Dans la villa à 35 millions de dollars américains
Le célèbre New
York Times dans son édition du
17 Novembre 2009, vient de la révéler au grand public. Un vrai scandale,
équato-guinéen celui-là, qui vient ainsi s’ajouter à d’autres dénoncés dans
d’autres pays africains. Teodoro Nguema Obiang, ministre des Forêts et de
l’agriculture de Guinée équatoriale est accusé de corruption et de détournements
de fonds publics. Ce qui choque les auteurs de l’enquête, c’est non seulement
que ces faits sont avérés -du moins si l’on en juge par les fonds détenus par le
fils du président de Guinée équatoriale- mais le plus grave, c’est qu’il réussit
toujours à se voir délivrer un visa d’entrée aux Etats-Unis malgré les
restrictions qui sont en principe sensées être appliquées à tous ceux qui
auraient des liens directs ou indirects avec la corruption, ceci conformément à
une loi signée en 2004 par le président George W. Bush et renforcée par une
autre votée par le Congrès américain en 2007.
Car c’est bien de corruption qu’il est question ici, sinon par quels moyens
Teodoro Nguema Obiang a-t-il pu s’offrir une villa de 35 millions de dollars à
Malibu dans l’Etat de Californie, un jet privé de 38 millions de dollars, quatre
Ferraris d’une valeur de 1 million de dollars à raison de 250.000 dollars
chacune, 2 Rolls – Royce de 700.000 dollars à raison de 350.000 dollars chacune,
une Bentley de 240.000 dollars, 2 Maybachs de 700.000 dollars à raison de
350.000 dollars chacune, soit un total de quelque…38 milliards Fcfa ?
Ces chiffres ne sont en aucun cas des estimations de journalistes, mais bien des
données produites et rendues publiques par une agence spécialisée américaine à
savoir l’United States Immigration and Customs Enforcement qui dépend en réalité du
Département de la Sécurité intérieure des Etats-Unis (United
States Department of Homeland Security) un département de l’administration
fédérale américaine créé en novembre 2002 à l’initiative du président George W.
Bush, en réponse aux attentats du 11 septembre 2001. Son objectif est
d’organiser et d’assurer la sécurité intérieure du pays. C’est donc une agence
dont la crédibilité ne fait l’ombre d’aucun doute puisqu’elle est chargée entre
autres, du contre-espionnage au sein du territoire américain.
Ainsi les allées et venues de Teodoro Nguema Obiang, comme celles de beaucoup
d’autres leaders et personnalités africaines et du monde n’échappent pas à
l’Etat américain. Mais la grande question que beaucoup se posent est celle de
savoir comment une personnalité dont les soupçons de corruption n’échappent pas
aux autorités américaines continuent de bénéficier d’un visa d’entrée aux
Etats-Unis en violation des règles, lois et autres bonnes intentions visant à
interdire l’entrée sur le sol américain de tous ceux-là qui pillent l’Afrique,
ses biens et fonds publics ?
Odeur de pétrole
Depuis 1996, la Guinée équatoriale a inscrit son nom en lettres d’or
sur la liste des pays producteurs de pétrole, se classant au passage troisième
pays d’Afrique subsaharienne après le Nigeria et l’Angola. En 2007, le pétrole a
rapporté environ 4.8 milliards de dollars (environ 250 milliards Fcfa) à la
Guinée équatoriale. Des langues au Département d’Etat américain se délient. Pour
certains officiels en poste, les liens serrés que la Guinée équatoriale
entretient avec l’industrie pétrolière américaine seraient pour beaucoup dans le
non-renforcement de la loi sur la délivrance des visas. John Bennet, ambassadeur
des Etats-Unis en Guinée équatoriale de 1991 à 1994 est affirmatif à ce propos
en déclarant qu’effectivement, c’est grâce à son pétrole que la Guinée
équatoriale bénéficie de ces «
faveurs » alors que les
officiels du Zimbabwe pour ne prendre que eux sont interdits d’entrée aux
Etats-Unis. Ces deux Etats sont presque pareils et si le Zimbabwe avait des
ressources pétrolières, poursuit John Bennet, ses officiels ne continueraient
pas à être bloqués aux portes des Etats-Unis.
