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Cameroun : lettre ouverte de Babissakana à Paul Biya
(10/10/2008)
L’ingénieur financier fait des propositions concrètes pour l’orientation future des relations entre le Cameroun et le Fonds monétaire internetional (Fmi)
Par Bakassana

Monsieur le Président de la République,
Lors de votre prestation de serment le 3 novembre 2004, vous avez pris l’engagement personnel et solennel suivant : « Une des grandes ambitions du nouveau septennat, ainsi que je l’ai dit pendant la campagne, sera de procéder à une véritable mutation de notre économie. Il ne s’agira plus seulement de redresser, ou de remettre en ordre, mais de fixer de nouveaux objectifs à moyen et à long terme, selon une programmation qui nous a parfois fait défaut » (Cameroon Tribune du 4 novembre 2004, page 4). Vous avez précisé le 31 décembre 2004 que cela signifie que « (…) nous allons nous efforcer de faire passer notre économie à un niveau supérieur de performance, (…)» (Cameroon Tribune du 03 janvier 2005, page 2).

A la suite des dérapages budgétaires de 2004, c’est encore la mise en ordre et le redressement des finances publiques camerounaises qui sont restées prioritaires avec en particulier la signature le 24 octobre 2005 d’un accord triennal de crédit (18,7 millions de DTS) avec le Fonds Monétaire International en vue du traitement final de la dette publique extérieure. Malgré la finalisation dudit traitement en avril et juin 2006, l’accord de crédit a été maintenu inutilement et a été récemment prolongé d’octobre 2008 à fin janvier 2009. Avec cette « tutelle » technique et financière du FMI, l’on a assisté depuis 2005 à un véritable décrochage de la croissance économique camerounaise par rapport à la moyenne africaine. De 2005 à 2007, la croissance économique camerounaise n’a été que de 2,9% en moyenne avec une projection de 4,5% en 2008 contre une moyenne de 6,3% en Afrique subsaharienne et une projection de 6,5% en 2008 (la moyenne des pays africains producteurs de pétrole dont fait partie le Cameroun a été de 7,9% avec une projection de 9,9% en 2008). A l’horizon 2011 (fin de votre septennat), l’hypothèse de croissance retenue actuellement par le FMI et la Banque Mondiale n’est que de 5,3%.

Ces médiocres performances passées et prévisibles de croissance découlent principalement de l’action fondamentalement lacunaire de l’Etat à travers une politique économique et sociale inappropriée. Au lieu d’une politique offensive et cohérente de relance économique susceptible d’impulser une véritable mutation de l’appareil productif national, vous avez approuvé que le FMI confine encore le Gouvernement à une politique coûteuse et insensée de stabilisation économique. La présente note d’analyse technique vise à porter à votre attention quelques recommandations utiles pour honorer votre engagement personnel et solennel de procéder à une véritable mutation de l’économie camerounaise. Avant de décliner les pistes qui nous semblent pertinentes pour une politique offensive de croissance, nous insistons sur l’exigence urgente et vitale d’une mutation profonde de notre économie et le caractère inopportun et surtout contreproductif de la signature d’un nouvel accord fut-il sans financement avec le FMI.




Une mutation profonde et radicale de l’économie camerounaise est un impératif majeur

La croissance potentielle (utilisation des pleines capacités actuelles de l’économie) sans risque d’inflation de l’économie camerounaise devrait se situer à l’heure actuelle autour de 6-7%. L’écart de production ou de croissance constaté et ses implications en termes de pertes d’emplois et de revenus sont absolument inacceptables dans un contexte où le taux de chômage en estimation conservatrice n’est pas éloigné de 25%. L’utilisation des capacités de production installées est estimée à 55-60%. Le taux d’obsolescence technologique devrait être supérieur à 70% reléguant ainsi l’économie camerounaise au stade de pré-rattrapage technologique. L’indispensable mutation de l’économie tout au moins partir du stade de pré-rattrapage technologique au stade de rattrapage technologique implique l’accélération volontariste et active de l’industrialisation. L’Etat devrait relancer de manière offensive l’économie. Les conditions d’une relance saine et forte sont plus que remplies depuis 2006 : (i) la dette publique est passée de 8,5 milliards de $US (51,5% du PIB) en 2005 à 2,8 milliards de $US (15,5% du PIB) en 2006 puis à 2,6 milliards de $US (12,4% du PIB) en 2007 ; (ii) le budget de l’Etat est financé à plus de 90% par des ressources propres et surtout est substantiellement et structurellement en excédent (265 milliards de FCFA en 2005, 442 milliards de FCFA en 2006, 326 milliards de FCFA en 2007 et 344 milliards de FCFA en projection pour 2008) alors que votre peuple ploie sous le poids du chômage, de la misère et de l’exclusion sociale ; (iii) la balance des paiements ne présente pas de problème particulier, les réserves internationales représentaient 5,5 mois d’importations de biens et services en 2007 et la projection en 2008 est de 6 mois.

