Dakayi Kamga répond à Yves-Michel Fotso
Le ciel de Yaoundé s'obscurcissait, annonçant une de ces averses qui s'abattent régulièrement sur la capitale ces jours de septembre. Ce vendredi 12 septembre, il était pourtant souriant et clair comme le soleil de leurs sourires, le propos des vendeuses du petit marché chic de fruits et légumes de la montée de l'Ane rouge. " Il vous laisse tout, la maison, le salaire, même le téléphone, et vous venez dire qu'il a volé ", s'indignait une d'elles. Pour leur porter éventuellement la contradiction, aucun de leurs clients qui, d'ordinaire, proviennent des beaux quartiers de la capitale, n'a osé dire mot.
Mieux, l'un d'eux, tâtant une banane avant de la déguster, s'amusait même franchement du soutien que de la rue, ces marchandes portaient à l'ancien Administrateur directeur général de la Camair, Yves Michel Fotso qui s'est défendu la veille, jeudi, d'avoir tiré profit de son séjour à la tête de la compagnie pour s'enrichir sur le dos du contribuable, quand il ne s'agissait pas simplement de démentir des détournements de deniers publics. Mieux, a prétendu M. Fotso, c'est le groupe Fotso dont il assume la direction qui a dû en pâtir parce qu'il a soutenu financièrement le rétablissement raté de la Camair. C'est dire si pour certains, comme ce cadre d'assurances : " Il a globalement convaincu. " Même si pour d'autres encore, il sera difficile de savoir la vérité tant que tous les protagonistes ne se seront pas exprimés.
D'ailleurs, n'a-t-il pas mis en branle, pour parvenir à prouver son innocence, des moyens peu ordinaires. Réunissant sur le même plateau trois chaînes de télévision véritablement concurrentes : Canal 2 International, Stv et Equinoxe. Et dès le lendemain, réussissant le tour de force d'être interviewé, sur quatre pages d'un journal qui en compte régulièrement douze, par le directeur de publication du Messager, Pius Njawe. En attendant la suite de la défense annoncée dans les pages du même quotidien ce lundi matin en principe. S'il est vrai que le directeur général de la compagnie d'électricité Aes-Sonel avait déjà récemment réussi à rassembler des journalistes de diverses rédactions, autant de la presse écrite que des médias audiovisuels, pour une opération similaire diffusée en même temps par les médias intervenants, l'on pouvait se demander si la démarche de Yves Michel Fotso relevait de la communication ou de l'information. De toute évidence, il y a eu au moins un " arrangement " entre les télévisions.
Trois jours après en effet, Joly Koum, l'un des présentateurs vedettes des débats sur Canal 2 International et interviewer de M. Fotso, regrette que Stv, qui avait prêté ses caméras à l'opération, a habillé l'émission comme une production maison, alors que, soutient-il, elle devait être dépouillée de toute estampille et distribuée au moins 24h à l'avance aux autres télévisions. Michel Penda, le réalisateur de Stv, s'étonne en revanche de ce qu'on puisse réclamer d'un professionnel qu'il ne signe pas ses œuvres. Quant à l'heure de remise de la bande à diffuser, M. Penda ne considère pas comme un acte d'anti-jeu la remise de la copie de Canal 2 International l'après-midi de jeudi dernier, jour de diffusion.
C'est dire l'ambiance professionnelle qui a présidé l'organisation et la diffusion de cette émission télévisée. Mais pour Joly Koum, la volonté de faire parler M. Fotso sur Canal 2 International avait déjà été manifestée par cette chaîne de télévision.
Manipulée
Pareillement, l'interviewé avait déjà émis, au téléphone et en direct, le vœu de faire entendre sa version des faits alors qu'il se faisait charger par une des figures les plus connues de la Camair, le pilote émérite Jean-Louis Angounou, qui critiquait négativement sa gestion de la compagnie sur Stv. Yves Michel Fotso réussissait donc à la fois à " s'expliquer " sans être de nouveau attaqué.
Les journalistes l'interviewant, ayant relevé dès le départ qu'ils " remerciaient " l'ancien patron de la Camair d'avoir accepté de s'expliquer avec la presse, alors que le " mis en cause " s'indignait dans le même temps que la presse l'a cloué au pilori ces dernières semaines. Bien que Yves Michel Fotso se soit empressé de distinguer cette presse accusatrice, " manipulée " d'après lui dans le cadre de l'opération Epervier et de la critique de sa gestion à la Camair, en vue de détruire l'empire richissime des Fotso.
Ce qui laissait sous-entendre que les accusations relayées par la presse incriminée et absente du plateau étaient marquées du sceau du parti pris. Un défaut dont ses interviewers qui lui demanderont, un temps, de commencer par le sujet qui lui vient " à l'esprit ", afin de lancer l'échange contradictoire, ne souffraient donc pas. Dès lors, le déroulement de l'interview n'a pas connu la vigueur des échanges que les sommes en jeu dans les différentes affaires évoquées autour de la gestion de Yves Michel Fotso à la Camair et dans l'achat de l'avion présidentiel auraient pu faire espérer. Mais les réactions qui suivent (lire ci-contre la réaction de Francis Nana, mis en cause comme faussaire par M. Fotso et de son remplaçant à la Camair Thomas Dakayi Kamga qui avait mandaté M. Nana pour négocier à la baisse les contrats signés sous l'empire de la gestion précédente) indiquent qu'il faudra bien plus qu'une heure et quarante cinq minutes de télévision, et quelques réactions dans la presse, pour tirer au clair le différend sur la gestion de Yves Michel Fotso à la Camair.