On apprend d’autre part que les
quelque 400.000 barils de pétrole produits par jour en Guinée équatoriale sont
majoritairement exploités par des compagnies américaines comme Exxon mobil, Hess
ou encore Marathon. Tout ceci provoque bien entendu des mécontentements, des
frustrations et de la colère chez certains sénateurs. C’est le cas chez Patrick
J. Leahy , sénateur démocrate du Vermont à l’origine de la loi sur la
restriction des visas et qui est convaincu que Teodoro Nguema Obiang est un
corrompu. Alors dit-il : « Le
fait que quelqu’un comme Teodoro Nguema Obiang continue de voyager librement
entre son pays et les Etats-Unis montre bien que le Département d’Etat
n’applique pas vigoureusement la loi comme l’aurait voulu le Congrès. Il
y a de nombreux officiels de certains pays étrangers qui exploitent les
ressources du pays pour leurs intérêts personnels et la loi est claire
là-dessus, si vous le faites, vous n’êtes pas bienvenue aux Etats-Unis ».
Transfert de fonds
Un rapport du département de la justice datant du 4 septembre 2007
révèle que le gouvernement américain croit savoir que la richesse de Teodoro
Nguema Obiang provient de l’extorsion et du détournement des fonds publics.
Ainsi entre avril 2005 et avril 2006, Teodoro Nguema Obiang a fait transférer
pas moins de 73 millions de dollars aux Etats-Unis à travers les comptes de
certaines entreprises pétrolières opérant en Guinée-Equatoriale. Toujours
suivant le même rapport, de 2005 à 2006 le fils du président équato-guinéen a
transféré d’importantes sommes d’argent entre son pays et l’étranger. De
nombreux mouvements de fonds sont ainsi partis d’une banque en
Guinée-Equatoriale, ont transité par la Banque Centrale de France avant
d’atterrir aux Etats-Unis dans des comptes de certaines banques comme Wachovia,
Bank of America ou encore UBS.
Pas moins
33.799.799.99 dollarsont par exemple été transférés en six semaines. Il n’est
pas exclu que cet argent soit parti dans l’achat du jet privé de Teodoro Nguema
Obiang. Ce dernier aurait notamment mis en place en Guinée équatoriale une taxe
dont les fonds provenant de l’exploitation du bois étaient versés non pas dans
les caisses du trésor public, mais plutôt directement dans le compte de Teodoro
Nguema Obiang qui, de l’avis de certains observateurs, pourrait remplacer son
père au pouvoir. Un autre rapport du département de la sécurité intérieure
américain révèle que Teodoro Nguema Obiang voyage régulièrement avec plus de 1
million de dollars liquide et qu’il ne déclare pas. En temps normal, une telle
faute lui vaudrait jusqu’à cinq ans de prison aux Etats-Unis. On apprend
également que Teodoro Nguema Obiang voyage avec un passeport diplomatique bien
que ses voyages aux Etats-Unis n’aient rien à voir avec des missions
diplomatiques.
Accusations rejetées en bloc
Que répond donc le fils du président équato-guinéen de toutes ces
accusations de corruption dont il fait l’objet ? En tout cas Teodoro Nguema
Obiang n’entend pas se prononcer sur cette question, apprend-t-on du porte
parole de Qorvis
Communications un cabinet de
relations publiques basé à Washington Dc et travaillant pour le compte de la
Guinée équatoriale. En revanche, Gabriel Mbega Obiang Lima , frère de Teodoro
Nguema Obiang et par ailleurs ministre des Mines, de l’énergie et de l’industrie
lui trouve tout simplement que tout ceci arrive parce que son pays est en train
de réussir. Il nous apprend ainsi que son pays s’est engagé dans la lutte contre
la corruption. En attendant de voir plus clair dans cette affaire, la Guinée
équatoriale continuera de pomper tranquillement son pétrole et la famille Obiang
s’enrichira encore et encore au détriment de la population dont trois quart
vivent en dessous du seuil de pauvreté suivant le rapport 2009 du Fonds
monétaire international. Pire encore, la mortalité infantile est passée de 10 à
12% selon le rapport 2009 de l’UNICEF.
Source :
Le Messager
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