Cavaye Yeguié, président de l'Assemblée Nationale au Cameroun
C’est finalement avant-hier lundi 30 juin 2008 que la Commission des finances de l’Assemblée nationale a procédé à l’examen des deux projets de lois portant respectivement sur la " ratification de l’ordonnance n°2008/002 du 7 mars 2008 portant suspension des droits et taxes de douane à l’importance de certains produits de première nécessité " et sur la " ratification de l’ordonnance n°2008/001 du 7 mars 2008 portant révision du taux du tarif extérieur commun applicable à l’importation du ciment ". Ces projets de loi déposés sur le bureau de l’Assemblée nationale à la fin de la session de mars dernier portent tous sur les mesures prises par le chef de l’État au sortir des émeutes de la faim de février dernier qui avaient officiellement fait une quarantaine de morts.
Cinq mois après, au moment où l’Assemblée nationale s’apprête à procéder au vote de cette loi (au cours de la plénière de vendredi prochain), et alors que le coût des principaux produits concernés par la première loi citée (poissons, riz, semence de riz, riz décortiqué, riz en brisure, farine de froment…) ne cessent de grimper, de nouvelles mesures gouvernementales sont envisagées pour accompagner cette mesure. Du moins en ce qui concerne le riz, au stade actuel des informations en notre possession. Celles-ci visent à inciter des opérateurs économiques à l’importation de ce produit en vue de " la constitution d’un stock de sécurité capable de répondre aux besoins du marché jusqu’en décembre 2008 ", peut-on lire dans une correspondance du ministre du Commerce à son collègue des Finances.
Luc Magloire Mbarga Atangana indique ainsi réagir " conformément aux très hautes directives du Président de la République ", dans une correspondance signée du ministre d’État secrétaire général de la présidence de la République en date du 9 mai 2008.
Il s’agit concrètement pour l’État d’apporter son appui à certains opérateurs de la filière à travers le " cautionnement bancaire à l’importation du riz ". Dans une autre correspondance à son collègue des Finances, le ministre du Commerce justifie la démarche des pouvoirs publics par " la rareté persistante de l’offre mondiale " et surtout " l’utilisation de certains stocks de riz encore disponibles comme instruments de spéculation sur les marchés financiers ".
Luc Magloire Mbarga Atangana se veut même très précis sur les besoins en la matière. " Le montant de ce fonds pourrait être de l’ordre de 10 milliards de francs Cfa, ce qui représente le coût de revient moyen de quatre (4) cargaisons de riz en brisures de dix mille (10.000) tonnes chacune ".
S’il s’agit comme on peut le constater d’une mesure qui vise à faire face à la pénurie actuelle, et surtout à la spéculation dont se rendent aujourd’hui coupables certains opérateurs de la filière, et à garantir l’approvisionnement du marché camerounais en riz, une denrée très consommée, il y a lieu de craindre qu’elle ne donne droit à l’émergence d’une nouvelle classe d’hommes d’affaires qui, avec le concours de quelques pontes du pouvoir, et sans les capacités suffisantes, va se lancer dans cette voie ouverte.
L’exemple le plus patent est déjà donné par cette recommandation faite au ministre du Commerce par le directeur de Cabinet du président de l’Assemblée nationale. Dans une correspondance en date du 5 juin 2008, Abdoulaye Adjiali Boukar fait tenir au ministre du Commerce. " Sur hautes instructions de Son Excellence Monsieur le Président de l’Assemblée nationale ", la copie d’une demande de caution d’un parlementaire. Il est demandé au ministre du Commerce de procéder à " son incorporation dans le listing des opérateurs de la filière… ".
Un nom qui est venu se greffer à la liste des premiers bénéficiaires de la mesure communiquée au ministre des Finances le 27 juin dernier.
Source: Quotidien Mutations
|