Au plan principiel et doctrinal, l’Etat joue quatre (4) fonctions économiques interdépendantes dont l’articulation et la hiérarchisation dépendent du stade de développement du pays et de la position de l’économie dans son cycle : (i) la fonction d’Etat-stratège du développement (politique industrielle, politique scientifique et technologique, politique commerciale, etc.), (ii) la fonction d’Etat-régulateur (politique de la concurrence et de la protection du consommateur), (iii) la fonction d’Etat-stabilisateur (politique budgétaire, politique monétaire) et la fonction d’Etat-solidaire (politiques sociales). Au stade actuel de l’économie camerounaise, la fonction d’Etat-stratège devrait primer pour la relance de l’économie, les fonctions d’Etat-régulateur et Etat-solidaire devraient en être subordonnées et la fonction d’Etat-stabilisateur devrait en être accommodante. La compétence du FMI n’étant reconnue qu’en ce qui concerne la fonction d’Etat-stabilisateur, cette institution n’est pas indiquée comme acteur de référence ou d’inspiration pour la relance de l’économie.



L’«instrument de soutien à la politique économique » du FMI est un produit inapproprié pour une politique de relance économique

Sur votre haute instruction, le Gouvernement camerounais envisage de s’offrir pour trois (3) ans encore (2009 – 2011), un nouveau produit du FMI, dénommé l’« instrument de soutien à la politique économique » (ISPE) pour la formulation et la mise en œuvre de sa politique économique. Produit approuvé le 5 octobre 2005, le FMI décline l’argumentaire marketing de celui-ci en ces termes : « (…) l’ISPE a été créé afin de répondre aux besoins des pays en phase de stabilisation avancée – c’est-à-dire des pays affichant une croissance raisonnable, un faible taux d’inflation de base et un niveau de réserves internationales adéquat, et qui ont commencé à assurer la viabilité de leur dette extérieure et intérieure nette. Certains de ces pays n’ont plus besoin du concours financier du FMI et ont fait part de leur désir de ne plus faire appel à la FRCP, tout en continuant à entretenir des relations étroites avec le FMI, ce qui inclut l’avalisation de leur politique et de leurs résultats économiques » (FMI, fiche technique – octobre 2007). Ainsi, le gouvernement camerounais progresserait de la « tutelle » technique et financière du FMI qui n’a que trop durée à une « tutelle » uniquement technique, une sorte de coaching contraignant. Pour la plupart d’analystes nationaux et internationaux, ce serait un aveu sans équivoque d’incapacité d’autonomie technique et managériale de l’exécutif camerounais. Sans autonomie technique et managériale, il est évident que tout progrès économique et social soutenu et rapide du Cameroun est à exclure.

