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Cameroun : Produire ou importer ? Le cas du riz, première partie
(02/12/2011)
Production ou importation, la politique agricole camerounaise a fortement changé entre les années 70 et aujourd'hui. Retour sur les principaux causes et enjeux qui ont créé les tendances
Par Rédaction Bonaberi.com

L’un des grands enjeux pour le développement économique du Cameroun est la pleine exploitation de son potentiel agricole, une condition nécessaire pour retrouver son autosuffisance alimentaire des années 80, un symbole de fierté mais aussi le signe d’une solidité structurelle du pays de Paul Biya.

Une solidité que le Cameroun a perdue depuis des années, voire dizaine d’années, à cause d’une crise économique qui l’a rendu incapable de soutenir la croissance de la riziculture avec l’augmentation de la demande, pour peu à peu devenir un gros importateur de produits alimentaires: riz, maïs, oignons, lait, huile…, de concert avec une politique de soutien à l'agriculture lancée tardivement et non en phase avec l'expansion démographique.

En 2009, c’est près de 400 milliards de francs CFA que le Cameroun a déboursés pour importer un peu plus d’un million de tonnes de produits alimentaires.

A l’époque producteur voire exportateur de riz, le Cameroun est devenu en 30 ans importateur, et de fait dépendant des cours internationaux. Cette dépendance s’est parfaitement caractérisée en 2008, où les populations sont descendues dans la rue pour protester contre la flambée des prix des denrées alimentaires et de l’essence, deux richesses potentiellement productibles au Cameroun.


De prime abord, on pourrait considérer qu’il ne s’agit en 2011 que de l’inertie du gouvernement, qui n’a pas la volonté de relancer la production et préfère importer, parce que c’est plus facile. La solution apparaît donc comme éminemment simple : arrêter d’importer, produire plus, et le tour serait joué, le Cameroun redeviendrait de fait souverainement autonome, insensible aux flambées des prix des matières premières sur les marchés internationaux.

Pourtant, la réalité est comme souvent malheureusement un peu plus compliquée : s’il est vrai que le Cameroun sous-exploite largement son potentiel agricole, proposer une offre domestique de riz compétitive à des coûts intéressants relève d’une autre paire de manches.

En effet, de nombreux prérequis sont à satisfaire avant de pouvoir produire du riz de façon intéressante au Cameroun : et pour comprendre les enjeux, il convient de retracer l’historique de la stratégie agricole camerounaise des années 70 à nos jours.

Dans les années 70, le Cameroun ne dépendait pas de l’extérieur, produisant en 1975 80% de sa consommation en riz. En 1966, le Cameroun dont la population est estimée à 5 millions d'habitants, consomme entre 20000 et 25000 tonnes de riz par an, une consommation essentiellement assurée par la production domestique, qui se fait par culture pluviale dans les plaines et les bas-fonds (pas besoin d'irrigation, la culture s'alimente en eau de pluie).

En 1984, la population a doublé pour passer à 11 millions de personnes, dont près de 4.5 millions (34%) dans les zones urbaines : la demande en riz augmente, le riz devenant l'aliment principal, notamment dans les zones urbaines, pour sa simplicité et sa facilité de cuisson, par rapport aux mets traditionnels. La demande passe ainsi à plus de 200.000 tonnes de riz par an.

Pour faire face à cette augmentation de la demande, le gouvernement crée trois centres de production dans les zones à très forte croissance démographique. Le projet Semry (Société d’Expansion et de Modernisation de la Riziculture de Yagoua) est créé en 1971, avec trois centres, localisés à Yagoua, Maga et à Kousseri, dans la région de l'Extrême Nord. Son mandat est l'administration, l'exploitation et le développement des entreprises agricoles, ainsi que la transformation du paddy en riz. Détenue par les pouvoirs publics (51.5% l'Etat, 47.16% par l'ONCPB et 1.09% par la Banque Camerounaise de Développement), elle couvre une superficie de 18.000 hectares et produit environ 40.000 tonnes de riz dans les années 90.

19 milliards de francs CFA sont investis ensuite dans l'agriculture, dans la Semry, dont 65% par la Banque mondiale, 18% par la Caisse centrale de Coopération économique, et les 17% restants par l'Etat camerounais.

D'autres centres de production mineurs voient donc le jour, comme l’UNVDA (Upper Noun Valley Development Authority) au Nord-Ouest, et la SODERIM ( Société de riziculture dans la Plaine de Mbo), à l’Ouest sont aussi créés. Plus de 50 milliards sont investis dans ces trois centres stratégiques entre la fin des années 70 et celles des années 80.

Cet encouragement de la politique agricole est pourtant échec, et ceci pour plusieurs raisons. En effet, à partir des années 80, un exode rural massif des différents centres ruraux s’effectue vers Douala et Yaoundé, qui deviennent les plus gros demandeurs en riz. Malheureusement, la construction des centres de productions ne s’accompagne pas de la construction de routes de qualité pouvant permettre l’acheminement facile et rapide du riz produit dans les zones enclavées vers les centres urbains.

