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Ce que cache la sortie des chefs sawa
(20/02/2008)
Imprécis, le communiqué des chefs sawa tend à diviser la population de Douala. Il risque d’être considéré comme un simple outil de positionnement.
Par Alexandre T. Djimeli

Signé de 5 dépositaires du pouvoir traditionnel, le texte est constitué de 5 phrases bâties autour de 5 paragraphes. Il prend position contre les manifestations bruyantes qui ont lieu à Douala depuis plusieurs mois. Pour les chefs, ces manifestations qui s’opposent à la modification de la Constitution, au maintien de Biya au pouvoir et à la vie chère, constituent une menace pour la paix et l’intégration.

Celui qui le lit peut d’emblée être frappé par son imprécision. Il dégage en effet un flou tant sur la procédure qui a accouché du communiqué que sur l’identification à la fois des acteurs et des faits. Le texte fait par exemple un black out sur le processus par lequel la résolution est prise : les chefs ont-il organisé des concertations avec leurs sujets ? Se sont-ils réunis, si oui dans quel cadre et où ? L’on-t-ils fait de leur propre chef pour eux-mêmes et en leur seuls noms, ou, alors, ont-il répondu à une incitation des pontes du régime comme on l’a vu en fin d’année dernière avec les motions qui pleuvaient de partout ?

Ce flou est également perceptible dans l’identification des auteurs, voire des faits incriminés. “ Certains compatriotes ”, “ de nombreux habitants ”, “ tous et chacun ”, … sont des termes utilisés pour désigner les présumés fauteurs de troubles. En choisissant le pronom indéfini “ certains ”, les chefs refusent en effet d’identifier ces compatriotes qui, selon eux, “ tendent à entretenir ” un “ malaise quasi-permanent ” à Douala. Ils entretiennent donc un flou dans lequel tout peut rentrer, dans la mesure où le malaise en question n’est pas spécifié. On peut tout au plus supposer, puisque le texte chute sur un appel au respect “ de nos valeurs cardinales que sont la paix, l’ordre et la convivialité,… ” que le malaise c’est tout ce qui va à l’encontre de ces valeurs. Des valeurs qui, sans contenu clair, seraient revendiquées par tout le monde.

Lynchage

Au-delà de l’imprécision, le texte des chefs sawa du Wouri apparaît comme un lynchage médiatique d’une partie de la population. Les leaders de la contestation, les gagne-petit qui piétinent la réglementation urbaine et autres délinquants sont ainsi mis à l’index sous les expressions “ certains compatriotes ” et “ de nombreux habitants ”. Ils les culpabilisent en leur prêtant une intention délictueuse : ces derniers “ tendent à entretenir le malaise ” ; ils “ développent comportements et actes de désordre… ” Pour eux et leurs actions, le vocabulaire est essentiellement dépréciatif : “ malaise ”, “ agitation ”, “ désordre ”, “ pernicieux ”, “ nuisibles ”, etc.

Les chefs semblent ainsi préparer le terrain, d’une part à une répression farouche des forces de l’ordre qui pourra s’abattre sur Douala et, d’autre part, à une éventuelle bataille rangée entre les habitants eux-mêmes. Parce que le communiqué divise la population de Douala en deux : d’une part les méchants et d’autre part les bons. Pire, il fait apparaître une notion qu’aucun contestataire ou manifestant n’avait évoqué jusque-là : “ la cohabitation harmonieuse ” des “ composantes sociologiques ” de la ville. La causalité entre les manifs et la cohabitation peut en effet être difficile à établir, sauf à montrer que les méchants et les bons appartiennent à des composantes sociologiques différentes.

Positionnement

En faisant ce boulot, les chefs sawa montrent clairement qu’ils ne sont ni acteurs ni complices des manifestations de Douala. Un positionnement qui peut s’appréhender sous une triple perspective : symbolique, sociale et politique. Le chef, en Afrique, ne devrait en effet tolérer un quelconque désordre dans son territoire. Mais le communiqué est-il la meilleure façon de prémunir la communauté contre des dangers ? Quand des dignitaires se réunissent, c’est d’abord pour résoudre des problèmes et non pour crier sur les toits. Les chefs sawa ont-ils initié “ un arbre à palabre ” auquel “ certains compatriotes ”, “ de nombreux habitants ”, “ tous et chacun ” n’ont pas voulu participer ?

Au-delà de cette interrogation qui n’entame en rien la liberté des choix et des méthodes d’action des chefs sawa, le pouvoir de Yaoundé tire de leur acte des dividendes évidents. Leur sortie va en effet dans le sens souhaité par les pontes du régime et matérialisé le 5 janvier 2008 par le gouverneur du Littoral. Il est question, grosso modo, d’empêcher les citoyens qui veulent manifester de descendre dans la rue. Au demeurant, une question s’impose : manifester, revendiquer, exprimer son opinion, … est-il une menace pour la paix ? Quelle est la valeur de ces actes dans un pays considéré comme démocratique ? La vraie menace peut ne pas être là où on la cherche



Source: Le Messager


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