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Cameroun : Sorcellerie, rites ethniques, miracles : Pourquoi croit-on au surnaturel ?
(24/07/2011)
Point de vue d'un internaute qui s'est proposé d'analyser sur quelques axes de réflexion la conception de l'extraordinaire au Cameroun, aussi bien sur le plan religieux que celui de la sorcellerie.
Par Ebanda Guillaume
Avant de débuter ce point de vue, je voudrais dans une introduction préciser l’objet de mon propos, que j'avais initialement nommé "De la conception empirique du miracle au Cameroun : au vu du titre, on pourrait penser à un concentré d’obscurantisme d’un prétendu scientifique qui vient opposer sciences et religion. Il n’est en rien, bien au contraire, on pourrait tout au plus parler de sociologie.

En effet, il s’agit ici, bien plus que de parler de sciences, d’étudier la conception réelle du miracle divin ou de la sorcellerie diabolique qui sont les deux faces d’une même pièce. A l’heure où les courants évangéliques prospèrent dans le monde en général et en Afrique en particulier, il paraît important de prendre du recul et d’analyser un peu plus froidement les questions de ce qui « dépasse l’entendement humain ».

Pourquoi empirisme ? Il ne s’agit pas d’un terme de physicien chevronné qui a passé trop de temps en laboratoire, mais réellement d’une pratique réalisée par tout un chacun, de façon consciente ou non. Derrière les grands théorèmes de statistique, l’empirisme cache un concept autrement plus simple : une vérité ne se décide que par l’expérience. Nous pouvons prendre pour cela un exemple très simple, celui du loto.


Si nous interrogeons plusieurs personnes et leur demandons s’il est possible de gagner le jackpot au loto, les réponses varieront suivant un critère très simple : qu’elles aient, dans leur entourage direct, connaissance d’une personne qui a déjà gagné ou pas. Et en fonction, elles répondront oui ou non.

Pourquoi ? Parce qu’empiriquement, elles auront constaté qu’il est possible ou impossible ; pour celui qui ne connaît personne ayant déjà remporté le gros lot, il est impossible de gagner au loto. Et Personne n’ira compter le nombre de combinaisons possibles avant de répondre qu’il y a 1 chance sur 45098759 de gagner, son avis sera directement influencé par l’expérience qu’il a vécue.

Cette pratique qu’est l’empirisme, est présente dans de nombreux compartiments de la vie : le tribalisme, les idées reçues, notre conception même du possible, de l’impossible, du normal ou du « bizarre » est influencée par cet empirisme : notre expérience personnelle, celle de notre entourage, nos lectures façonnent cet univers.

Un univers qui est façonné au Cameroun par une prépondérance du surnaturel : enfants, on grandit tous avec la peur des autres tribus pour leurs pratiques. Les Bamileke font le culte des cranes et parlent à leurs ancêtres, leurs notables et chefs traditionnels sont des magiciens en puissance. Douala sont complices des esprits des eaux, qu'ils magnifient pendant le Ngoundo. Bassa'a pratiquent le Mesong, tandis que les pygmées parlent aux esprits des animaux...

Partant de ce principe, tout ce se produit et que nous considérons comme étant au-delà des limites du possible, apparaît donc comme un miracle, comme de l’extraordinaire qui va chercher son explication dans le divin, ou alors dans la sorcellerie, particulièrement présents au Cameroun. De la même façon que pour un enfant, il existe un vieux barbu vêtu de rouge qui passe sur son traineau volant déposer les cadeaux au pied du sapin, une petite souris qui vient récupérer les dents tombées pour qu’elle remplace par les cadeaux : il s’agit pour les enfants de faits surnaturels, tandis que les parents, plus au fait de la « réalité », conçoivent cela parfaitement normalement.

Cet exemple, relativement simpliste pourtant traduit parfaitement bien une croyance accrue au surnaturel. En réalité, il ne s’agit pas de croyance aux choses surnaturelles, mais plutôt un constat que le fait produit échappe à notre naturel, à notre compréhension des choses dites habituelles. Cela est particulièrement vrai au Cameroun, où l’on baigne entre églises, sorcellerie et pratiques traditionnelles, dans une relative ambiance de « surnaturel ».

Abordons le cas de la sorcellerie et de la magie. Au Cameroun, s’il est un adage qui est bien réel, c’est que « rien n’arrive par hasard ». Pas de place pour les coïncidences ou le triste hasard : il y a toujours une explication qui est à chercher dans le monde spirituel.

