Le maire de Nanga-Eboko, Romain Roland Eto, évoque les stratégies visant à faciliter l’écoulement des produits agricoles.
Par Sebastian Chi Elvido
Le maire de Nanga-Eboko estime qu'il n'y a pas de problème de faim dans sa ville
En quels termes se pose le problème de la crise alimentaire dans votre commune, caractérisée par la flambée des prix sur le marché ?
Je suis de ceux qui pensent qu’il faut recentrer le débat. Parler de la crise alimentaire au Cameroun et notamment à Nanga-Eboko me semble un peu exagéré. Le problème se pose en d’autres termes parce qu’il ne manque pas à manger car dire qu’il y a crise alimentaire c’est que les gens ne trouvent pas à manger, que les gens meurent de faim et qu’ils ont des difficultés pour s’approvisionner. Notre problème essentiel en matière alimentaire c’est l’évacuation. Nous avons tous ce qu’il faut pour nourrir la population. Si vous faites un tour au marché de Nanga-Eboko, vous allez constater qu’il y a à manger suffisamment de jour comme de nuit, mais comment acheminer cette nourriture vers la ville?
Si vous allez dans les villages, vous allez constater qu’il y a des tonnes et des tonnes de plantains qui pourrissent. Des producteurs de maïs qui sont à la recherche d’éventuels preneurs. Pendant des années, le maïs pourrit surplace parce qu’on n’a pas suffisamment de débouchés. Nous sommes dans un pays qui est béni et qui peut bénéficier d’une variété inestimable de produits. Dans certains pays, lorsque vous ne mangez pas le riz, vous mourez de faim. Au Cameroun, on peut bien se passer du riz qui n’est d’ailleurs pas une denrée de première nécessité dans ma région. On peut manger le macabo, le plantain etc. Tous ces produits là se trouvent, il faudrait plutôt mettre l’accent sur l’évacuation.
Que fait donc la commune dans le sens d’aider la population à évacuer sa production ?
Il faut dire que la commune de Nanga-Eboko depuis quelques temps est très proche des paysans. La commune n’a pas beaucoup de moyens mais nous avons opté d’aider le monde paysan en distribuant les intrants et le petit matériel agricole. En plus nous mettons les camions de la commune à la disposition des producteurs et les revendeurs pour essayer de stabiliser les prix au niveau du marché. Depuis quelques mois, en collaboration avec la délégation du Commerce, nous sommes en train de créer les marchés périodiques. Nous en avons déjà créé trois qui permettent aux producteurs et consommateurs de se retrouver afin d’éviter les pénuries.
Vous parliez tantôt du manque des recettes. Que faites vous pour améliorer cette situation ?
J’ai toujours dit qu’on ne va pas demander aux populations de sortir tous ce qui est dans leurs poches pour nourrir la commune. Il y a un certain nombre de taxes autorisées. Mais vous savez que la commune est à l’image des populations qu’elle abrite. On ne peut pas demander aux populations de donner au-delà de ce qui est légal. Ce qui fait que très souvent ces recettes sont très insuffisantes par rapport aux problèmes. Nous faisons donc tout ce qui est légal pour améliorer les recettes tout en créant des nouvelles structures qui peuvent générer d’autres recettes. Mais je crois que le problème de fonds est là et il faudrait que l’Etat intervienne, et pour cela il faudrait qu’on sorte des discours pour que la décentralisation soit effective parce que nous vivons la pauvreté au quotidien. La décentralisation suscite beaucoup d’espoir et nous pensons qu’il est temps qu’elle arrive pour qu’on puisse juger les maires en fonction de leurs ambitions.
Que dites vous de l’opinion qui estime que les élites de cette région ne participent pas au développement ?
Je crois que là aussi c’est un faux procès. Nos parents ont travaillé avec les mains, mais on ne va pas demander aux élites de faire la même chose. Aujourd’hui, les exploitations agricoles modernes demandent beaucoup des moyens. Et quand on parle des élites, il faut les citer. Un fonctionnaire de catégorie A, qui a à peine l’occasion de joindre les deux bouts, on ne peut pas lui demander de venir créer une plantation de 10 hectares puisque cela demande des moyens. Ailleurs, il y a des élites qui ont des moyens mais je crois que dans la Haute Sanaga spécialement, il y a l’élite intellectuelle. L’élite économique est encore en gestation. Je profite de l’occasion pour lancer un appel à celles qui peuvent le faire de venir investir pour le développement de notre région. Mais vous savez très bien que l’un des problèmes de la Haute Sanaga c’est l’enclavement. Pour partir de Yaoundé à Nanga-Eboko, ce n’est pas toujours une partie de plaisir et cela dure depuis l’indépendance. Mais je suis sure que quand la route va passer, même si on ne rattrape pas les autres départements du pays, cela va quand même déclencher un certain nombre de chose donc l’agriculture.