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Couple mixte en France : entre rejet et invisibilité, une union impossible ?
(12/02/2009)
Point de vue concernant la vie des couples mixtes en France, des obstacles auxquels se heurtent ceux d'horizons différents qui ont pourtant choisi d'avoir un avenir commun.
Par E.L.
Les couples mixtes en France : chimère ou réalité ?
Les couples mixtes en France : chimère ou réalité ?

Note de la Rédaction : point de vue et étude sociologique d'une internaute concernant la mixité et les couples mixtes en France. Panorama des possibilités et impossibilités actuelles liées aux moeurs, aux préjugés concernant l'épanouissement des couples mixtes en France, avec témoignages de tiers.

Au commencement, il y’avait Eve et Adam. Non, on recommence….Au commencement, il y’avait Fred et Hasna, Mamadou et Zineb, Stan et Ouahiba. Entre eux, nulle histoire de pomme ou de serpent mesquinement tapi sous un arbre. Entre eux, le poids des conventions sociales, des coutumes d’un autre âge et, surtout, d’un racisme silencieux qui s’infiltre insidieusement.

Une identité française commune

Hasna et Fred se fréquentent depuis 5 ans. Fred est infirmier titulaire depuis 2 ans. Hasna quant à elle vient de terminer sa dernière année de droit. Son stage de fin d’année s’est transformé depuis peu en CDI. Ils ont tout deux 25 ans, sont amoureux et souhaitent faire leur vie ensemble.

Seule ombre au tableau : Hasna est tunisienne, Fred, lui, est congolais : « Mes parents n’accepteront jamais que je leur présente un soupirant d’une origine différente. Ma sœur aînée a été bannie de la famille quand elle a choisi d’épouser son petit ami français. Ils sont parfaitement heureux et ont aujourd’hui deux enfants, mais mon père a toujours refusé de les voir. Ma mère s’arrange pour « croiser » ses petits enfants au centre commercial. Alors, pour ce qui est de Fred…. »

Elle ne termine pas sa phrase. Fred reprend : « Je peux comprendre que des parents soient inquiets pour l’avenir de leur fille. Si je le pouvais, j’essaierais dans la mesure du possible de les rassurer. Mais je crains que le fait que je sois travailleur, que je sois issu d’une famille respectable ou même que je me convertisse à leur religion ne suffise pas. Je serai toujours différent à leurs yeux ». Cette différence, ils la vivent au quotidien. Dans le regard des gens, dans les murmures à peine discrets qui suivent leur passage ou dans les quolibets qui leur sont ouvertement adressés dans la rue. « C’était difficile les premiers mois, admet Stan, d’origine martiniquaise. Pas tellement à l’extérieur car Ouahiba et moi passons l’un et l’autre aussi bien pour des métis. C’était surtout difficile au sein de nos familles respectives. Surtout la mienne. Ma mère n’a jamais accepté ma conversion à l’Islam. Elle en a longtemps tenu Ouahiba pour responsable. »

Ces différences n’auraient pourtant idéalement pas lieu d’être. Nés en France et ayant grandi sous l’égide du modèle républicain, ces enfants de la deuxième génération, comme les sociologues et politiciens se plaisent à les appeler, sont français. Ils ont souvent fréquenté les mêmes écoles, ont grandi dans les mêmes quartiers, ont partagé les mêmes codes culturels, langagiers et vestimentaires. D’origine sénégalaise, algérienne, camerounaise ou tunisienne, ils sont avant tout français. A ce jour, aucune étude ne permet de définir leur nombre, leur répartition en âge et encore moins en pays d’origine. En effet, la loi du 13 juillet 1990 interdit en France tout acte fondé sur une discrimination, sur l’appartenance ou la non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion.

Aussi, cette invisibilité des minorités dites visibles laisse place à toutes les approximations, difficilement vérifiables. De ce fait, le nombre des couples mixtes issus de la seconde génération n’est pas vraiment quantifiable.




Un melting pot controversé…

dyn006_original_400_259_pjpeg_2572976_d310fd8bf0a7f2ed417097da1610ec2eCette génération, encensée lors du dernier festival de Cannes grâce au film de Laurent Cantet « Entre les murs », porte en elle l’espoir d’une nouvelle identité française, sous les couleurs bigarrées d’un drapeau black-blanc-beur, symbole d’une France qui assume sa pluri culturalité. Ce brassage connaît cependant d’évidentes limites. En effet, s’ils partagent une certaine  culture commune, celle-ci n’est pas suffisamment forte pour rallier les groupes qui la composent autour d’une identité fédératrice. Enfants d’immigrés, ils ont pour la plupart grandi dans des milieux et des quartiers défavorisés où la précarité, l’exclusion et le chômage atteignent parfois des taux record, et sont des terrains propices au climat de tension et au repli communautaire qui règnent.

L’exemple de la banlieue Nord de Paris, théâtre depuis plusieurs années de tensions communautaires, illustre assez bien le malaise qui existe entre habitants d’origines africaine, maghrébine, antillaise, de confession juive ou musulmane. Dans la vie de quartier, les regroupements ont de plus en plus tendance à s’organiser en fonction des ethnies et des religions. Face aux incertitudes et mutations vécus comme des agressions extérieures, le mouvement de repli communautaire devient naturel.

Les dernières générations sont les plus fragilisées car les plus exposées aux changements. Cette pression s’exerce plus particulièrement sur les filles, dont la surveillance s’est accrue au nom de la défense de l’héritage culturel. L’institution matrimoniale étant basée sur le principe de l’échange, comme l’a démontré l’anthropologue Levy Strauss, l’endogamie reste encore le meilleur moyen d’assurer la « circulation de ces biens du groupe que sont les femmes et les filles ».