Des distance et difficulté d’accès d’autant plus préjudiciable que les zones de productions sont frontalières, et soumises aux demandes des marchés extérieurs, notamment le Nigeria, le Tchad et la République Centrafricaine : il est plus intéressant et moins onéreux pour les producteurs de vendre le riz aux pays voisins que de l’acheminer vers les capitales politique et économique, ou dans d’autres zones camerounaises. La Semry, dotée de la plus grande capacité de production des trois centres, située à l’Extrême Nord, au sommet du septentrion, est la plus durement frappée de cet enclavement et de la concurrence environnante, avec la forte demande de pays moins producteurs comme la RCA et le Tchad.

Cette concurrence a un effet négatif sur le prix du riz, les coûts de production restant élevés: on estime en 1986 à plus de 2 millions de francs CFA le coût de l'aménagement à l'hectare: matériel de pompage, creusements de canaux, ouvrages en bétons, aménagement des hangars...

De moins bonne qualité que le riz importé, le riz camerounais reste plus cher et trouve peu d'attrait chez les consommateurs, malgré des mesures gouvernementales pour soutenir la production locale: la loi du jumelage oblige tout importateur à acheter au moins 15% de ses importations en riz local.

Malgré cela, l'activité peine à décoller, la lenteur administrative étant première coupable: l'obtention des licences, la rareté des points de vente, la trop grande caution nécessaire pour obtenir une autorisation de vente écartant les petits producteurs, etc. Les plus gros producteurs préfèrent importer, le riz extérieur étant préféré au riz local.

Progressivement, la Semry mise à part, la tendance s'inverse et les importations prennent à la fin des années 80 complètement le pas sur la production.

Dans le même temps, à partir du milieu des années 80, une crise économique frappe toute l’Afrique centrale, qui doit alors lancer de nombreux programmes d’austérité, notamment une privatisation massive des entreprises stratégiques et la dévaluation du franc CFA, survenue en 1994. On verra donc le Cameroun abandonner ses centres de production qui coûteraient trop cher à entretenir. Alors que la demande passe de 20.000 tonnes au début des années 80 à près de 600.000 tonnes aujourd’hui, la production locale stagne autour des 100.000 tonnes par riziculture irriguée, et près de 120.000 tonnes en comptant la culture pluviable traditionnelle. Outre le riz, on peut d’ailleurs noter le cas de la filière coton, du caoutchouc et de nombreux autres pôles de production quoi sont alors inexploités.

De plus, les avancées technologiques des autres pays dans le domaine de la production agricole, avec un accès aux intrants – pesticides, engrais, nouvelles semences –, le Cameroun doit faire face à une nouvelle concurrence due à l’émergence des pays asiatiques, qui produisent de grandes quantités de riz à moindres coûts ; au Cameroun, la Semry, l’Unvda et la Soderim utilisent une culture par méthode d’irrigation. Méthode beaucoup plus coûteuse face aux énormes masses monétaires qu’il faudrait injecter pour permettre à la production locale de suivre le rythme, le Cameroun délaisse progressivement sa politique agricole et se dirige vers les importations pour le riz et autres produits alimentaires ; c’est ainsi qu’on passe de 80% de la demande domestique satisfaite par la production locale à moins de 15% en 2010.

En 2008, la politique d’importations favorisée par le FMI pour les pays en voie de développement – afin d’encourager les échanges et donc les IDE de la part des pays émergents tels que la Chine, l’Inde ou le Japon – arrive à ses limites. Complètement dépendant des prix extérieurs, lorsque les stocks mondiaux atteignent un plus bas historique, le Cameroun sombre dans une surinflation qui entraîne le pays dans une crise, la première apolitique post-indépendance. Importer est devenu trop cher, tandis que la croissance démographique elle n’a pas changé: on estime donc l’augmentation de la demande de riz en Afrique centrale de 4.5% par an.

Face à ces divers enjeux, le gouvernement décide de redynamiser la politique agricole, avec la création de nombreuses possibilités de financements, l’allègement des taxes sur la production, et le lancement du Comice agro-pastoral, qui a pour but de redonner de l’élan aux activités rurales. Des mesures dont l’impact a été jusqu’ici limité. La première cause est le manque d’accès à l’information et la ségrégation des fermiers; en effet, contrairement au cas de la filière cacao/café, il existe trop peu de coopératives dans le cas de la culture du riz, et la connaissance des possibilités de financements ou d’arrangements fiscaux de l’Etat ne sont pas connues.

Structure de production Production actuelle Production potentielle
Secteur moderne Superficies (ha) Production Superficies (ha) Production
Projet SEMRY 11500 ~70000 20000 180000
Projet Logone et Chari 1800   2000 10000
Projet Lagdo 800   5000 25000
Projet UNVDA 1000   5000 25000
SODERIM 200   3000 15000
Total 15300 120000 35000 255000



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