Francis Nana: " J'ai dénoncé Fotso après avoir averti la présidence… "
Fortement mis en cause par Yves Michel Fotso, autant sur son expertise supposée que sur les actions de dénonciation qu'il aurait entreprises à travers la planète pour mettre à mal le groupe Fotso, Francis Nana a accepté de nous apporter les précisions ci-dessous et de mettre à notre disposition autant la copie du Journal officiel français du 5 juillet 2000, qui lève le doute sur sa qualité d'expert comptable diplômé, que sur l'attestation de réussite à l'examen d'expert comptable à la session de 1999 (voir fac similé). A la lecture du document que Mutations publie en exclusivité, chacun pourra se faire une idée de la déclaration suivante de M. Fotso : " En ce qui concerne son mandat, M. Nana n'a aucune expertise dans le domaine "…
Lors de son entretien diffusé jeudi dernier, Yves Michel Fotso a par ailleurs fait de Francis Nana, sa cible principale. L'homme est accusé d'avoir saisi la justice suisse et d'autres pays comme la France, les Etats-Unis d'Amérique, Singapour pour présenter M. Fotso comme un " criminel économique ". Avant d'ajouter : " [i il n'a pas été capable d'apporter la moindre preuve au tribunal de Douala, ni en première instance, ni en appel [de cette accusation] ". Francis Nana, qui s'insurge contre le tapage médiatique qui tendrait à le présenter comme un délateur apporte les précisions suivantes avec les documents ci-contre.
1/- Sur la commission rogatoire suisse
" Fin avril 2005, j'ai effectué pour le compte de la Camair, auprès de deux grandes banques internationales, l'une en Suisse et l'autre à Singapour, une demande de levée du secret bancaire concernant les paiements faits par la Camair au profit de la société Avipro Finance et d'autres transactions concernant la société SG Avipro Finance, au motif du soupçon de détournement de fonds publics au préjudice de la Camair et de blanchiment d'argent. Ces demandes ont été faites en vertu des pouvoirs à moi conférés par le mandat de Conseil financier du 31 mars 2004 et dans l'objectif de protéger les intérêts de la Camair qui étaient fortement menacés dans un contentieux judiciaire initié contre elle aux Etats-Unis par la société SG Avipro Finance sur la base d'un faux contrat antidaté et signé par M. Yves Michel Fotso alors que ce dernier n'était plus en fonction à la Camair.
Je précise que cette menace était accrue du fait du témoignage inattendu et non requis de M. Yves Michel Fotso contre la Camair le 16 avril 2005 devant le Tribunal de New York. J'ai, à l'époque, parfaitement informé M. Paul Ngamo Hamani, l'Administrateur provisoire de la Camair, de ces demandes de levée du secret bancaire aussi bien préalablement que postérieurement. Il en a été de même du mandataire de la présidence de la République, Maître Akere Muna, dès que sa nomination a été expressément notifiée à Sygma Finance le 3 mai 2005 par l'Administrateur provisoire de la Camair.
Lors de la remise, le 30 juin 2005 de mon rapport final à Maître Akere Muna, ce dernier a été parfaitement informé des suites données par la banque saisie en Suisse, de la transmission de son propre gré qu'elle en avait faite aux autorités judiciaires de la confédération Helvétique, de la convocation à moi servie par le Procureur fédéral (voir fac similé) et de mon intention de ne pas faire entrave à la justice Suisse"
2/- Sur la nullité de son mandat
" La nullité du mandat a été prononcée le 27 août 2008 par le Tribunal de Grande Instance de Douala alors manifestement incompétent en vertu de la clause d'arbitrage prévue dans le contrat et qui indique la Cour arbitrale de la Chambre de Commerce internationale de Paris, avec application du droit français. Par ailleurs, le défaut de résolution du conseil d'administration lors de la signature par M. Dakayi Kamga, invoquée le 13 juin 2006 par la Camair, n'est pas recevable compte tenu du fait que l'Administrateur provisoire, M. Paul Ngamo Hamani, qui cumulait les pouvoirs de la Direction Générale et du Conseil d'Administration, a ratifié expressément le mandat le 6 mai 2005 ; et que Maître Akere Muna, mandataire de la présidence de la République, en a fait de même le 18 mai 2005 en plus d'avoir, le 6 avril 2005, expressément fait de la Présidence de la République le codébiteur solidaire de la Camair dans ses engagements vis-à-vis de Sygma Finance.
Dès le 23 mars 2005, sur demande de l'Administrateur provisoire, les ministres Polycarpe Abah Abah et Jean Marie Atangana Mebara avaient été informés des détails du mandat et ils ne l'ont jamais contesté. Il est doublement regrettable que l'Administrateur provisoire et Maître Akere Muna aient initié, le 13 juin 2006, cette procédure nuisible aux intérêts de la Camair et qu'au cours de celle-ci le Tribunal de Grande instance ait rendu, aussi bien sur la forme que sur le fond, des décisions entachées de nullité absolue, contraires à l'ordre public et inopposable au Tribunal arbitral français, qui serait saisi si les débiteurs de Sygma Finance, à savoir la Camair et l'Etat du Cameroun, ne s'acquittaient pas de leur dette. Il est vain de la part de ceux qui me poursuivent devant les juridictions camerounaises depuis trois ans de croire qu'ils échapperont ainsi à la justice. Conformément aux promesses maintes fois répétées par son Excellence le Président Paul Biya, et encours de matérialisation, ils rendront gorges et force restera à la loi !"
Source: Quotidien Mutations
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