Le CCEM a publié une étude inédite qui dessine les contours de cette forme de
traite à des fins économiques, pour laquelle aucun chiffre officiel n'existe
mais que l'association estime "à des milliers" au vu des "200 à 250
signalements pertinents" par an qu'elle reçoit. L'étude a porté sur les 79
personnes que l'association a accompagnées une fois majeures mais qui ont été
exploitées mineures. A 96 %, les personnes exploitées sont des femmes et "la
domesticité est principal domaine d'escalave de jeunes filles étrangères", a expliqué à
l'AFP Sofia Lakhdar, directrice du CCEM. En moyenne, ces jeunes filles sont
recrutées à 14 ans - les plus jeunes ont aux alentours de 9 ans - et elles sont
exploitées durant six ans, selon l'étude, qui révèle que leurs "employeurs" sont
à 49 % des membres de la famille. Quand elles ont quitté leur pays d'origine
(Côte d'Ivoire 26 %, Maroc 14 %, Togo 10 %, Sénégal 10 %, Mali 5 %, Cameroun 5
%, Guinée Conakry 4 %, Nigeria 3%, Niger 3 %, Madagascar 3 %, Gabon 3 %), elles
avaient eu pour 42 % une offre de travail, généralement de ménage et garde
d'enfants, mais 58 % ont cru en de fausses promesses, essentiellement d'être
scolarisées et d'avoir une formation.
Arrivées en France, seules 8 % seront effectivement scolarisées (28 % l'étaient
dans leur pays d'origine), tandis que 92 % ne mettront pas les pieds dans une
école française certaines étant séquestrées, les autres voyant leur liberté de
mouvement restreinte à leurs tâches. En moyenne, ces jeunes exploitées
travaillaient 15 heures par jour, un travail non rémunéré, et sans jour de
repos. 95 % d'entre elles étaient assignées aux corvées ménagères et à la garde
des enfants, seules 3 % étaient prostituées en plus des tâches quotidiennes.
Quasiment toutes ont subies divers types de violences : 90 % disent avoir
souffert de violences psychologiques (injures, dénigrement, menaces), 75 % des
violences physiques et 25 % des violences sexuelles. De plus, 22 % ne mangeaient
pas régulièrement et 14 % devaient se contenter des restes, parfois avariés, "un
régime qui leur laisse, à l'âge adulte, des carences et engendre des problèmes
de santé", souligne Mme Lakhdar. Aucune n'a eu de chambre individuelle. Ces
jeunes filles étaient contraintes de dormir dans les chambres des enfants à 41
%, dans le salon, un cagibi ou une cave à 40 %, et seules 24 % ont connu un lit.
Leur calvaire s'est arrêté essentiellement parce qu'elle sont fui (66 %), ou
qu'elles ont été mises à la porte (16 %). Elles ont été aidées dans 61 % des
cas, notamment par des voisins qui ont pour 40 % des fuyardes proposé un
hébergement provisoire.
Source : Le Monde
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