Une salle de classe à Nadegbe
« Maître des parents », c’est un terme que les écoliers des grandes villes ne connaissent pas. Un maître des parents est un instituteur recruté et payé par les parents d’élèves et c’est parfois le seul recours qu’on les parents des villages enclavés qui souhaitent que leurs enfants soient formés.
Nadegbe est une bourgade située non loin de Batouri, le chef lieu du département de la Kadey. Ici comme dans beaucoup d’autres localités de l’Est Cameroun, les infrastructures sociales et administratives se limitent au strict minimum. Pour pallier le manque d’écoles, les parents ont eux-mêmes construit deux bâtiments en paille.
Cette école de fortune comporte quatre salles de classe. Toutefois, seules deux salles de classe ont été aménagées. On y retrouve un tableau noir et quelques tables bancs. Le nombre de places assises est insuffisant face au nombre d’élèves. Alors les tables bancs sont réservées aux 1ers arrivants. Les retardataires doivent s’asseoir à même le sol ou sur des briques de terre.
Après avoir construit l’école, les populations de Nadegbe ont écrit à qui de droit pour qu’on y affecte des instituteurs. Trois (03) instituteurs y ont été affectés mais deux (02) sont immédiatement repartis sous le prétexte que ce village ne dispose ni d’électricité, ni d’eau potable, même pas d’une maison décente dans laquelle se loger.
Le seul instituteur qui reste à Nadegbe est à la fois directeur d’école, surveillant général et instituteur. Les villageois ont donc recruté un maître des parents et les deux s’organisent comme ils peuvent pour encadrer les écoliers de Nadegbe. Ici, les élèves des classes de SIL, CP et CE1 sont dans la même salle de classe et sont tenus par le maître des parents.
Les élèves de CE2 et CM1 sont eux aussi dans la même salle de classe et sont tenus par le directeur. La classe de CM2 n’existe pas à Nadegbe et pour cause : « nous n’avons pas les moyens de payer les frais d’examen pour le C.E.P » dit un parent. Le CEP Certificat d’Etudes Primaires est le diplôme qui sanctionne la fin des études du cycle primaire. Pour être autorisé à passer cet examen, il faut payer les frais de constitution de dossier de participation au dit l’examen.
Même pas nanti d’un CEP, les possibilités d’emploi s’amenuisent pour les jeunes de Nadegbe. Colossien, un jeune rencontré dans ce village a déjà sa petite idée : « je voudrais apprendre à conduire pour être chauffeur-grumier » dit-il.
A l’exemple de Colossien, les jeunes de Nadegbe ont le regard tourné vers les immenses forêts qui entourent leur village. Ils ont l’espoir d’y trouver le tunnel qui mène vers la fin de la misère.
|