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Conflit Eto'o - Camfoot : chronique d'un mal profond
(10/02/2013)
Lors de sa sortie vidéo sur Jewanda, Eto'o a écorché le média Camfoot.com qui a répliqué de façon cinglante. Analyses des causes sous-jacentes du mal.
Par Rédaction Bonaberi.com
Lors du chat  avec Jewanda, Eto'o n'a pas épargné Camfoot.com
Lors du chat avec Jewanda, Eto'o n'a pas épargné Camfoot.com
La semaine dernière, Samuel Eto’o passait en mode web 2.0 avec une séance de chat vidéo organisée par le site Je Wanda. L’occasion pour lui de dire tout haut ce qu’il reproche au Cameroun, la Fecafoot et les instances dirigeantes en prenant pour leur grade. Lors du tir nourri réalisé par Samuel Eto’o, Camfoot.com en prend pour son grade… et contre-attaque dans la foulée : on a droit à un duel

En effet, pour Samuel Eto’o, Camfoot.com est un sbire de la Fecafoot, un média qui n’en est pas un et devant qui il ne voudrait pas organiser de débat ni dire ce qu’il pense. Et voilà, c’est dit. Dans les deux heures ou plus de discussion entre le capitaine – ou pas – de l’équipe nationale, cette pique aurait pu passer inaperçue. Sauf que le destinataire l’aura très mal prise et répliqué avec deux articles bien sentis, avec aussi peu de langue de bois que Samuel Eto’o dans le vidéochat.

Le chat en ligne est décrit comme une rencontre entre « le cadeau que Le Dieu du Ciel a fait au Cameroun et au monde entier (Samuel Eto’o) » et « quelques péronnelles passablement émoustillées par la présence du dieu des states ». Le ton est donné. Qualifiant les propos d’Eto’o comme des « propos haineux, honteux et bassement vils », Camfoot s’en prend tout aussi personnellement au joueur, précisant qu’il fut considéré comme le meilleur joueur de sa génération, questionnant son palmarès en tant que leader des lions indomptables.

Décrit comme un despote n’hésitant pas à refaire l’histoire à son bon plaisir, Eto’o n’est pas épargné par Camfoot par des propos tout aussi virulents que ceux qu’ils ont décrié. Une question se pose alors au spectateur étonné : mais quand cela a-t-il commencé ?

Derrière le duel entre ceux qui se réclament respectivement comme le meilleur joueur camerounais et le meilleur site d’informations sur le football, on voit en fait au-delà des amabilités échangées de part et d’autre tout le désamour qui peut exister entre Eto’o et une partie de la presse camerounaise, mais interpelle aussi sur les mentalités des uns et des autres.


Des attentes trop élevées

Eto'o, c'est le contraste entre le club et l'équipe nationale
Eto'o, c'est le contraste entre le club et l'équipe nationale
Sur le premier point, c’est une réalité, Samuel Eto’o n’a pas que des amis, plus particulièrement du côté de la presse. La faute aux deux parties qui ne se sont pas épargnées avec le temps. Le coup de tête à Philippe Bonney, les menaces au journaliste d’Equinoxe tv après la non qualification pour la CAN 2012, des actes anecdotiques dans le contexte du Cameroun mais qui ne peuvent qu’ulcérer le journaliste qui voit menacé son bien le plus précieux : la liberté d’expression.

Du côté d’Eto’o, il faut dénoter qu’il a été victime d’un relatif acharnement depuis qu’il est passé au premier plan. Un acharnement proportionnel aux attentes qu’ont eues les Camerounais de celui qui empilait but sur but au FC Barcelone mais semblait errer comme une âme en peine sur les terrains une fois le maillot vert-rouge-jaune revêtu.

Cette dualité de Samuel Eto’o est sans aucun doute ce qui aura été le plus difficile à digérer par la presse camerounaise. A Barcelone, Samuel Eto’o est un modèle de professionnalisme : toujours à l’heure aux entrainements, il revient toujours de vacances avant l’heure prévue, et arbore sur le terrain un sourire qui séduit coéquipiers, adversaires et journalistes. Très rapidement, il s’impose comme l’un des meilleurs attaquants du monde, et ne rate le ballon d’or que parce qu’il fait moins rêver qu’un Cristiano Ronaldo ou qu’un Lionel Messi qui pratiquent un football plus « champagne ».

Pourtant, dans le contexte camerounais, on voit un tout autre Samuel Eto’o. Au centre de scandales, parfois arrogant ou suffisant, Samuel Eto’o se comporte comme un roi et ne confirme pas sur le terrain. S’il est le meilleur buteur de l’histoire de la CAN et celui des lions indomptables, son dernier but au-delà du premier tour d’une CAN remonte à 2004 lors de l’élimination face au Nigeria… en présence de Patrick Mboma.

