James Mouangue Kobila
Interpellé dans un texte de Martin Ebele-Tobbo intitulé Lavage de Cerveau et Rhétorique du Mensonge, le Dr Mouangue a tenu à répondre par la missive ci-dessous publiée.
Bonjour, Cher frère
J'ai attentivement lu ton texte. Il est très navrant. Je savais déjà que les
controverses hétérogènes entre personnes de professions différentes sont
pénibles. Mais avec toi, c’est le comble.
N'étant pas paresseux comme moi, tu pouvais au moins faire quelques recherches
sommaires sur Internet en entrant le mot "minorités" avant de répandre des
inepties pareilles. Je te trouve plusieurs points communs avec Shanda Tonme
(d'où ton admiration béate pour lui). Vous avez en commun d'écrire sur la base
de ce que votre cœur vous dit, sans références et sans prouver ou même tenter de
prouver ce que vous dites. Techniquement, cela s’appelle de l’endodoctrine. Vous
faites des proclamations: je proclame, tu proclames, il proclame; après on fait
l'addition. Si on voit que dix personnes mal informées ont dit la même chose et
que la personne mieux informée a dit le contraire, on conclut que la majorité
l'emporte.
Je sais que nos frères de l'Ouest, tout comme de nombreux autres Camerounais des
autres régions ont souffert pendant la lutte de libération nationale. Je le sais
d'autant qu'en 1990, j'ai rédigé et soutenu, sous la direction et sous la
présidence du Doyen Maurice Kamto, un mémoire de maîtrise intitulé :
L'indépendance du Cameroun, l'empreinte coloniale. Mais pendant mes recherches,
je n'ai jamais lu quelque part que 500 000 bamilékés ont été assassinés. Je n’ai
plus non plus rencontré la moindre trace historique qui pourrait accréditer
l’idée d’un génocide Bamiléké pendant la lutte de libération nationale.
En revanche, j’ai récemment découvert dans la presse camerounaise (Le Jour, 26
janvier 2009) qu’un certain Bouopda Pierre Kame a publié un livre (De la rébellion dans le Bamiléké)
dans lequel il entreprend de démontrer que « le bamiléké n’a pas été en
rébellion », « les principaux auteurs de la "rébellion" n’étaient pas des élites
connues de l’UPC, n’appartenaient pas à une organisation politique et par
conséquent, ils n’étaient pas nationalistes ». il en conclut que « les acteurs
des troubles enregistrés dans le Bamiléké entre 1957 et 1961 n’étaient pas des
nationalistes de l’Union des populations du Cameroun (UPC), mais bien au
contraire, des individus qui ont profité d’une situation de confusion générale
pour piller et razzier. Des bandits et des violeurs pour tout dire ». J’y ai
aussi lu qu’à l’issue du débat organisé autour de ce livre le 22 janvier à
Yaoundé, en présence d'Anicet Ekane et de Sindjoun Pokam, « les liens unissant
les leaders politiques de l’UPC en exil, donneurs d’ordre présumés, et les
meneurs des casses sur le terrain n’ont pas été illustrés. De même, l’inculture
et l’ignorance de ces casseurs n’ont pas été démenties ».
Chacun est libre d'avoir son point de vue, mais chacun n'est pas libre d'avoir
ses propres faits. La controverse étant une guerre de raisonnement, un combat de
preuves, je commence par te prier de présenter la preuve de cette affirmation en
citant une source crédible précise. Les épanchements émotifs d'Ebele Tobbo ou
la rage qui l’anime ne remplaceront pas les preuves qui lui font cruellement
défaut.
J'espère que tu ne me citeras pas les verbiages de Shanda Tonme qui écrit
partout qu'il n'y a que 5% de Bamilékés dans tous les grands corps de l'Etat et
qui, tout en se disant juriste, vient encore de se fourvoyer dans sa sortie sur
Elecam qui a permis à chacun de constater qu'il ne sait même pas comment on
attaque un acte administratif en justice au Cameroun, pays qu'il dit mieux
connaître que quiconque (Voir le Quotidien
Le Jour).
Etant enseignant du supérieur, et intervenant à l'Université de Dschang, je peux
t'informer que plus de 80% des enseignants de cette Université sont de l'Ouest.
