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Des morts et du feu
Les trois pages de votre journal qui suivent présentent un panorama de la situation du Cameroun tel que les moyens humains et matériels d’une rédaction pouvaient permettre d’en offrir, six jours après le déclenchement des violences qui secouent le Cameroun. A Yaoundé, Bamenda, comme à Douala, elles vous permettront de prendre la température de la fièvre qui s’est saisie des populations et singulièrement des manifestants. Car au milieu des jeunes, qui constituent partout le gros des mécontents qui s’expriment violemment dans nos rues, les morgues et hôpitaux continuent d’accueillir des victimes (voir encadré sur Bamenda et reportage à Njombé et Loum) aussi nombreuses que celles que l’on a enregistrées depuis samedi dernier. Au-delà du Cameroun, l’inquiétude s’est également manifestée, puisque les représentations diplomatiques occidentales, à l’image de celle de la France, ont recommandé à leurs ressortissants de ne pas sortir de leurs résidences. En attendant que le calme revienne, l’Union européenne prépare d’ailleurs une réponse à l’initiative de révision de la constitution (et de la limitation des mandats présidentiels) qui a contribué à mettre le feu aux poudres.
Hier, 18h, au lieu dit Rond-point Nlongkak à Yaoundé. La station-service Total, située en face de celle de la Mobil, est déjà assaillie par des files de véhicules quelques minutes après sa réouverture. La fermeture deux jours auparavant n’était pas la conséquence d’une pénurie mais plus une mesure de sécurité. Parmi les véhicules qui s’approvisionnent en carburant, dont les prix à la pompe sont bel et bien ceux arrêtés par le gouvernement dans la nuit de mardi, aucun taxi.
Bousculades
Même dans la rue, les voitures jaunes sont toujours absentes et les grappes humaines battant le pavé comme depuis lundi dernier sont toujours observables, quatre jours après le début de ce qui était à la base un mouvement de grève des transporteurs urbains et interurbains. La circulation est fluide. Mais on croise un peu plus de voitures que la veille où il régnait sur Yaoundé à la tombée de la nuit une atmosphère de couvre-feu avec la chaussée encombrée en bien des points par des cendres de pneus calcinés et le bric-à-brac utilisé par les jeunes qui protestaient en journée contre la vie chère et le chômage, pour barrer les routes. Plus bas, au niveau de la boulangerie centrale, la longue file de personnes du matin a disparu et les clients ne se bousculent plus pour s’approvisionner en pain. Le restaurant du Bois de Sainte Anastasie, où quelques cylindrées rutilantes sont visibles dans le parking de ce lieu de plaisance qui a compté le chef de l’Etat parmi ses premiers visiteurs en fin d’année dernière, tourne.
En face, le supermarché Mahima a rouvert ses portes et un camion de transport de troupes des forces armées nationales avec à l’avant la mention BQG, pour Bataillon du quartier général, déverse des militaires qui prennent la relève de ceux qui étaient stationnés là depuis les premières heures de la matinée pour assurer la sécurité des lieux et des clients. Un dispositif similaire était observable en matinée autour du supermarché Score où les contenus des chariots traduisaient bien la psychose qui avait gagné les uns et les autres venus se ravitailler. Tout comme au marché du Mfoundi où les bousculades autour des vivres étaient impressionnantes pour un jeudi. A la tombée d la nuit, en face de l’hôtel Hilton, six éléments du Bataillon léger d’intervention (Bli), une unité d’élite de l’armée spécialisée dans la lutte contre les coupeurs de route et la sécurité dans les zones frontalières, identifiables à leurs tenues et casquettes, arborent des gilets pare-balles et font mouvement vers le rond-point des services du Premier ministre. La bousculade en vigueur depuis lundi autour du distributeur automatique de billets de l’agence Crédit agricole située non loin de là s’est estompée.
Exactions
Au quartier des ministères, le calme plat est perturbé de temps en temps par des motos qui pétaradent et qui sont l’unique moyen de transport en commun qui s’offre aux quelques téméraires qui se sont aventurés vers leurs lieux de service. La surenchère est de rigueur et c’est de bonne guerre. Alors que le voile de la nuit recouvre le ciel plus tôt que d’habitude après une pluie qui est tombée serrée et drue sur une bonne partie de la ville, trois véhicules ayant à bord des expatriés dont les plaques minéralogiques indiquent qu’ils appartiennent à des personnels de l’ambassade de France, traversent en cortège devant le ministère des Postes et Télécommunications sous escorte d’un pick-up de la gendarmerie avec à bord des éléments armés.
En effet, pratiquement tout ce que notre armée compte comme unités a été mis à contribution pour que Yaoundé respire à nouveau. Cela ne s’est pas fait sans exactions avec des personnes tabassées du côté de Biyem-Assi et dans le quartier estudiantin de Bonamoussadi où des chambres d’étudiants ont été défoncées et les résidents violentés. Depuis mercredi les éléments de garde présidentielle avaient décidé d’élargir le périmètre de sécurité du palais présidentiel en érigeant des barricades à Tsinga, Etoudi et Tongolo. Des blindés légers étaient d’ailleurs positionnés dans la rue par cette unité dont la mission est d’assurer la protection du chef de l’Etat, de sa famille et de ses hôtes.
Source: Quotidien Mutations
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