la seule véritable modernité qu'il y a en cette demeure est deux cuvettes d'antennes paraboliques plantées à hauteur de l'élévation de ce logis. Alain Didier Bikoro Eneme n'est pas fier de sa rencontre avec le commissaire de police qui est parti spécifiquement de Yaoundé pour lui. L'entrevue sera de courte durée, car il faut conduire toute la bande impliquée dans le vol à Yaoundé. Le commissaire constate en passant que, des deux véhicules garés devant le domicile de Bikoro Eneme, l'un faisait l'objet des recherches par ses services; le vol avait été déclaré à Yaoundé. Les deux véhicules sont naturellement embarqués en direction de la capitale. Avant de quitter la ville, Alain Didier Bikoro Eneme révèle à la police que son fournisseur de véhicules n'était autre que son petit frère, le nommé Séverin Mbéa Eneme.

Celui-ci, inspecteur de police, est en poste au Gmi d'Ebolowa. C'est effectivement lui qui avait servi à son frère la Carina Lt 703 As. C'est probablemment encore lui qui aurait livré les deux véhicules dont l'un est déjà identifié comme volé. A Ebolowa où l'inspecteur Séverin Mbéa Eneme est contacté, il avoue servir des véhicules à son frère pour vente au Gabon et en Guinée Equatoriale; mais selon lui, ces véhicules lui seraient livrés par un certain "grossiste" nommé Oumarou Kaladi, originaire du grand Nord. Au commissariat d'Efoulan où les présumés voleurs sont conduits, le commissaire Thierry Medou veut tout savoir d'eux sur ce trafic de véhicules. Il avertit à Mbéa et à Bikoro: "Je voudrais vous considérer comme étant de bonne foi ou même comme "receleurs" de bonne foi, mais à une condition: faites moi venir Oumarou Kaladi, qu'il s'explique; et je n'aurai presque plus à faire à vous", promet-il.

C'est Mbéa Séverin qui joue la première pièce de théâtre. Il passe sur le champ un hypothétique appel à Oumarou Kaladi qui répond qu'il se trouverait pour l'heure dans le grand Nord pour affaire. Le commissaire n'a pas envie d'interférer dans ce qu'il croit pourtant n'être qu'une réelle mise en scène. Il n'a pas l'intention de brouiller les pistes. Il laisse Mbéa jouer seul sa partition. Celui-ci informe le commissaire que son contact ne pourrait se rendre à Yaoundé avant 3 jours. Nous sommes là le 18 mai dernier. Le commissaire Medou est certain de tenir une pièce qu'il n'a pas envie de lâcher. Cette pièce serait un élément d'un important réseau qu'il veut démanteler. Comment jeter alors quatre personnes en cellule la veille de la fête nationale du 20 mai, le temps que le supposé Oumarou Kaladi lui parvienne? Peut-il se risquer de les laisser repartir sans aucune garantie?
Alain Didier Bikoro Eneme a une idée: Faire intervenir ses réseaux afin de dénouer l'étau qui commence à se resserrer sur lui et sa bande. Il appelle Me Emmanuel Mbiam, avocat bien connu au barreau du Cameroun et député dans les rangs du Rdpc. Ce dernier ne tarde à pas arriver dans les locaux du commissariat d'Effoulan. En affrontant Thierry Medou, il doit faire plier le commissaire à accepter deux solutions qu'il lui propose afin de tenter de tirer son protégé du bourbier dans lequel il est empêtré. Jean Célestin Soumbou avait déposé une plainte qui est pendante contre l'inspecteur de police retraité Mboudou pour vol de voiture. Me Mbiam convainc le plaignant à retirer sa plainte contre le paiement de ses dommages et intérêts et la restitution de son véhicule. C'est le premier problème. Jc Soumbou exige 2,75 millions Fcfa pour s'abstenir de toutes poursuites.

Me Mbiam débourse aussitôt la somme. Le second problème est complexe: Le député voudrait obtenir la relaxe de son protégé et sa bande et qu'ils se présentent libres sous huitaine lorsque Oumarou Kaladi se serait rendu à la police. Il propose sa caution à ramener les présumés voleurs à la police à la date convenue. Le commissaire Thierry Medou accepte la doléance, mais refuse la caution personnelle du député en raison de l'immunité dont il jouit. Me Mbiam ne démord pas. Il fait appel à un jeune commissaire de police du nom Jean Rachelin Ondo qui ne refuse pas ses services au célèbre avocat. La caution signée, Alain Didier Bikoro Eneme, son frère Mbéa Eneme, Mouansié Ismaël et l'inspecteur Mboudou pouvaient regagner leurs villes d'Ebolowa et de Kyé Ossi. La caution arrive à son terme. Les présumés voleurs de véhicules sont de nouveau face au commissaire, mais sans Oumarou Kaladi. Il fallait s'y attendre.

Le commissaire prend sur lui de les laisser repartir à Kyé Ossi, tout en s'assurant qu'auprès des services régionaux de la sécurité dans le Sud, ils pouvaient être repris à tout moment afin de répondre aux besoins d'enquêtes. Cette précaution est prise auprès du commissaire divisionnaire Eric Asa à Ebolowa qui rassure son collègue de Yaoundé de sa totale collaboration. Thierry Medou pense que, bien que le vol des véhicules ait été constaté à Yaoundé, pour interpeller cependant des personnes parmi lesquelles un policier en fonction dans un ressort territorial outre que le sien, il lui faut la couverture du procureur de la République. Celui-ci doit logiquement délivrer au commissaire un mandat d'arrêt. Un dossier à cet effet est ficelé et déposé sur le bureau de Camille Gervais Belinga Ondoua. Entre temps, Mouansié Ismaël qui avait acheté pour 1,75 millions Fcfa auprès de Alain Didier Bikoro Eneme le véhicule volé, a porté plainte pour escroquerie.

Le procureur de la République doit délivrer le mandat d'arrêt. Il promet au commissaire sa diligence pour en finir avec le dossier; le commissaire ne se doute de rien. Il alerte à son tour le divisionnaire Eric Asa qui se tient prêt à faire exécuter les ordres. Et puis rien ne se passe. Le 29 juin dernier, nous sollicitons à rencontrerons Camille Gervais Belinga Ondoua pour obtenir un éclairage. Question à lui posée: "Nous voulons savoir ce qui techniquement et juridiquement explique que les personnes impliquées dans le vol des voitures à Kyé Ossi ne soient pas interpellées" Réponse du procureur: "Si vous êtes concerné, allez-vous plaindre; j'ai beaucoup de dossiers à traiter; en plus, je ne permets pas à une vulgaire personne de me poser des questions; allez écrire vos articles comme vous avez l'habitude de le faire; ça change quoi?". Paroles de M. le procureur de la République!


Source: Quotidien Mutations


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