Si l'on ajoute les contingents de Douala, ceux des deux universités de Yaoundé,
de Ngaoundéré et désormais de Maroua, tu pourras évaluer les propos de ton ami
et héros Shanda. Renseigne-toi un peu. Tu apprendras aussi que lors des derniers
recrutements à l'Université de Dschang 100% des 10 enseignants recrutés sont de
l'Ouest. Dans la classe de DEA à Dschang, depuis toujours, 95% des étudiants
sont de l'Ouest. Regarde aussi la coloration ethnique des étudiants de l’UIT
Fotso Victor à Bandjoun, pour s’en tenir à ces quelques exemples. Ce sont des
faits historiques vérifiables. Je ne m'en plains pas. Mais cela montre la
malhonnêteté de ton maître Shanda et la manière dont ensemble, vous subornez les
consciences des camerounais.
Ta honte sera grande une fois que ton texte sera lu par quelqu'un qui a
seulement pris la peine de lire mes articles récents dans la presse et sur
Internet, ainsi que les débats qui se sont déroulés sur www.bonaberi.com. En y
ajoutant la lecture de mon article scientifique sur le droit de participation
politique des minorités et des peuples autochtones au Cameroun publié par la
Revue française de droit constitutionnel
(n° 75 juillet 2008), on comprendra que tu es le genre d'ingénieur des mines qui
engage une discussion avec un chirurgien sur la meilleure façon d'opérer un
malade. Ayant été journaliste politique, et venant de suivre assidument la
campagne de Barack Obama qui s'est entouré de 300 conseillers avant de se lancer
dans sa tournée internationale, je sais qu'un homme politique doit consulter des
experts ou du moins "ses" experts avant de prendre position sur un sujet
quelconque. Je veux bien te considérer comme un homme politique: alors qui as-tu
consulté avant de réciter pompeusement les inepties de Shanda Tonme sur les
minorités?
D'abord, comment se fait-il que tu prétendes travailler aux Nations Unies et que
tu ignores le travail qui se fait dans cette institution pour la protection des
minorités et des peuples autochtones? Tu me rappelles un autre suborneur des
consciences qui a écrit dans la Revue
juridique de l'Afrique (sa revue) que "le mot "autochtone" n'est même pas un
terme juridique", alors que les critères d'identification des peuples
autochtones figurent dans la convention n° 169 de l'OIT adoptée le 27 juin 1989,
alors que le Groupe de travail sur les populations/peuples autochtones était à
l'œuvre aux Nations Unies depuis huit ans et que le terme "autochtone" est
circonscrit dans le Dictionnaire de droit international rédigé sous la direction
de Jean Salmon, le « Pape » du droit international en Belgique. J’espère que la
sortie désormais très prochaine de mon livre sur
La protection des minorités et des peuples
autochtones au Cameroun te donnera une autre perspective.
Tu es vraiment triste avec tes propos débiles. J'ai éprouvé une profonde pitié
pour toi à la lecture de ton papier. Passe encore que tu ne comprennes rien au
Cameroun et que tu prennes les balivernes de Shanda Tonme pour vérité
d'évangile. Ce n'est pas grave. C'est le propre de la majorité des Camerounais
qui vivent à l'étranger. Pour se consoler des souffrances de l'exil et de
l'éloignement, ils se plaisent à dire qu'ils ont laissé le déluge derrière eux
et que rien ne marche au Cameroun. Mais au moins tu devrais comprendre quelque
chose à l'activité de ton employeur, les Nations Unies!
J'ai déjà compris que pour des leçons de méritocratie et d'excellence, je dois
trouver d'autres maîtres que toi. Mais avant d'écrire d'autres bêtises, que ce
soit en économie ou en géographie, je te conjure de faire un geste simple, tape
ton sujet sur Google, sur Europages ou sur tout autre moteur de recherche. Vous
avez Internet aux Nations Unies, il faut en profiter. Tu auras au moins des
renseignements de base.
Bonne Année et surtout, bonne révolution intérieure. Jésus l'a dit: enlève
d'abord la poutre de ton œil, tu verras alors assez clair pour enlever la paille
de l'œil du voisin.
James Mouangue Kobila
Mouangue2001@yahoo.fr
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