Cavaye Yegué Djibril.
On est passé à côté d’un gros incident à l’Assemblée nationale hier. La tension
était vive dans les couloirs de l’hémicycle dès mercredi soir. Des informations
concordantes faisaient état de boycottage projeté par les élus du Grand Nord
de la séance plénière programmée jeudi à 15 heures. En ces jour
et heure, l’absence évidente à l’hémicycle des députés des trois provinces
septentrionales sans distinction de chapelles politiques est venue confirmer
la persistance d’un malaise qui a éclaté sur la scène parlementaire au sujet des
résultats du concours d’entrée à l’Ecole normale supérieure de Maroua.
En fait à ce moment là les parlementaires du Grand Nord étaient réunis
autour de Cavaye Yegué Djibril. Selon nos informations le président
de l’Assemblée nationale a été reçu en matinée autour de 11 heures au Palais
de l’unité par Paul Biya qui a regagné la capitale la veille, de retour d’un
séjour particulièrement commenté de son village, Mvomeka’a.
A en croire des sources crédibles, le président de l’Assemblée nationale est
allé porter au chef de l’Etat une correspondance initiée et signée par tous les
députés du Grand Nord, à l’exception notable de … Cavaye Yegué Djibril. Il se
pourrait qu’il s’agisse d’une clause de décence de la part du prestigieux facteur,
dont on dit qu’il est particulièrement intéressé par la démarche engagée par les
députés en colère.
Selon des indiscrétions, dans la lettre adressée au président de la
République les parlementaires du Grand Nord marquaient leur désapprobation de
la proportion des admis réservée aux fils de cette région. Il semble que les
honorables contestataires, en s’appuyant sur les présumés 95% d’étudiants
anglophones de l’Ecole normale de Bambili, espéraient - d’aucuns prétendent
qu’ils exigeaient - un taux de 85% d’admissions pour les fils du terroir.
Et
cela, en lieu et place des 23% qu’ils ont recensés, là même où les officiels du
ministère de l’Enseignement supérieur insistent sur un quota de 37%
d’originaires du Grand Nord admis à l’Ecole normale supérieure de Maroua. Il
n’empêche. Selon toute vraisemblance, l’audience accordée à Cavaye Yegue Djibril
au Palais de l’unité a pu déjà laisser entrevoir une amélioration de ces scores
; Paul Biya ayant promis d’instruire un quota de 50% aux seuls ressortissants du
Grand Nord si l’on en croit du moins quelques présents à la réunion
restreinte convoquée par le président de l’Assemblée nationale, hier soir.
Toujours est-il que ce compte-rendu a dû faire changer d’avis les honorables
frondeurs. D’où leur arrivée à l’hémicycle jeudi, autour de 16 heures. Ce qui a
permis de lever l’hypothèque de la tenue de la séance plénière, en attente de
quorum pour que les délibérations de la Chambre soient réputées valables.
Beaucoup, dans les rangs des députés du Grand Nord, entrevoient déjà - d’autres
espèrent simplement - un certain bémol sur une autre manifestation que l’on
disait prévue pour le 19 décembre, jour de l’ouverture du Festival national des
arts de la culture (Fenac). Des sources bien informées parlaient d’une marche
initiée par un député… Undp. Rideau.
Cette affaire a éclaté au grand jour aussitôt que le ministre de l’Enseignement
supérieur a rendu public les listes des admis à l’Ecole normale supérieure de
Maroua. Des réunions de concertation se sont multipliées, soutenues ou
convoquées par des élites parmi les plus en vue du Grand Nord, se recrutant
aussi bien dans les rangs du gouvernement
que parmi les parlementaires. La tenue de la session parlementaire a servi de
point d’ancrage à la mobilisation des députés. Dans un étonnant chœur politique,
entonné par des élites ayant fait parvenir des listes de candidats à Jacques
Fame Ndongo, accusé de n’en avoir fait qu’à sa tête ; ébranlant ainsi une part
du clientélisme politique qui entoure cette crise. En attendant de savoir si le
compte-rendu de Cavayé Yégué Djibril est fidèle aux résolutions prêtées au
président de la République, des soucis sont d’ores et déjà perceptibles. Ils
tiennent à cette “ jurisprudence ” de la contestation, aux voies qu’elle ouvre
pour la République.
Source : La Nouvelle Expression
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