Comme le précise le FMI lui-même, l’ISPE est son produit d’assistance à la stabilisation avancée d’une économie dans un pays à revenu faible. Or, le Cameroun n’a pas besoin à l’heure actuelle de stabilisation avancée mais plutôt d’une politique de relance offensive de son économie, donc l’ISPE est fondamentalement inadapté et contreproductif. Si votre objectif est de procéder à une véritable mutation de l’économie camerounaise, nous vous recommandons de ne pas signer un nouvel accord avec le FMI, mais de recourir comme tout pays membre normal à sa surveillance annuelle et éventuellement à son assistance technique ponctuelle. D’ailleurs, si la compétence éthique des fonctionnaires du FMI était robuste, ils auraient été les premiers à vous faire cette recommandation. Mais l’équipe du business de l’aide du FMI pour le Cameroun s’appuie en particulier sur votre déclaration suivante qui nous semble avoir été mal placée et inopportune: « Aujourd’hui, le Cameroun se trouve face à de nouveaux défis. Il attend du Fonds Monétaire International, conseil et assistance pour préserver les acquis, mais plus encore, pour asseoir les bases d’un développement économique et social vigoureux et durable. (…) Nous croyons pouvoir compter sur le FMI pour la mobilisation future des financements extérieurs nécessaires. » (Cameroon tribune du jeudi 11 janvier 2007, page 3). En fin de compte, la responsabilité de la définition d’une politique économique adéquate vous incombe constitutionnellement en plus de l’obligation de respect de votre engagement pris personnellement et solennellement devant le peuple le 3 novembre 2004.



Quelques pistes majeures de l’action de l’Etat pour une mutation profonde de l’économie camerounaise

Le ministre de l’Economie, de la planification et de l’aménagement du territoire, M. Louis Paul Motaze a décliné récemment les axes prioritaires du programme économique triennal envisagé : «Il s’agira d’un programme dont la fonction première sera de mettre en œuvre avec succès, au cours des trois à cinq prochaines années, notre Document de stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP), dont la révision en cours en fera quasiment une stratégie nationale de développement. (…) Ce programme mettra résolument le cap sur les objectifs d’accélération de la croissance économique et de la création d’emplois décents. Dans cet ordre d’idées, nous pensons que le moteur principal de la croissance économique dans notre pays au cours des prochaines années devrait être résolument l’investissement. Comme moteur secondaire, nous allons mener une politique systématique d’élargissement des marchés, que ce soit le marché intérieur, le marché sous-régional ou les marchés internationaux pour la grande exportation » (Cameroon Tribune du 16 juillet 2008, page 8).

Nous devons d’abord insister sur le fait que le DSRP est un produit du FMI et de la Banque Mondiale dont les principes et la doctrine présupposent dans la pratique la constance de primauté de la fonction d’Etat-stabilisateur par rapport aux autres fonctions. Ce document n’est qu’une des pièces à fournir au FMI pour accéder à son instrument de soutien à la politique économique, par nature inadapté pour le Cameroun. En fait, un produit du FMI ne peut en aucun cas devenir comme le prétend le ministre, une stratégie nationale de développement d’un pays normal. Pour accélérer la croissance économique et la création d’emplois, nous notons que le Gouvernement retient comme moteur principal l’investissement et moteur secondaire l’élargissement des marchés. Il est à noter que le concept d’élargissement des marchés est ambigu par rapport à l’action de l’Etat sur l’accroissement de la demande solvable adressée aux entreprises. En tout état de cause cette stratégie duale (deux moteurs) nous semble déséquilibrée et globalement non pertinente.

De notre point de vue, la mutation profonde de l’économie camerounaise peut se faire à travers une stratégie de relance offensive et cohérente basée sur la combinaison stratégique et optimale d’incitations des agents économiques au plein emploi des trois (3) variables (facteurs d’offre en termes de stocks) clés et reconnues comme des sources essentielles de la production ou du PIB : (i) le capital, (ii) la technologie et (iii) le travail. En articulation dynamique à cette combinaison stratégique de base, une action étatique volontariste et intelligible est indispensable pour l’accroissement de trois (3) autres variables (facteurs de demande en termes de flux) reconnues comme des destinations de la production ou sources essentielles du chiffre d’affaires (i) l’investissement, (ii) la consommation qui est la destination essentielle (plus de 70%) de la croissance actuelle et (iii) les exportations. Mais, le préalable est l’autonomie doctrinale, méthodologique et instrumentale de l’Etat qui lui permet d’imposer aux plans conceptuel et opérationnel la primauté de la fonction d’Etat-stratège du progrès économique et social du Cameroun.
A suivre.

Babissakana,
Chairman & Ceo
Prescriptor
Lettre de réforme
Babissakana écrit à Paul Biya
L’ingénieur financier fait des propositions concrètes pour l’orientation future des relations entre le Cameroun et le Fonds monétaire internetional (Fmi)

Source : Le Messager


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