La corruption fait des ravages au Cameroun
"Quand on est un patriote, on refuse la corruption" lançait hier, mardi 09
décembre 2008, le président de la commission nationale anti-corruption (Conac)
Paul Tessa en son siège au Palais des congrès de Yaoundé. C'était à l'occasion
de la célébration de la 6ème édition de la journée mondiale de lutte contre ce
fléau. Selon lui, tout Camerounais patriote ne se laissera pas emporter par
cette pratique négative. Pour appuyer son propos, l'équipe de la Conac a
distribué au public une copie commentée de l'hymne du Cameroun. Histoire,
disent-ils, de raviver la flamme et unir les générations tout autour ainsi
qu'autour des autres symboles de la République afin de renforcer le sentiment
patriotique et citoyen.
En attendant que cette flamme prenne véritablement, plusieurs interrogations
subsistent quant à l'efficacité des actions mises en place dans le cadre de la
lutte contre la corruption au Cameroun. Mais surtout, on s'interroge sur
l'efficacité des actions menées par ces comités et cellules ministérielles mises
sur pied dans le cadre de la lutte contre la corruption au Cameroun car, se
souvient-on, en 1998 et 1999 lorsque le Cameroun occupe la première place au
classement mondial des pays les plus corrompus de l'Ong allemande Transparency
International, les dirigeants ont le poil hérissé mais continuent pourtant de
pratiquer la politique de l'autruche. Bien que quelques timides actions aient
été engagées ici et là (le lancement en mars 1998 de la campagne nationale
contre la corruption placée le thème: "La corruption tue", et la création en
août de l'année qui suivait d'un comité ad hoc chargé de coordonner les
stratégies de lutte contre la corruption, placé sous la présidence du Premier
ministre Peter Mafany Musonge), en 2000 et 2001, le pays est en effet classé
6ème et 7ème par l'Ong.
Face à cet "affront", et après quelques protestations, le gouvernement
camerounais met sur pied un comité ad hoc chargé de coordonner le travail des
observatoires et cellules de lutte contre la corruption. Pour quel résultat ?
Aucun, pense savoir Joseph Marie Eloundou, président de la plate-forme de la
société civile du Cameroun. Il affirme en effet : "ces institutions ne peuvent
pas lutter efficacement contre la corruption tant que l'article 66 de la
constitution camerounaise, qui demande que toute personne nommée à un poste de
gestion déclare ses biens, ne sera pas appliquée. Pour éradiquer ce phénomène,
il faut une réelle volonté politique sinon, les institutions comme l'Anif, la
Conac, le programme national de gouvernance ou les cellules de lutte contre la
corruption installées dans les ministères, qui sont elles-mêmes gérées par des
personnes corrompues, ne pourront pas avancer".
Equité
Ce que soutient Charles Nguini, président de la représentation Camerounaise de
Transparency international. "Nous nous interrogeons sur l'efficacité de toutes
ces mesures tant elles semblent isolées et dénuées de tout fondement pédagogique
et curatif à même de proposer des solutions au grave problème qu'est la
corruption ", écrit-il en ouverture du bulletin d'information de l'organisation.
Interrogé hier sur la question, il poursuit : "Nous reconnaissons que depuis
quelques années, l'évolution a ralenti. Les gens ont peur mais, au Cameroun, on
combat mal la corruption en créant des comités qui n'ont pas de moyens de
fonctionnement et qui se retrouvent à faire des choses qu'elles ne devraient
pas. Par ailleurs, le problème c'est aussi l'absence d'un cadre normatif qui
fixe le cap pour tout le monde. Ce qui est dommage c'est qu'au Cameroun, on
pense que l'on va combattre la corruption par le bas alors qu'il faut
sanctionner systématiquement par le haut. Ce n'est qu'à ce prix-là qu'on en
viendra à bout."
C'est dans ce sens que Paul Tessa a lancé au cours du point de presse organisé
hier par ses services : "C'est dans les esprits que naissent les pratiques de
corruption et c'est dans ces mêmes esprits que doivent être cultivées les
graines de l'éradication de la corruption ". Ce qui passe, pense-t-il, par une
bonne assimilation de plusieurs passages de l'hymne national notamment "te
servir que ce soit leur seul but pour remplir leur devoir toujours !" ou encore
" Nous travaillons pour te rendre prospère ". Cette assimilation ne se fera
malheureusement pas de façon aussi simple car, il y a quelques années, en 2000
notamment, dans son discours à la nation du 31 décembre, le président de la
République, Paul Biya, le disait déjà: "Ce n'est pas une tâche facile, car le
mal s'est profondément enraciné dans les habitudes à la faveur de la crise
économique. Le gouvernement s'efforce d'appliquer des stratégies de bonne
gouvernance et de lutte contre la corruption".
Soure : Mutations
|