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Corruption au Cameroun : Le rapport de la Conac
(14/11/2011)
Un résumé des principaux points soulevés par la Conac dans un rapport sur les exercices 2008, 2009 et 2010
Par Rédaction Bonaberi.com
CHAPITRE I

LES CONTROLES PHYSICO-FINANCIERS DES PROJETS FINANCES SUR FONDS PUBLICS

Dans le cadre des missions qui lui sont assignées dans son décret organique, la CONAC a procédé au contrôle physico-financier des travaux de la route Ayos-Bonis qui relie les régions du Centre et de l’Est du Cameroun. La commission a également procédé au contrôle de la construction d’un bloc pédagogique et d’un laboratoire spécialisé à la Faculté des Sciences Médicales de l’Université de Buéa. Au terme ces missions, des dysfonctionnements, des irrégularités ont été constatés et des recommandations ont été formulées.

Section 1 : Les travaux de construction de la route Ayos-Bonis

A. La consistance des marchés
La construction de la route Ayos-Bonis a été divisée en deux lots.

1. Le Marché du lot 1

Le lot N°1 couvre la distance Ayos-Abong Mbang et est long de 88 km. Le marché en vue de la construction de ladite route a été passé après Appel d’Offres International restreint n°3995/MINTP/CPM-TN/2003 du 17 septembre 2003.

Trois entreprises ont soumissionné. PANTECHNIKI a offert de réaliser les travaux en vingt-cinq (25) mois pour un coût de 17.935.171.630 FCFA. Le Groupement SOGEA/SATOM (classé second) a, quant à lui, proposé de réaliser lesdits travaux en quarante et un (41) mois pour un coût de 29.996.497.121 FCFA. En conséquence, l’offre de PANTECHNIKI a été retenue.

2. Le Marché du lot 2

Le lot N°2 va d’Abong-Mbang à Bonis à l’entrée de Bertoua, soit 103 KM. Le marché en vue de la construction de ladite route a été passé après Appel d’Offre International ouvert n°046/A010/MINTP/CPM-TN/2005 du 25 Août 2005.

Parmi les sept entreprises ayant soumissionné, l’offre du groupement PANTECHNIKI/EDOK ETER a été jugée la moins disante pour 21.610.523.415 FCFA et 30 mois de travaux. L’écart avec le concurrent immédiat, le Groupement KARA/SCEMAR SARL était de 4.541.880.618 FCFA.


B. L’exécution des marchés
1. Les dysfonctionnements observés


En plus de manoeuvres frauduleuses constatées dans l’attribution et l’exécution de ces marchés, la mission de la CONAC relève une collusion certaine de l’entreprise PANTECHNIKI avec des responsables et agents du Maître d’Ouvrage et une tentative de détournement des deniers publics à travers le projet de marché complémentaire.

a. La collusion entre l’entreprise PANTECHNIKI, les responsables et les agents du Maître d’Ouvrage

La mission de la CONAC a relevé une collusion certaine de l’entreprise avec un certain nombre de responsables et agents du Maître d’Ouvrage.

Cette collusion évidente a entraîné une prolongation infinie des délais contractuels de construction de la route, passés de 25 mois à 66 mois pour le lot 1 et de 30 mois à 56 mois pour le lot 2 encore inachevé. Les rallonges budgétaires successives consécutives à cette situation déplorable se chiffrent à plus de 932.000.000 FCFA pour les libéralités faites par l'entreprise à certains fonctionnaires du Ministère des Travaux Publics et à 25,2 milliards de FCFA au titre des surfacturations, paiements en trop et paiements erronés au détriment de l'Etat; le tout se chiffrant à FCFA 26,1 milliards de FCFA .

Au total des retards de 41 mois au lot 1 et de plus de 25 mois au lot 2 ont été enregistrés dans l'exécution des travaux, objet du marché. Mais curieusement, jamais l'entreprise n'a été sanctionnée par des pénalités de retard pourtant prévues au marché. Il en a résulté un préjudice au détriment de l'Etat équivalent à 4,9 milliards de FCFA représentant un cadeau offert à l'Entreprise par l'équipe du Ministère, chargée de la gestion du projet.

Le point culminant des irrégularités est atteint au niveau des terrassements dont la variation se situe entre 47% et 1070%. Les volumes de terre que l'Entreprise prétend avoir déplacés, s'ils étaient exacts, correspondraient à un cône d'une hauteur égale à celle du Mont Cameroun sur une base circulaire de 50 mètres de diamètre.

