L'introduction des tests ADN piétine au Cameroun
Le Cameroun fait partie des premiers pays africains retenus par la France pour
expérimenter les tests ADN dans le cadre du regroupement familial.
Cette expérimentation qui durera deux ans n’a toutefois pas commencé à cause des
« restrictions budgétaires » selon une source proche du consulat de France à
Douala, la capitale économique du Cameroun.
Les tests génétiques sont coûteux et seront pris en charge par la France. Ils
seront facultatifs. La France ne sera pas le premier pays européen à recourir à
ces tests.
Six autres pays les proposent en effet aux Camerounais qui veulent se regrouper
en famille. C’est le cas de la Grande-Bretagne dont la législation instituant
les tests génétiques est vieille de 18 ans.
Des similitudes entre la législation française et la législation britanniques
Les
autorités britanniques n’ont pas eu besoin de l’accord du gouvernement
camerounais pour appliquer cette loi. « La Grande-Bretagne se réserve le droit
de demander un test ADN pour prouver la filiation afin de délivrer certains
visas, indique un fonctionnaire des services consulaires britanniques. Nous
n’avons pas besoin pour cela de l’autorisation des autorités camerounaises. »
Entre les législations française et britannique, il existe quelques similitudes,
notamment le caractère facultatif et la prise en charge des frais des tests par
les deux gouvernements européens.
En ce qui concerne la Grande-Bretagne, ces tests ne sont suggérés qu’aux
personnes qui font pour la première fois une demande de regroupement familial.
Mais cette proposition ne leur est faite que lorsque toutes les pistes pour
prouver la filiation ont été explorées.
En cas d’opposition, le candidat au regroupement familial doit si possible
motiver sa décision. Celle-ci peut contribuer au refus du visa même si les
officiels britanniques ont un discours contraire.
Les prélèvements sont faits soit sur la mère soit sur le père de l’enfant alors
qu’ils se feront exclusivement sur la mère durant l’expérimentation de la loi
française.
La législation camerounaise est muette sur ces tests
Entre
2007 et 2008, le nombre de Camerounais soumis aux tests ADN était insignifiant,
indiquent sans plus de précisions les services consulaires britanniques.
Quant à la législation camerounaise elle est muette sur ces tests. En l’absence
de laboratoires agréés, les spécialistes locaux sont généralement sollicités
pour faire des prélèvements, les analyses étant faites à l’étranger. Les pays
européens qui proposent les tests génétiques disant vouloir lutter contre la
fraude documentaire.
Même si la loi sur l’immigration instituant les tests ADN n’a pas provoqué de
tollé dans l’opinion camerounaise comme c’était le cas en France, les critiques
ne manquent pas.
« Cette pratique est scandaleuse, affirme Marilyn Douala Bell, actrice de la A.
Elle nous rabaisse à l’état animal tout en nous fixant dans un statut de malade
endémique dont on doit contrôler l’état avant de l’approcher. Il s’agit d’un
recul vers le marché des esclavages où l’on devait montrer ses dents ou ses
muscles pour prouver sa capacité. »
"On peut facilement aboutir à des formes de discriminations dramatiques"
Moins
incisif, le docteur. Ambroise Wonkam, spécialiste en génétique médicale, met en
garde contre des risques de dérives dramatiques. « Il faut être très prudent
quant à l’usage de la technologie génétique à des fins politiques ou sociales.
Car on peut facilement aboutir à des formes de discriminations dramatiques,
soutient-il. L’éthique d’une telle pratique est discutable d’autant plus qu’elle
peut être l’objet de perturbation d’un équilibre familial comme celle de révéler
une non-paternité. C’est souvent l’enfant qui en souffre. »
Pour ce spécialiste, les lois nationales doivent encadrer ces tests. Quelques
associations locales commencent à peine à se saisir de la question.
« Le recours aux tests ADN constitue une violation grave des libertés de
mouvement, estime Paulin Tchuenbou, coordonnateur de l’organisation de défense
des droits de l’homme Alliance arc-en-ciel. Les Nations unies doivent condamner
cette pratique indigne. » Côté gouvernement, c’est le silence.
Source :
La Croix
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