Pas de chance ? Manque d’implication ? Difficulté de s’exprimer avec des coéquipiers moins talentueux que Xavi, Iniesta, Ronaldinho ou Deco ? Un peu de tout à la fois. Beaucoup choisissent de penser que c’est parce qu’Eto’o travaille moins en équipe nationale qu’en club. Le talent des coéquipiers n’est pas une excuse : Patrick Mboma a évolué avec les mêmes, et a toujours été décisif.

En fait, Eto’o est victime de ses succès et statut : inconcevable d’admettre qu’il ne sauve pas le Cameroun. En réalité, Eto’o s’investit plus qu’il n’y paraît : contre l’Egypte en 2010, il finit le match blessé, mais reste sur le terrain car le Cameroun doit égaliser. En coupe du monde, il joue sur le côté et fait les touches face au Japon. Ses aînés, il les respecte : au micro de Canal+, il déclare qu’il a commencé à croire en lui lorsque Patrick Mboma le félicite pour sa passe décisive en finale face au Nigeria.

Une presse pas toujours libre de critiquer...

Face à Bonney Philippe ou à un journaliste d'Equinoxe, Eto'o s'en était pris verbalement ou physiquement
Face à Bonney Philippe ou à un journaliste d'Equinoxe, Eto'o s'en était pris verbalement ou physiquement
Pourquoi donc cette image de roi, despote qui n’en a cure d’un Cameroun qu’en fait, il chérit plus que tout ? La presse. Samuel Eto’o n’est pas le roi de la communication, et dit un peu trop ce qu’il pense dans un monde où la langue de bois est reine. Piqué au vif en Angola parce que Flavio est le meilleur buteur, il prend l’attaquant angolais de haut en déclarant que les « moutons se promènent ensemble, mais n’ont pas le même prix ». Après l’élimination par l’Egypte à la CAN 2010, Eto’o déclare simplement qu’il n’a rien à se reprocher. En 2006, lorsque le Cameroun ne se qualifie pas pour la coupe du monde, une caméra cachée attrape Eto’o qui pleure comme un enfant sur le terrain. Mais face aux médias, il déclare laconiquement qu’il voulait tirer le penalty, taclant sévèrement son compatriote Pierre Womé.

Anecdotiques, ce sont pourtant, mois après mois, année après année, ces déclarations pas toujours opportunes conjuguées à des coups de sang qui construisent cette image de l’Eto’o – Roi. Du coup, la presse qui n’a pas vu Eto’o pleurer l’élimination mais faire le fier en conférence de presse le prend au mot, et le traite aussi durement qu’il paraît être. Et le critique sans concessions. Un exercice très délicat dans le contexte du Cameroun et celui plus particulier de Samuel Eto’o.

En effet, la critique est malaisée au Cameroun, particulièrement envers Samuel Eto’o. Les éloges aussi, d’ailleurs. Car très vite, ceux qui trouvent à redire sur le talent et les performances de Samuel Eto’o sont simplement des « jaloux, aigris de la réussite de celui à qui Dieu a tout donné ». Roger Milla en est le plus parfait exemple. Et ceux qui le défendent ne sont que des mendiants cherchant un « farotage » pour arrondir les fins de mois, ou sont simplement des fans obnubilés par les titres, voitures de Samuel Eto’o.

Très vite donc, la différence entre une critique constructive appuyée par des chiffres ou analyses structurées et un verbiage ne visant qu’à essayer de salir l’enfant du peuple devient ténue, voire inexistante ; si bien que le principal concerné lui-même se prend au jeu. Ainsi, il refuse de parler à la presse camerounaise, qui pour lui n’en est pas une. Les Français qui lui préfèrent Didier Drogba sont jaloux. Le Ballon d’or France Football, qui lui préfère Ronaldo, Messi ou Cannavaro est manipulé par les Français qui ne l’aiment pas parce qu’il ne s’appelle pas « Eto’odinho ». Roger Milla qui critique ses performances, remet en question sa participation au mondial 2010. Bein Sport, qui dresse un reportage peu élogieux, est menacé d’être d’attaqué par le joueur. Aucune critique n’est constructive, aucune hiérarchie ne le mettant au sommet n’est justifiée : jamais on ne verra Eto’o dire qu’il cherche à apprendre ou à tirer parti de ses erreurs. On verra toujours un conquérant ; ceux qui le critiquent cherchent juste à s’opposer à son ascension. Certains médias qui n’hésitent pas à verser dans l’extra sportif ne donnent pas tort au footballeur.