Il en est de même des plus-values de transport injustement et indument payées et chiffrées à 2 milliards de FCFA. Dans le même ordre d'idées, l'Entreprise, par fraude active, a réussi à faire passer sans payer la douane tous les matériels du lot 2 non exonérés d'une part, et une dissimulation dans ses déclarations d'extraction des matériaux de carrière qui lui a fait bénéficier au détriment de l'Etat d'un montant de 71.737.933 FCFA, d'autre part.

b. Le projet de marché complémentaire : une tentative de détournement de deniers publics d'une valeur de 15,4 milliards
L'établissement d'un marché dit "complémentaire" s'appuie sur l'article 13.2 du marché de l'Entreprise qui indique que « la révision des prix est arrêtée lorsque le montant cumulé de cette révision atteint les 20% du montant de base du marché si pour des raisons quelconques le taux de cette révision dépassait les 20%, les conditions initiales du marché seraient revues ».

Le cumul des révisions tel que le montre le décompte n°38b de l'entreprise daté de janvier 2010 est de 2.391.878.992 FCFA, soit 13,91 % du montant du marché de base: ce pourcentage est nettement en dessous des 20% déclarés au mois de juillet 2008.
Le calcul de la révision de prix tel que présenté dans le décompte n°38b est par ailleurs erroné.

En effet, en dépit du fait que le calcul de l'entreprise n'intègre pas les indices actualisés des prix, il ne prend pas non plus en compte les dispositions de l'article 5 de l'avenant n°2 qui stipulent que « le montant relatif aux travaux supplémentaires, objet du présent avenant est révisable à hauteur de 50% seulement, pour tenir compte du partage de responsabilités du retard ayant induit la prolongation des délais ».

Dans ses élans de corruption, l'Entreprise, allégrement soutenue par certains agents du Maître d'Ouvrage, tend à obtenir un marché dit "complémentaire" sur le lot 1 dont les travaux sont déjà achevés. Ce marché "complémentaire" est évalué à 15.386.524.487 FCFA. Pour y parvenir et au mépris de toute procédure du Code des Marchés Publics, l'ordre de service n°976, fabriqué pour les besoins de la cause, a été signé et notifié le 10 juillet 2009 à l'Entreprise. Mais, comme pour garder le secret, il n'a été transmis à la Mission de contrôle que le 14 décembre 2009, soit cinq (5) mois plus tard, mettant ainsi cette dernière devant les faits accomplis. Cet ordre de service précise que «les prix nouveaux seraient issus d'une négociation de certains prix du marché, après l'atteinte d'un taux de révision des prix de 20%.

Cependant et contrairement aux indications de l'ordre de service, aucune négociation portant sur les prix nouveaux n'a été entreprise. Tous les prix ont été imposés par l'entreprise à une administration acquise à sa cause. Le contenu du rapport de la Mission de contrôle, justificatif du marché dit "complémentaire" laisse transparaître en filigrane les bonnes dispositions du Maître d'Ouvrage en faveur de l'entreprise.

Il apparaît clairement que c'est l'administration qui pousse à augmenter exagérément les prix unitaires du marché complémentaire. La logique de la négociation aurait voulu que l'administration défende ses intérêts dans toute la mesure du possible: les prix révisés ne devraient en aucun cas franchir la ligne de l'acceptable. Les conséquences d'une telle allégeance de cette administration à l'entreprise, se traduisent en termes d'augmentations anormales des prix unitaires suivant des pourcentages variant de +100% à +800% par rapport au marché de base ou à ses avenants.

Le projet de marché dit « marché complémentaire » est par conséquent non fondé. Ce constat porte sur:
- le paiement des prestations fictives de 15.386.524.487 FCFA ;
- la prolongation des délais de 10 mois.
Il en ressort une situation contradictoire que n'explique pas la collusion des agents de l'administration avec l'entreprise :
- d'un côté, pour une soit disant insuffisance de financement, l'administration de connivence avec l'entreprise annule la tranche conditionnelle d'un montant de 1.606.175.984 FCFA ;
- de l'autre, la même administration trouve les moyens de financer les prolongations de délais passés de 25 à 61 mois, les avenants de complaisance, les révisons de prix, les prix nouveaux, le tout évalué à 10.412.929.991 FCFA ;
- un marché fictif dit "complémentaire" de 15.386.524.487 FCFA, vient coiffer cet édifice.

