Valsero, rappeur camerounais engagé
De nombreux moyens divers et variés sont utilisés par les Camerounais pour exprimer leur mal-être face à l'état des choses au pays des lions indomptables : activisme, manifestations, sites Internet ou blog ; Valsero a pour sa part choisi la musique.
Dans son album « Politikement instable », le rappeur camerounais de son vrai nom Abe Gaston Philippe parle des problèmes qui minent le Cameroun : « ce pays tue les jeunes », « Lettre au président », « Mon pays », « La vie est dure »... Autant d'opus qui décrivent le ressenti de quelqu'un qui a vécu et acquis son expérience sur le tas et ne tombe pas dans les clichés habituels des détracteurs du système politico-social camerounais.
C'est en ceci que Valsero est différent et attire l'attention : sa critique est constructive et attaque des points véridiques de ce qu'il considère comme les maux du Cameroun, et se distingue des critiques acerbes voire injurieuses que l'on a l'habitude d'entendre. Dans « Lettre au président », loin de tomber dans la grossièreté, Valsero s'adresse quasiment affectueusement à un Paul Biya qu'il appelle « Prési » et lui parle vrai : « Tes amis nous trouvent impertinents et même irrespectueux va pas les croire on veut juste vivre et se sentir mieux », dit-il dans « Réponds », une autre missive adressée au chef de l'Etat.
Les émeutes de Février, le taux de chômage, l'insertion des jeunes, les détournements de fonds, la cohabitation de la misère et d'un luxe ostentatoire, de l'exode massif vers l'occident... Valsero interpelle Paul Biya et avec lui, tout le système politique du Cameroun qui est à l'origine du mal-être de ceux qui se battent sans y arriver.
"Lettre au Président" et "Réponds" : 2 lettres ouvertes à Paul Biya
Il sait de quoi il parle, il en fait partie. Valsero, 7e d'une famille de 12 enfants est instruit ; diplômé de l'ENS des Postes de Yaoundé, père d'une petite fille, n'a jamais réussi à trouver du travail dans son domaine et a fini sur les ondes en tant que présentateur : Magic FM, Radio Siantou puis Satellite FM où il présente des émissions musicales, et c'est là que revient un engouement pour le rap qu'il avait abandonné pour poursuivre ses études à Buéa : dans le rap depuis les années 90, il avait créé un groupe (Ultimatum) qu'il a abandonné en 1997.
Malgré un talent manifeste, le côté moralisateur et satyre de Valsero le marginalisent. Si la jeunesse et beaucoup d'autres se reconnaissent dans les textes du rappeur, Valsero n'est que peu invité aux représentations, kermesses ou autres spectacles ; ses premiers hits « ce pays tue les jeunes » et « ne me parlez plus de ce pays », qui illustrent parfaitement son vécu sont interdites dans les radios d'état, et très vite les radios privées suivent la danse.
Toujours sur sa lancée de conscientiseur, Valsero s'associe en 2007 à la fondation Conseil Jeune pour sensibiliser les jeunes au vote, et écrit la chanson « va voter » avec le financement d'une association canadienne et entame une caravane à travers le Cameroun. De nombreux détracteurs protestent alors, déçus de ce qu'ils considèrent comme un retournement de veste de la part de celui qui avait toujours critiqué le pouvoir.
Un an plus tard, Valsero retourne en studio et produit son album avec 9 titres : « Politikement instable » naît alors. Il contient d'ailleurs « Réponds », une seconde lettre à Paul Biya, la première n'ayant selon ce dernier pas reçu de réponse. L'humoriste Antonio, bien connu pour les parodies de Paul Biya, lui répondra d'ailleurs dans un rap sur le même fond musical de l'opus « Lettre au Président ».
L'album connaîtra un certain succès, puisque Valsero sera récompensé en 2009 et recevra le Canal d'Or du meilleur artiste rap.
Voir les lyrics de : Valsero – Lettre au Président.
Sources :
Rfi Musique : Valsero, rappeur sans peur
La biographie de Valsero sur son site officiel
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