C’est sans doute cela qui lui a permis de s’imposer, avec une statistique d’ailleurs fort intéressante : Samuel Eto’o est le seul coéquipier de Lionel Messi à avoir inscrit plus de 20 buts. Face à celui qui a éclipsé Thierry Henry, Eidur Gudjohnsen, Zlatan Ibrahimovitch, Alexis Sanchez ou encore David Villa, le tempérament d’Eto’o qui n’autorise pas la remise en question a été la clé. Et lâché comme un débris par Barcelone contre Ibrahimovitch et 40 millions d’euros, dans une saison qui ne lui réussit pas, il réalise le triplé avec l’Inter et remet Diego Milito à sa place l’année d’après en réalisant l’une de ses meilleures saisons sur le plan individuel.

Une attitude de conquérant d’autant moins acceptée que le parallèle est vite fait entre les moyens financiers et la stature de Samuel Eto’o. La création de SE Telecom n’arrangera rien : le goléador sera accusé par beaucoup d’être plus intéressé par sa personne que par le Cameroun ou son équipe nationale. Dans la réalité, le côté un peu mégalomane d'Eto'o - sa propension à parler de lui à la troisième personne, par exemple - que ce soit en interview - comme avec Jewanda où il affirme ne manquer de rien et "manger" l'argent - ou au contact de ses coéquipiers conforte dans cette idée.

Eto'o, roi malgré lui ?

En effet, Samuel Eto’o est un enfant roi et au Cameroun, il évolue au sein de sa propriété. Pas parce qu’il l’a souhaité, mais parce que par facilité ou par choix un peu précipité, on lui a donné les clés de la maison. Ainsi, après le départ de Mboma, de par son club et ses performances, Eto’o est naturellement élevé au rang de leader par le Cameroun qui en fait son sauveur. Dès son arrivée, Paul Le Guen qui adopte la tactique de frapper fort pour asseoir son autorité, décide de retirer le brassard à Rigobert Song – comme il l’a fait avec Pauleta à Paris ou au Celtic Glasgow – et de remettre ce dernier à Samuel Eto’o. De nombreuses fois, le Camerounais doit assurer de sa poche des frais alors qu’il revient aux instances ou aux journalistes de le faire.

Souvent sollicité pour apporter sa manne financière, Eto’o se retrouve intronisé roi au sein d’une république bananière, alors que tout ce qu’il sait faire, c’est jouer au football. Ne se rendant pas compte qu’il n’est plus un simple joueur de football, mais un modèle, un leader qui doit montrer l’exemple à suivre, il reste lui-même et parait donc plus que jamais arrogant, et supporte de moins en moins les critiques. Quoi d’étonnant ? Il faudrait presque être schizophrène pour rester humble et accepter la virulence de ceux-là mêmes qui vous ont élevé au rang de roi.

A l’image de Calixthe Beyala, virulente envers tous ceux qui osent une critique, Eto’o se retrouve touché de plein fouet par le syndrome du sauveur : ayant la conviction de faire beaucoup pour le Cameroun, il voit comme de l’ingratitude et de la jalousie les critiques élevées envers lui. Ainsi Milla, aux yeux d’Eto’o ou du peuple, devient le jaloux qui n’accepte pas que son moment de gloire soit passé.

Et avec ses coéquipiers, ça n’est pas plus facile. En 2004, Samuel Eto’o et Geremi étaient les deux seuls à être titulaires dans de grands clubs et à disputer des coupes d’Europe. En 2010, Aurélien Chedjou, Joël Matip, Stéphane Mbia, Nicolas Nkoulou, Alexandre Song, pour ne citer que ceux-là, sont dans le même lot. Et beaucoup qui ont perçu une dictature établie comme étant liée aux revenus ou à la grandeur du club rentrent dans le duel. Et Samuel Eto’o, tel qui revoit comment il faisait des courbettes face à Patrick Mboma comme Thierry Henry appelait Zidane « monsieur » comprend encore moins le manque de respect. Et il le rappelle, pas de la meilleure des manières. Oubliant qu’il est leader, et que le leader doit se taire, il parle. Oubliant que pour être élevé, il faut se rabaisser, il joue le jeu et rabâche son palmarès à qui le contredit. Sur le plateau de Canal+, insiste pour dire qu’il n’y a pas de compétition entre lui et un autre parce qu’il est simplement parmi ce qui se fait de mieux dans le monde. Et malheureusement, plus on le dit, moins on est écouté.

En somme, le conflit entre Eto’o et Camfoot, c’est la conclusion d’une histoire d’amour qui n’a pas marché entre Eto’o et une partie du Cameroun, avec le lot habituel de déboires qui jonchent la vie d’un couple : mauvaise communication, incompréhension, mauvaise conjoncture – si le Cameroun avait gagné toutes les CAN depuis 2004, il n’y aurait jamais eu le moindre conflit ouvert – et surtout, manque de recul. Car que ce soit Eto’o ou les Camerounais, on a parfois oublié qu’Eto’o n’était qu’un footballeur, et devait être traité comme tel. Sauf qu’au Cameroun, on aime bien trop le football pour prendre cette distance.


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