2. Les conclusions de la mission de la CONAC

Au terme de la mission de contrôle des travaux de construction de la route Ayos-Bonis, la mission de la CONAC a fait des observations et formulés des recommandations.

a. Les observations

Les observations de la CONAC sur la construction de la route Ayos-Bonis peuvent se résumer sur le plan procédural en deux points:
- l'attribution d'un marché très important à une entreprise peu fiable, qui sait jouer de ses relations dans le monde politique et celui de l'administration, qui a constamment eu recours à des techniques classiques en matière de Travaux Publics pour demander et obtenir des avenants successifs, rectifiant toujours à la hausse le marché de base ;
- l'unilatéralisme du Maître d'Ouvrage, c'est-à-dire du Ministre des Travaux Publics, qui a souvent passé outre les compétences des commissions ad hoc, en procédant par la signature des ordres de service aux lieu et place des avenants dont l'intervention est obligatoire en la matière.
Les montants des paiements irréguliers à rétrocéder à l'Etat se chiffrent à 14.694.371.927 FCFA. Par rapport au marché de base, le coût de la route Ayos-Abong Mbang sera multiplié presque par trois (3) si la tentative de détournement des 15,4 milliards devenait définitivement effective.
Par rapport au marché de base, le coût de la route Ayos-Abong-Mbang sera multiplié presque par trois (3) si la tentative de détournement des 15,4 milliards devenait effective. Il en ressort que si l'Etat venait à bout des pratiques de corruption actuellement en cours dans les services du Ministère des Travaux Publics, les ressources budgétaires qu'il investit dans la construction des routes seraient suffisantes pour construire trois (3) fois plus de routes de mêmes longueurs et de mêmes consistances.
b. Les suggestions et les recommandations
b.1. Sur l'attribution des marchés

L'Entreprise PANTECHNIKI s'est caractérisée par la proposition des prix bas par rapport aux autres concurrents et bien d’autres stratégies de concurrence déloyale finement tissées.
Il faut donc mener une réflexion approfondie propre à éviter à l'Etat d'être finalement victime de ce type de pratiques.

b.2 Sur les prix

Pour rester conforme à l'esprit de l'article 106 du Code des Marchés, il est urgent de définir une fourchette admissible des prix pour éviter :
- des prix très élevés qui s'appliquent dans le Marché de base sur de faibles quantités et plus tard sur des quantités élevées lors de l'exécution ;
- des prix très bas qui permettent de gagner le marché et de se rattraper plus tard sur des nouveaux prix secrétés par des avenants et autres ordres de service.

b.3. Sur les ressources du soumissionnaire

Pour éviter qu'une entreprise puisse gagner et réaliser un marché sur la base du personnel ou du matériel déclaré existant, mais en réalité insuffisant ou complètement occupé dans d'autres chantiers, des dispositions doivent être prises pour s'assurer de l'existence réelle et de la disponibilité effective :
- du matériel prévu ;
- du personnel prévu ;
- des ressources financières annoncées.

b.4 Sur la gestion des marchés

La mise en place, soit d'une Maîtrise d'Ouvrage privée, soit d'un Chef de service du marché privé, par projet, permettra d'éliminer la fraude en période de réalisation des travaux et d'éradiquer toute possibilité de corruption des fonctionnaires dans le contexte actuel d'hypercorruptibilité des agents du Maître d'Ouvrage.
Les attributions de l'une ou de l'autre pourraient être :
- la rédaction des termes de référence et/ou la réalisation des études techniques ;
- la réalisation du choix de l'entreprise des travaux ;
- la surveillance des travaux et la livraison de l'ouvrage clé en main à l'Etat du Cameroun.
Les pouvoirs publics devraient par ailleurs veiller à rentabiliser les ressources budgétaires de l'Etat en ayant une double préoccupation:
- réduire les transferts à l'étranger des devises échangées contre l'argent des paiements des décomptes ;
- encourager la formation des compétences et des vocations nationales pour effectivement participer à la prise en charge du secteur des grands travaux; ainsi, une bonne partie des fonds alloués aux investissements dans ce secteur sera réinvestie sur place au Cameroun et boostera l'économie nationale.

2.5 Sur la qualification du Directeur des Routes

Dans un pays qui ne cesse de former de brillants ingénieurs polytechniciens depuis quarante ans, il est incompréhensible que le directeur des routes ne soit qu'un ingénieur des travaux. C'est à un ingénieur polytechnicien de grande notoriété et de grande expérience, servant dans l'administration, qu'une fonction aussi importante doit être confiée.

b.6 Sur l'archivage

Il est urgent de définir une politique d'archivage. Les documents relatifs à chaque projet, depuis les études jusqu'à la réalisation et la réception des travaux, doivent être archivés sur différents supports, disponibles et faciles à retrouver aussi bien dans les services de la documentation du Maître d'Ouvrage qu'à l'ARMP.
b.7 Sur les avenants
Les travaux relatifs aux avenants ne devraient être exécutés qu'après la signature de l'avenant. Les formules de régularisation doivent être interdites. Les ordres de service ne devraient surtout pas être substitués aux avenants, leur valeur juridique respective étant différente aussi bien au niveau de leur fondement qu'à celui de la procédure qui sous-tend leur élaboration.

