Cavaye Yeguié Djibril, président de l'Assemblée nationale du Cameroun aurait volé la vedette à la cérémonie de la Fenac
Un cavalier sur le perchoir du Fenac
La démonstration de puissance du président de l’Assemblée nationale a duré une dizaine de minutes. Devant un parterre de membres du gouvernement (l’essentiel des ministres du Grand nord, plus Biyiti bi Essam et Pascal Anong Adibimé), de directeurs généraux (Crtv, Src, Office céréalier…), les invités spéciaux tels que Manu Dibango, les présidents des Assemblées nationales du Tchad, du Niger et du Mali, le gouverneur du Borno State (Nigeria), Cavaye Yéguié Djibril -juché sur un cheval endimanché- gambade majestueusement. Le chef traditionnel de Mada ouvre ainsi le défilé des dépositaires de l’autorité traditionnelle, au cœur du stade Lamido Yaya Daïrou. Le spectacle répand un épais nuage de poussière sur une assistance éberluée. Les chevaux bridés rageusement hennissent frénétiquement. Dans la tribune d’honneur, l’on applaudit à tout rompre. Ce qui a le don de doper l’enthousiasme des guerriers qui ceinturent le Pan. Armés de lances et sanglés dans des vêtements d’apparat, ils sentent leur chef au sommet de sa gloire. Ce dernier réprime à peine une allégresse frôlant l’extase. “ Cavaye fait son one man show ”, lance une spectatrice.
Le spectacle a été visiblement préparé avec minutie. Avant le début, le Pan et sa cour se sont retirés, comme pour accorder les violons. Les autres chefs traditionnels n’auront naturellement pas droit au même crédit horaire lors de leur passage et au même tonnerre d’applaudissements. Pour expliquer cette “ prestation scénique ” du président de l’Assemblée, des sources invoquent son implication personnelle afin que ses homologues du Tchad, du Niger et du Mali soient de la fête à Maroua. Il y avait surtout à la tribune, son ami gouverneur du Borno State. Effarouchant le protocole, Ali Modu Shérif a débarqué dans un cortège d’Ayatollah où l’on a aperçu plus d’une demi-douzaine de véhicules rutilants et recherchés. En outre, l’on se rappelle que le 28 mai 2008 à Maiduguri, au Nigeria, Cavaye avait doublé le gouverneur de l’Extrême-Nord Ahmadou Tidjani au cours d’une fête dans cet Etat fédéré du Nigeria. Le Pan aurait ramené de son expédition une grosse cylindrée, une enveloppe et une cantine de gandouras. A défaut d’accorder les mêmes largesses au gouverneur Ali Modu, Cavaye lui a démontré qu’il est puissant dans sa région, pour dire le moins.
Le bal masqué d’Ama Tutu
Le show de Cavaye Yéguié a quelque peu mis en arrière plan la brave Ama Tutu Muna. La ministre de la Culture était littéralement noyée dans le bal des invités du Pan. Elle a pourtant mis les mains dans le cambouis pour être la vedette du jour. Après de nombreuses missions avancées, elle a pris ses quartiers une semaine avant cette cérémonie, en face du village du festival pour conjurer toute fausse note. Heureusement à l’esplanade du stade Lamido Yaya Daïrou, quelques heures avant le show inattendu du Pan, elle a occupé les devants de la scène de “ son festival ”.
Dans son discours, Ama Tutu a rappelé que le Fenac est aux oubliettes depuis 6 ans. Des années durant lesquelles la grande famille culturelle n’a pas eu l’opportunité d’exalter et de magnifier ses atouts et nombreuses richesses. “ Le Fenac retrouve ses lettres de noblesses ”, pavoise t-elle. S’agissant du thème retenu, “ La culture, l’investissement pour l’avenir ”, la ministre dira que l’environnement international fait la part belle aux symboles qui véhiculent la culture. A ce titre, les Etats doivent s’investir et investir dans la culture. Notre pays, observe t-elle, a un immense potentiel en la matière qui ne demande qu’à être valorisé. Avant Ama Tutu Muna, le délégué du gouvernement auprès de la Communauté urbaine de Maroua a souhaité la bienvenue à tous les festivaliers. Il a relaté la longue et lancinante attente des populations de Maroua et de l’Extrême-Nord. “ Cet instrument fédérateur de diffusion et de promotion de la culture. Ce tremplin qui met en vitrine des talents de nos traditions ”, indique-t-il.
Robert Bakari en vedette américaine
Robert Bakari révèle que les populations locales n’ont pas versé dans le désespoir après les échecs successifs depuis 2002, car elles ont “ foi aux promesses du président de la République ”. Le délégué du gouvernement présente l’Extrême-Nord comme un haut lieu culturel. Une destination qui regorge de merveilles touristiques (parcs nationaux et réserves, notamment). Au passage, il adresse des doléances au ministre de la Culture : la réhabilitation des lamidats et chefferies traditionnelles, la construction d’un musée culturel à Maroua, l’appui financier aux artistes de l’Extrême-Nord, l’archivage des œuvres des griots, conteurs, poètes, etc. Si on l’en croit, l’entrepreunariat culturel n’est pas encore entré dans les mœurs dans l’Extrême-Nord et ce n’est forcément pas par manque de volonté. “ Maroua est un champ culturel en jachère qui peut devenir la capitale culturelle du Cameroun ”, explique Robert Bakari. Sans doute au fait du calvaire de certains festivaliers, le premier magistrat de la ville de Maroua a requis l’indulgence des uns et des autres “ pour toutes les imperfections ”. Pour lui, “ au fur et à mesure que le tam-tam va battre, l’euphorie va s’intensifier ”. L’inauguration de la bibliothèque pilote de Maroua et la pose annoncée de la première pierre de la maison de la culture de cette ville constituent – à coup sûr – deux pas vers la prospérité culturelle de cette région qui n’entend pas usurper son qualificatif de plus belle des régions.
Source: Le Messager
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