Depuis plusieurs semaines, le Rassemblement démocratique du peuple camerounais
(RDPC) multiplie les meetings, plaidant pour une candidature de son chef, M.
Biya, à la prochaine présidentielle, dans une intense campagne qui rappelle
celle qui avait précédé l'adoption d'une révision constitutionnelle controversée
en 2008.
Votée en avril 2008, en dépit de mouvements de contestation et de graves émeutes
qui avaient fait selon des ONG au moins 130 morts, cette réforme avait fait
sauter la limitation du nombre de mandats présidentiels permettant ainsi à Biya
de se représenter. "Ce n'est que lui (Biya) qui peut, pour le moment, continuer
à conduire le Cameroun vers des horizons meilleurs", a affirmé fin octobre dans
un meeting un responsable local du RDPC.
Les ministres ne sont pas en reste: plusieurs d'entre eux ont fait des
déclarations similaires alors que le quotidien d'Etat publie régulièrement des
"motions de soutien" au président émanant de cadres du RDPC. Un groupe de jeunes
proche du parti a même lancé une opération de collecte de fonds censée financer
la caution du candidat Biya. Fidèle à ses habitudes, le président, qui aime
entretenir le flou, n'a cependant pas encore dit clairement s'il serait candidat
ou non.
Une lettre aux Camerounais publiée début novembre pour le 27e anniversaire de
son accession au pouvoir laisse toutefois peu de doutes sur ses intentions. Ce
texte a même marqué "le déclenchement de la campagne pour sa réélection",
analyse le politologue Alain Fogué Tédom.
Remerciant les appels pour sa candidature, Biya y affirme notamment vouloir "aller
jusqu'au bout" dans "la recherche de solutions" au chômage et dans "la
lutte contre la corruption". En prenant de tels engagements, Biya sollicite
en contrepartie la "confiance des Camerounais" pour la future présidentielle,
selon M. Fogué. Le slogan du RDPC lors de la célébration des 27 ans au pouvoir
de son chef est aussi évocateur: "Bâtissons l'avenir avec Paul Biya", dit-il.
Toutes les actions menées au cours des dernières semaines par le RDPC "ne sont
pas anodines", estime M. Fogué. Elles montrent que Biya sera candidat mais aussi
"que nous sommes aux portes d'une présidentielle", qui se tiendra probablement
plus tôt que prévu. De fait, des cadres du RDPC dont un ministre ont récemment
demandé publiquement que l'élection se tienne en 2010 et non plus en 2011, sans
cependant donner d'arguments justifiant cette anticipation. Non prévue par la
loi, l'anticipation devrait être précédée par une révision constitutionnelle,
indique un politologue.
Cette mesure permettrait de contrarier et de couper l'herbe sous le pied des
adversaires de Biya qui se trouvent essentiellement dans son propre camp, selon
M. Fogué. Biya pourrait aussi profiter d'une bonne prestation du Cameroun à la
coupe du monde 2010 de football pour organiser l'élection, craint le
vice-président du principal parti d'opposition, le Social Democratic Front
(SDF), Joshua Osih.
"Ce serait une erreur politique grave d'anticiper la présidentielle", juge-t-il,
assurant que le SDF est résolu "à tout faire" pour empêcher la tenue de la
présidentielle (anticipée ou pas) s'il n'y a pas "un minimum de garantie" de
transparence.
Le RDPC n'a pas réagi aux inquiétudes de l'Union européenne qui a fait part mi
novembre de ses doutes sur "la crédibilité des membres de l'organe électoral" et
"leur capacité à organiser les élections dans un délai de 22 mois".
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