b.8 Sur les travaux en régie

En matière de grands travaux, il faudrait limiter les travaux en régie. Les 2% indiqués dans le CCAG peuvent conduire à des montants importants quand le coût des marchés est élevé. Il s'y ajoute d'autres inconvénients: l'émiettement de la gestion des marchés et la constitution des provisions suspectes à la disposition des agents pour des sous-traitances fictives comme cela a été constaté dans la construction de la route Ayos-Bonis.

b.9. Sur la gestion des provisions

Si leurs montants sont importants, les provisions introduites dans les marchés d'entreprises doivent être gérées par les Commissions de Passation de Marchés compétentes. La gestion de ces provisions doit être soumise aux mêmes procédures et conditions que celles relatives aux marchés publics. Le fractionnement des marchés publics reste et demeure interdit.

b.10. Sur les responsabilités, le rôle et les pouvoirs des Missions de contrôle

La définition des responsabilités, du rôle et des pouvoirs des Missions de contrôle continue d'être bafouée. Il est urgent de mettre fin à cette situation préjudiciable aux intérêts de l'Etat. Les Missions de contrôle doivent être comprises comme les interlocuteurs administratifs, financiers et techniques des entreprises dans l'unique objectif de défendre les intérêts de l'Etat dont elles sont par ailleurs les avocats dans les chantiers.
b.11. Sur le Dossier d'Appel d'Offre (D.A.O.)

Sans la moindre base juridique, législative ou réglementaire, les fonctionnaires du Ministère des Travaux publics s'attribuent en catimini des avantages exorbitants en nature et en espèces. Sachant que dans aucune administration de tels avantages ne sont octroyés au personnel de l'Etat, ils les insèrent subrepticement dans les DAO et en font une obligation aux entreprises adjudicataires des marchés pendant toute la durée des chantiers.

Ces avantages se déclinent en primes, frais de mission, de carburant, d'entretien des véhicules, mensuellement versés en espèces aux bénéficiaires. En fonction du nombre de chantiers routiers en cours, ils encaissent par mois l'équivalent de plusieurs mois calendaires de frais de mission, sans jamais sortir de Yaoundé. Au gré des interprétations, il s'agit en réalité d'une corruption aggravée ou d'un détournement de deniers publics ; car les montants qui leur sont payés sont par la suite facturés à l'Etat par les entreprises, assortis d'une marge.

b.12. Sur l'analyse des offres

En dehors de la Commission consacrée au dépouillement des offres, à laquelle sont conviées toutes les entreprises soumissionnaires, les Commissions dites d'analyses technique et financière travaillent à huis clos. Cette situation crée nombre de suspicions de la part des entreprises qui ne sont finalement pas déclarées adjudicataires.
Il faudra donc imposer la transparence pour écarter toute possibilité de corruption et éviter à l'Etat d'attribuer des contrats à des entreprises peu fiables, très chères ou incapables de mener les travaux à bonne fin. Les résultats détaillés des analyses doivent être signés par tous les membres desdites commissions et communiqués à tous les soumissionnaires pour un débat contradictoire sur ces analyses.

b.13. Sur les marchés de gré à gré

Sauf cas de force majeure requérant une urgence exceptionnelle et pour des montants n'excédant pas cinq cent millions de FCFA, le recours à la procédure de marché de gré à gré doit être formellement proscrit.

b.14. Sur les études, les avenants et les ordres de service

Il faut absolument parvenir à réaliser de bonnes études préliminaires en amont par les bureaux d'étude ou les missions de contrôle, dans l’optique d’éviter la surfacturation. La tendance abusive du Maître d'Ouvrage à substituer unilatéralement aux avenants des ordres de service à valeur exécutoire autonome, entraînant un chevauchement suspect de ces deux actes, doit être prohibée.

Compte tenu de la fréquence du doublement voire du triplement des montants des marchés entre la signature des marchés de base et celle de la réception définitive des travaux du fait des avenants et autres ordres de service dont l'initiative n'est pas toujours innocente, il importe de trouver rapidement une issue à cette impasse. Sinon les déperditions des crédits budgétaires du fait de la corruption rampante et sous-jacente à ces situations continueront de réduire de deux à trois fois les fonds qui devraient effectivement financer la construction de trois fois plus de routes de mêmes dimensions et de même consistance.


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