Si un homme perd femme ou enfant, et a le malheur de prospérer par la suite, le raccourci est vite trouvé : il a « vendu au famla » le membre de sa famille pour avoir de l’argent. Si une série de malheurs s’acharne sur une personne, alors elle a été « attachée » quelque part et doit aller se laver au village. Le cas de Djibrill Cissé, dont le père est allé « conjurer le mauvais sort » en Côte d’Ivoire parce qu’il avait eu deux fractures est assez démonstratif.

Lors d’une discussion intéressante que j’ai eue il y a de nombreuses années, où je tentais à l’époque de convaincre un tiers de l’existence de la sorcellerie, m’a comme illuminé : il m’a confié qu’au Cameroun, il ne connaissait pas une personne qui avait vécu en direct une expérience surnaturelle, mais il s’agissait souvent d’une connaissance. Et cela m’a fait réfléchir, parce qu’il en était de même pour moi.

Pour ce qui est du miracle, le pendant « religieux » de l’acte sorcier, il en est de même. Et dans un cas comme dans l’autre, il peut être intéressant de noter que ce que nous appelons miracle, malédiction, « mauvais œil », « famla » ou autre, n’est finalement qu’un fait banal, qui ne sort réellement de notre entendement que par le contexte : je n’ai jamais été témoin ou entendu parler d’une résurrection, d’un aveugle qui a recouvré la vue, d’un infirme à qui on aurait fait pousser le membre manquant.

En général, il s’agit de phénomènes dont le caractère miraculeux est impalpable, et ne relève finalement que de la croyance de celui qui vit l’expérience. En effet, on parlera bien souvent de guérison du cancer, de résolutions de situations où tout semblait perdu, de fin à des addictions profondes, d’évènements tellement miraculeux qu’ils ne peuvent trouver leur origine qu’au-delà de notre plan.

Cela pourtant ne relève encore une fois que de notre empirisme, car une question très simple pourrait être posée : si dans le cas de cancers ou d’autres maladies « incurables », de la recherche de travail, de mariage, de désintoxications, il existe une multitude d’exemples où la solution a été trouvée sans intervention extra humaine – dans le cas du cancer, de nombreux cas de rémissions spontanées sont recensés par la médecine –, comment parler encore de miracle ?

Les évolutions de la science et de notre compréhension de façon plus globale d’ailleurs élargissent notre vision et font voir autrement ce qui était il y a des années un miracle ou une malédiction.

L’exemple du déni de grossesse, est parlant. Il y a 50 ou 100 ans, il relevait surement de la sorcellerie, qu’une femme puisse se réveiller un beau jour et constater être enceinte d’un enfant à terme dont elle n’a jamais eu conscience. De même, l’effet Placebo est un autre exemple qui montre que la psyché humaine contient une profondeur avec des effets sur le physique et le mental dont nous ne maîtrisons pas encore les contours.

Que conclure donc ? Que le miracle ou la sorcellerie n’existent pas ? Ce serait une conclusion bien impétueuse et irrespectueuse pour ceux qui vivent des expériences extraordinaires. Mais il convient d’ouvrir son esprit et sortir de son empirisme pour voir le monde et les phénomènes qui le régissent de façon plus globale. Car la croyance au surnaturel, bien qu’inoffensive de premier abord, est ce qui permet à divers charlatans, sous une égide religieuse ou pas, d’avoir pignon sur rue au Cameroun et partout ailleurs.

Bien souvent, il peut être intéressant, des années après, de revisiter les expériences que nous avons vécues comme miraculeuses – positivement ou négativement – avec du recul, et remettre en question ce miracle. Et bien souvent, la conclusion est toute autre, comme celle de ce chrétien qui avait attribué à Dieu le nouvel emploi de sa femme qui venait récompenser une période de persévérance dans la foi malgré les difficultés. Quelques mois et la perte de ce même travail par sa femme plus tard, le miracle a paru moins évident. Pourtant sur le moment, la coïncidence entre ses actes de chrétien et le nouveau travail de sa femme était si forte qu’une autre interprétation du phénomène était inenvisageable.

Finalement, comme dit au départ, on peut constater que nos croyances, fortement influencées par un univers camerounais où l'on se transmet beaucoup de légendes qu'on considère comme réalités, se basent en général sur notre expérience et non pas sur une considération réelle d'un fait et de son caractère réellement surnaturel.

Cela ne permet pas pour autant de conclure qu'une croyance empirique est fausse. La réalité est que le spirituel, si tant est qu'il existe un spirituel, est impalpable et ne répond pas à notre intellect. Nous ne pouvons en définir les limites et les contours, et il est inutile de se conformer à ce que nous avons vécu pour conclure sur son existence, d'autant plus que nous n'avons aucune influence dessus.

Pour conclure, je citerai une phrase très connue au Cameroun, "Vivons seulement !"


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