Dans ce contexte, la naissance d’une idylle entre jeunes issus de communautés différentes est parfois source de conflit. « Lorsque j’ai commencé à fréquenter Mamadou, ça s’est su très rapidement car nous habitions la même cité. Mon frère aîné qui s’était pourtant jusqu’à présent très bien entendu avec lui, a été alerté par ses copains. Pour eux, ça ne se faisait pas. Il m’a menacé à plusieurs reprises et en est même venu aux mains avec Mamadou. », nous confie Zineb, dont les parents sont originaires du Maroc.

Dans la communauté dont Zineb est issue, comme dans la plupart des groupes sociaux, les jeunes filles sont non seulement les dépositaires de l’honneur de la famille, mais aussi, dans le rapport étroit qu’elles entretiennent avec l’éducation de leurs enfants, les garantes de la transmission de la culture, de la religion et de la langue. Ainsi, une jeune fille « perdue » entraine également la perte de tout son lignage.

« Il y avait une telle pression – on parlait même de me marier au pays – que j’ai pris peur et je me suis enfuie. Je me suis cachée dans la famille de Mamadou. Lorsque ma famille l’a appris, ma mère a pris les devants et est venue me supplier de rentrer. »

Selon Camille Lacoste-Dujardin, sociologue, «  c’est bien en terme d’alternative insupportable que s’exprime le plus cette contrainte : ou respecter l’endogamie, ou rompre avec ses parents, voire les renier ». « Si ma mère avait été quelqu’un de moins sage, cela aurait pû très mal se terminer. Mais avec l’appui de l’imam du quartier, elle a réussi à faire accepter cette union à mon père et à mes frères. » En effet, les parents se basent sur l’Islam pour justifier les choix moraux de l’éducation de leurs jeunes filles, d’où la confusion entres coutumes, pratiques sociales et religion dans ce qui est « haram », ce qui est interdit. Mais qu’en est-il vraiment ?



La religion et le mariage mixte

Thierry CreuxLa législation musulmane prône l’égalité entre ses adeptes dans la plupart des domaines. Le fait d’être noir ne semble pas être, explicitement, un frein au mariage mixte. Certaines annales rapportent d’ailleurs que le premier muezzin de l'Islam, Bilal, esclave noir fût acheté, affranchi et marié par le Prophète lui-même à l’une des filles des Banû Bukaïr. La réalité actuelle est parfois bien différente, comme nous le confirme Stan : « Ma conversion à l’Islam n’a en rien facilité mon intégration au sein de la famille de mon épouse. Bien au contraire. Même si ce choix a été fait pleinement, à la suite de longues études et d’une vraie révélation. Il  a été jugé par certains comme une stratégie. »

Stratégie à laquelle Fred, évangéliste pratiquant, ne souhaite pas adhérer : « Nous ne devrions pas avoir à renoncer à une partie de nous même pour aller à la rencontre de l’autre. Ce sont ces différences qui enrichissent notre union, tout comme elles enrichiront plus tard nos enfants. Ils seront élevés dans le respect des deux fois et feront un choix ou pas, quand ils seront en âge de le faire. De toute façon, je pense que le problème est ailleurs….. »

Il faut remonter plusieurs siècles plus tôt et traverser la méditerranée, pour saisir l’essence de cet « ailleurs » qu’évoque pudiquement Fred. Car le Noir, dans l’imaginaire collectif de l’Afrique du Nord, renvoie toujours confusément à l’image domestique et aux rangs les plus inférieurs de la société. Cette vision dévalorisante date probablement de la longue traite orientale qui ne cesse qu’aux alentours de 1890, date du second décret d’abolition de l’esclavage.

Au cours du xxe siècle, l’esclavage sous sa forme traditionnelle tend à disparaître au Maghreb. Les indépendances et la mise en place de l’État-nation abolissent toute différence de statut juridique. Les descendants d’esclaves noirs connaissent alors une très lente émancipation, ponctuée par l’acquisition de certains droits.

Il reste cependant encore certains signes de discrimination, notamment dans le langage qui véhicule une certaine représentation de l’homme noir.

Ainsi, un noir est un « oussif » (« serviteur », « esclave » et, par extension, « noir »). Par opposition, « blanche » se dit « horra », qui signifie « libre » en tunisien.



Représentation ambivalente de l’homme noir

Cette représentation est nuancée par Abdelwahad Meddeb, maître de conférences à l’université Paris X.

« Le rapport au Noir est une sorte de bénédiction : le mal converti en bien. Les appellations données au Noir en témoignent : Mabrouk comporte baraka, bénédiction, Masrour, celui qui apporte la joie. Pour chasser le mauvais œil, une maison devait avoir son Noir... »

Il évoque également la place prépondérante de la sexualité dans la représentation du Noir dans le monde arabe : « dans Les Mille et une nuit, Shahiar, dans le conte-cadre, est traumatisé par l'adultère de sa femme avec un Massaoud justement, l'esclave noir. C'est l'ambivalence du Noir qui fait de lui un eunuque dans le harem : on cherche sa présence en sa qualité de porte-bonheur  et on craint sa sexualité ; on le châtre alors et on en fait le compagnon et le gardien des femmes. »

Dans une société française en pleine mutation, l’acceptation de ces couples mixtes par leurs milieux d’origine, demeure précaire. Bien souvent, la peur de l’inconnu et l’ignorance sont le creuset des préjugés les plus tenaces, préjugés qui traversent les époques et voyagent d’un continent à l’autre. L’objet du mal dont on souhaite la conversion n’est pas convenablement identifié. Le danger n’est pas l’Autre dans son altérité, mais Soi dans ce refus de l’altérité.

L’union de Fred et Hasna, Mamadou et Zineb, Stan et Ouahiba, reste encore le meilleur symbole de conversion du mal en bien.



E.L.




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