Dieudonné Kaffack, un Français d'origine camerounaise de 38 ans, et Stéphane
Denys, l'un de ses amis du même âge, avaient été violemment frappés, le 19
septembre dans la nuit, par deux inconnus qui avaient traité le premier de "sale Noir". Les deux hommes
s'étonnaient qu'au moins l'un des agresseurs, formellement reconnu par plusieurs
personnes, n'ait pas été interpellé."On
nous a dit que c'était une procédure longue, qu'il fallait le convoquer, et que,
s'il ne venait pas, il faudrait demander au parquet", explique Stéphane
Denys.
Une lettre au parquet de l'avocate des victimes, Me Isabelle
Schoenacker-Rossi, qui dénonçait le caractère raciste de l'agression, semble
s'être perdue. Ce n'est qu'à la lecture de l'article du Monde que le substitut de permanence a sommé
la police, mercredi 4 novembre, d'interpeller le suspect que les enquêteurs ne
pensaient convoquer que le 8.
Placé en garde à vue, Clément
Hamelle, 23 ans, employé dans un club de rugby et déjà condamné pour deux
agressions, s'est refusé à donner le nom de son complice. Il a fallu qu'il soit
présenté au parquet pour enfin livrer le nom de l'autre agresseur, Thierry
Kramer, 31 ans, un militaire du 17erégiment du génie parachutiste
de Montauban, à son tour interpellé. Les deux hommes nient le caractère raciste
de l'agression.
Une information judiciaire a été ouverte, vendredi 6 novembre. Les deux hommes
ont été mis en examen pour"violences
volontaires"suivies d'une
incapacité totale de travail de plus de huit jours, avec les circonstances
aggravantes qu'elles ont été"commises
en réunion"et comportent un "caractère raciste". Déjà
condamnés pour violences, tous deux étaient en récidive. Le parquet a réclamé
deux mandats de dépôt : seul Clément Hamelle a été incarcéré, Thierry Kramer
ayant été placé sous contrôle judiciaire.
Dieudonné Kaffack et Stéphane Denys se sont dits "très soulagés", mais l'affaire
souligne l'inquiétante inertie des policiers, dans une enquête techniquement
simple. Tout d'abord les policiers, arrivés vite sur les lieux avec les
pompiers, se sont contentés, de retour au commissariat, de déposer une main
courante, en dépit de l'état des victimes et de la présence de nombreux témoins.
L'épouse de Dieudonné, ensuite, a dû se rendre à deux reprises au commissariat,
qui a refusé de prendre sa plainte. Il a fallu attendre le 29 septembre date de
sortie des deux blessés de l'hôpital, pour qu'ils soient entendus. Les
enquêteurs, qui ont "ordre de ne
pas communiquer", se sont excusés auprès de Mme Kaffack de l'accueil réservé par le
commissariat.
Le policier qui a entendu à nouveau les victimes, jeudi 5 novembre, s'est par
ailleurs étonné qu'ils aient eu une interruption totale de travail de plus de
huit jours, qui indique la gravité de l'agression. "On a pourtant été vus tout de
suite par un médecin expert envoyé par le commissariat", s'étonne Dieudonné.
Enfin, jeudi, lors des nouvelles auditions, les enquêteurs n'ont pas hésité à
présenter en face-à-face et sans autre précaution aux deux victimes un militaire
en uniforme en leur demandant simplement"si
c'était le deuxième homme"."Je
me suis trouvé face à cet homme, j'ai eu un peu peur,expliqueDieudonné
Kaffack,j'ai dit : "Vous me
prenez de court, je ne peux pas dire que c'est lui"."
Une heure avec un substitut du parquet semble plus efficace que
quarante-huit heures de garde à vue chez les policiers de Montauban.
Source : Le Monde
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