Bol d'air pour fonctionnaires et professeurs au Cameroun
Annoncée mercredi dernier par le Ministre des Finances en personne, la bonne nouvelle
est tout sauf anecdotique : depuis ce matin – et ce n’est pas trahir un grand secret
que de le relever -, fonctionnaires et autres agents de l’Etat font sagement la
queue pour passer à la caisse ; tous quelque peu frileux d’en savoir plus sur l’effectivité
et la consistance des augmentations de salaire décidées par le chef de l’Etat.
Ravis nous aussi de les voir si radieux. Mais du fait d’une certaine opinion nationale
en proie au doute et qui a tôt fait de jeter une pierre dans le jardin des mesures
gouvernementales de lutte contre la vie chère, en insinuant qu’elles étaient inapplicables,
la belle affaire des salariés de la fonction publique semble pourtant laisser à
tout honnête citoyen un sérieux goût de cendres dans la bouche. Parions qu’il en
sera toute autre chose dans les poches. Drôle de pays. Aujourd’hui, chacun en convient
: le Président de la République a tenu parole.
Comme à son habitude. L’engagement
pris dans son message à la nation le 31 décembre 2007 était fondé sur la cohérence
entre un discours, une promesse et des convictions fortes quant à la nécessité d’élever
le niveau de vie et d’améliorer les conditions d’existence des populations : « au
cours des prochains mois, nous allons voir dans quelle mesure les marges de manœuvre
budgétaires nous permettent d’envisager le relèvement progressif des rémunérations
de la fonction publique ».
Le chef de l’Etat avait beau être audible, voire crédible,
son propos, ce jour-là, avait pour certains des accents d’une langue de bois parfaitement
maîtrisée. Même le fait qu’il s’agit là aujourd’hui de la revalorisation la plus
significative des salaires depuis la dévaluation du franc CFA en 1994 n’aura pas
suffi à plaider en faveur d’une juste appréciation de la mesure présidentielle.
Pour autant, nul ne s’y trompe : la République est en fête à travers sa faune dense
de fonctionnaires. C’est chez eux que la bouffée d’oxygène prend tout son sens,
avec son poids de mémoire douloureuse, de sacrifices consentis et de combats en
tous genres.
La nouvelle grille salariale apporte un souffle qui, de toute évidence,
contribue à rendre au fonctionnaire sa dignité et sa fierté.
«
Dans un monde qui change, malheur à celui qui stagne », rappelait Tony Blair il
y a peu. Cela suppose que notre société a le devoir de prendre conscience que les
réformes sont incontournables. Paul Biya
a bien compris que la revalorisation salariale
était devenue une urgence. Elle devenait pressante parce que les camerounais, au
terme de longues années d’efforts couronnées par l’atteinte du point d’achèvement
de l’initiative PPTE, ressentaient déjà comme une sorte de lassitude civique. Il
était urgent d’augmenter les salaires parce que nous sommes face à de sérieux défis
: le pouvoir d’achat, quasiment à bout de souffle, combiné au phénomène planétaire
de la disponibilité des denrées alimentaires, le défi de la compétitivité de l’économie
camerounaise dans la mondialisation et, bien sûr, l’exigence de solidarité à l’échelle
nationale et internationale.
Nul ne sait ce qu’il adviendra demain de ce que le Président de la République considère
comme un jalon dans sa volonté de relever progressivement la rémunération de la
fonction publique. Mais d’ores et déjà, il est édifiant d’observer avec le ministre
des Finances que le scepticisme qui a agité les esprits jusqu’à ce matin n’a pas
lieu d’être, dès lors que tout un chacun admet que « la soutenabilité de cette mesure
présidentielle passe par l’amélioration de la qualité de la dépense, l’augmentation
des recettes de l’Etat sans création d’impôts nouveaux ». Autrement dit, ceux qui
gagnent ou dépensent de l’argent public mettront désormais un point d’honneur à
jouer franc jeu, à faire en sorte que le Cameroun gagne la bataille contre la vie
chère, ou au moins, ne la perde pas. Conscient qu’ils doivent être évalués.
Finissons-en par conséquent avec cette ingénieuse superposition de grosses cylindrées
estampillées CA, de missions fantaisistes à l’étranger, de séminaires à longueur
de semaine et tous autres artifices qui constituent autant de poches de gaspillage
de l’argent public. Tout le monde le sait et chacun le murmure, mais personne n’ose
le dire.
Source : Cameroon Tribune
|