Où sont passés l’argent et les objets saisis à Kondengui ?
Un millier de gendarmes du groupement polyvalent d'invention et de contrôle (Gpic), relevant de la légion de gendarmerie du Centre conduits par le capitaine Kola a mené une opération de fouille spéciale à la prison centrale de Yaoundé le 11 août dernier, aux fins de retirer des mains des prisonniers un certain nombre d'objets prohibés. Cette opération, supervisée par le secrétaire d'Etat à la Défense (Sed) en charge de la gendarmerie nationale, Jean-Baptiste Bokam et celui de la Justice en charge de l'Administration pénitentiaire, Emmanuel Ngafesson, a produit les résultats suivants : officiellement, les gendarmes et gardiens de prison ont retrouvé du chanvre indien, des couteaux, machettes, poinçons, des téléphones et ordinateurs portables, des boissons alcoolisées, des postes téléviseurs et des balles de cartouche de guerre.
Officieusement, et selon des sources sûres, l'on n'a aussi retrouvé de fortes sommes d'argent. Quelque 12.000.000 Fcfa. Dix millions dans les quartiers des femmes et deux millions dans les quartiers Vip.
Que sont devenus ces effets confisqués un mois plus tard? Une ombre quasi opaque couvre leur destination. " L'opération a certes été initiée par le ministre de la Justice garde des Sceaux. Mais, elle a été menée par les gendarmes du Sed qui détiennent toujours ces objets ", indique, rassurant un responsable du Minjustice, qui a préféré requérir l'anonymat. Au Sed, motus et bouche cousue, barrières fermées, pandores au regard menaçant. Néanmoins, un sous-officier qui faisait partie de l'opération indique, sous le sceau de l'anonymat, que ces objets sont toujours au Sed, en attendant leur destination finale. Mais, laquelle ? " Les objets seront brûlés et l'argent sera remis au trésor public après avoir été identifié par les empreintes ", a-t-il commenté, confirmant ainsi que l'agent faisait partie de cette moisson, même si les différentes autorités en parlent peu. Moisson " qui aurait pu être plus importante, si l'opération n'avait pas connu un grand retard ", souligne-t-il.
En effet, l'opération devant démarrer aux premières heures de la matinée du lundi 11 août 2008, a plutôt commencé vers 11 heures, bloquant ainsi pendant quelques temps la route qui mène à la prison centrale de Kondengui, tout en attirant une foule nombreuse de badauds.
Psychose
Par ailleurs, " les gardiens de prison n'ayant pas été surpris par cette opération, auraient été informés et passé le message à certains prisonniers ", a relevé, enthousiaste, un gendarme major. Toutefois, en ce qui concerne la psychose installée à la prison, il relève que " cet objectif, selon nos chefs, a été atteint. Même si l'opération n'a pas été de toute réussite ".
Les objets confisqués auraient pu être déposés au greffe de la justice ou alors les initiateurs de l’opération auraient pu recourir aux services d’huissier pour identifier lesdits objets d’une part. D’autre part, la destination finale des objets tels que les ordinateurs portables serait-elle vraiment le feu ? Question restée sans réponse. Même si certains indiquent que le secrétaire d'Etat à la Défense en charge de la Gendarmerie nationale, qui doit déjà avoir tous les détails de l'opération, ne s'est pas encore prononcé sur le sujet, les fouilles spéciales devant se poursuivre.
Pour l'ambiance au bagne de Kondengui un mois plus tard, la température n'a pas baissé de niveau. " C'est la terreur que nous vivons ici depuis lors ", a confié un prisonnier, en détention préventive. Il indique que, " deux semaines après les gendarmes, les magistrats ont débarqué ici après 22 h. Ils nous ont dit qu'ils peuvent même venir à minuit, s'ils le veulent. Chaque lundi, des cadres du ministère de la Justice passent pour nous interroger. Ils parlent de tentative d'évasion ", a ajouté ce détenu, précisant qu'il n'a jamais vécu une telle psychose depuis deux ans qu'il est dans ce pénitencier. L'on soupçonne tout le monde, selon d'autres prisonniers. Ces multiples visites inopinées sont confirmées par un gardien de prison, qui relève par ailleurs que le régisseur semble souvent surpris. Lequel régisseur que nous avons, en vain, tenté de contacter. Toujours est-il que d'autres fouilles spéciales sont annoncées. Est-ce pour " intimider certains détenus considérés de dangereux par le pouvoir ", si l'on en croit certains commentaires au sein de l'opinion?
Source: Quotidien Mutations
|