Une histoire rocambolesque de corruption liée aux douanes au Cameroun.
Le "commandant" a été magnanime finalement. "Il s'agit d'une incompréhension", a dit l'homme drapé dans un boubou après avoir compulsé la quarantaine de feuilles qui composaient le "dossier" du dédouanement des effets de Paulin Youmsi, expatrié qui revient au Cameroun son pays d'origine pour gérer une entreprise. L'agacement qui habitait ce quadra s'est lui aussi finalement dissipé. " [i Ce matin [dimanche 10 mai 2009], j'ai dit que je n'en pouvais plus et que je ne donnerai même plus un franc] ", se lamente l'homme qui se dit dégoûté par la prégnance de la corruption dans ses rapports avec certaines administrations.
De fait, a souligné le fonctionnaire que les douaniers du poste appelaient "commandant", il aurait fallu un "engagement sur l'honneur" pour que le dossier de M. Youmsi soit irréprochable. " C'est pour cela que je demande si vous rentrez définitivement au Cameroun ", a dit le patron de ce bureau des douanes logé aux confins de la gare ferroviaire de Yaoundé où après un voyage aller et retour à Mbankomo, le propriétaire des effets, un douanier en tenue de ville et quatre employés de Solex qui transportaient les colis depuis Douala se sont retrouvés.
L'intéressé a accepté ce gentlemen agreement " pour ne pas souffrir davantage ". Mais, souligne-t-il, lorsqu'il a saisi le haut-commissariat du Cameroun au Canada pour revenir à Yaoundé, les services consulaires lui ont dit qu'il fallait un certificat de déménagement que lui a établi le maire de Montréal. Et quand on y ajoute qu'au poste de douanes de Mbankomo, le préposé au contrôle n'a jamais réclamé l'engagement sur l'honneur… " [i Où est la déclaration [des biens transportés]?] " a en effet demandé le douanier avant de monter dans le camion de Solex pour aller " régler le problème à Yaoundé " où l'attendait son supérieur tiré de son repos dominical par plusieurs coups de fil.
Le propriétaire, effaré de cette nouvelle demande, " puisqu'à Douala on a payé : et les pots-de-vin et les pièces officielles ", a présenté une quittance de sept millions délivrée par les services douaniers et une attestation qui comprend la liste des biens qui ont passé les contrôles avant de faire l'objet du paiement. Retenant les documents, qu'il refuse de restituer, le douanier propose d'aller "expliquer tout ça au bureau". Est-ce légal de retenir ainsi ces documents ? Le douanier opine du chef avant de s'engouffrer dans le camion. Pourtant, à Yaoundé, il remettra l'attestation au commandant comme étant "la pièce [manquante] qu'il avait …demandée".
Pour le commandant, l'agent a bien appliqué les règles. Affaire terminée donc. Ce d'autant plus que les agents de Solex, fatigués par les tractations et la nuit de voyage, rappellent avec force sourires au commandant que l'incident n'aurait jamais dû exister. " Le douanier nous a dit qu'il attendait la voiture depuis 21h. Nous sommes arrivés à 6h parce que nous avons dormi à Boumnyebel ", explique le chauffeur. Le douanier dément. M. Youmsi n'est pas surpris : " A Douala, alors que mes effets sortis du port étaient à la maison, des douaniers sont venus faire un contrôle. Ils disaient que leur chef les a envoyés. Ils m'ont donc filé. "
" Nous sommes partenaires ", lance enfin le patron de Solex après un dernier conciliabule avec le commandant loin des yeux de son client. M. Youmsi n'est pas content pour autant : " J'ai dépensé quelque cinq millions à gauche et à droite pour que l'on signe des papiers sans reçus à la douane, chez les policiers, etc. en plus des sept millions versés au Trésor public. Avec cela, comment voulez-vous que l'on accepte facilement de rentrer au Cameroun alors qu'on vous rançonne partout. "
En revenant de Mbankomo en effet, un autre douanier a voulu se saisir du cas pour qu'on " arrange ça sans aller voir le commandant ". Sa Toyota verte immatriculée Ce 1524 W est repartie avec lui quand il a fait face à la colère du propriétaire. " J'aurais pu vous donner le numéro du commandant ", dira-t-il l'air embarrassé. Aux quatre postes de contrôle, un policier a accepté 1000Fcfa et deux cent mètres plus loin, un gendarme s'est contenté d'une demi dizaine de pièces de 100Fcfa. Sympathique, le gendarme a même souhaité une bonne journée et "un bon retour" au Cameroun.
Source: Quotidien Mutations
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