Au marché mokolo de Yaoundé, il est 8h ce samedi 18 juillet 2009, et l’affluence est au rendez-vous. Chacun essaie de se frayer un chemin parmi la foule dense. Mérimé, un jeune revendeur de 30ans et ses collègues sont ici depuis 6h30. Ils se retrouvent deux fois par semaine au lieu dit « bateau » pour assister à l’ouverture des ballots de friperie. Lorsque le ballot de friperie est ouvert, on parle de « déballage ». La friperie qui est vendue ici, arrive au Cameroun par bateau en provenance de l’Occident, d’où le nom de ce marché. Surnommé « aboré » dans le jargon de Yaoundé, la friperie est un vêtement déjà utilisé et revendu à vil prix.
On trouve un peu de tout dans l’ « aboré » : vêtements, sous-vêtements, toges, soutanes, chaussures, jouets, ustensiles de cuisine, produits de beauté, livres, rideaux, tapis , moquettes et autres objets décoratifs. Il y en a également pour tous les genres et toutes les catégories sociales : hommes, jeunes filles, femmes enceintes, enfants, sportifs, ménagères, classe moyennes, hauts cadres…etc. Les personnes rencontrées au marché de mokolo ce samedi, parlent de leur motivation. « Je préfère la friperie car les prix sont bas et la qualité est meilleure que les vêtements neufs qu’on trouve dans les magasins », dit Brigitte une cliente.
La vente de friperie se fait à plusieurs niveaux en fonction du capital de départ. Les commerçants les plus fortunés sont grossistes. Ils achètent des conteneurs de friperie en Europe. Une fois la marchandise dédouanée, les grossistes la vendent aux déballeurs. Il s’agit de ceux qui achètent un ou plusieurs ballots. Le prix du ballot varie de 150.000 à 200.000 Fcfa. Les déballeurs ouvrent le ballot au marché et vendent à leur tour aux trieurs. Il s’agit de ceux qui sélectionnent les vêtements. Parmi les trieurs il y a également des sous-catégories.
Les vêtements les moins abîmés sont appelés « premiers choix ». Ils sont achetés assez chers par les plus grands trieurs. Après la vente des premiers choix, le déballeur a généralement déjà récupéré son capital de départ. Le prix d’une chemise premier choix varie de 5.000 Fcfa à 15.000 Fcfa et parfois plus s’il s’agit d’une marque très connue telle que « Chanel, Louis Vuitton ou Calvin Klein » par exemple. Pendant le triage, les plus chanceux tombent sur des diamants à savoir des vêtements neufs. Ce sont des fins de séries et des invendus des grands magasins européens. Ces diamants sont vendus plus chers que des vêtements qu’on trouve en boutique et pour cause : « ce sont des vêtements originaux. Alors que tout ce qu’on trouve dans les magasins en ville sont des contrefaçons », précise Mérimé. Une chaussure diamant coûte minimum 50.000 Fcfa et les clients se les arrachent. Une fois le premier choix effectué et les diamants sélectionnés, les déballeurs réservent les « bombes », c’est-à-dire les vêtements de mauvaises qualités, aux revendeurs qui n’ont pas un grand capital. Ces bombes sont revendues à très vil prix sur le marché. Ce sont des vêtements déjà délavés et parfois troués. Des « chemises bombes » peuvent se vendre à 1.000 Fcfa, parfois 500 ou même 200 Fcfa en fonction du degré de détérioration du vêtements.
Après le triage, les revendeurs s’en vont étaler leur marchandise dans leurs lieux de vente habituelle. Parmi eux se trouvent des ambulants et des stables. Chaque stratégie a ses avantages et ses inconvénients. « Lorsqu’on est ambulant, on fait plus de recettes car on va vers les clients. Mais ces clients on parfois peur car ils pensent qu’il s’agit d’habits volés. Par contre, lorsqu’on a un comptoir bien défini, le client est plus confiant. Malheureusement, les ventes diminuent car les clients n’ont pas toujours le temps de venir acheter sur place. De plus, il y a trop de taxes : la mairie, l’impôt libératoire, l’occupation temporaire de la chaussée, les services d’hygiène…etc. On est obligé de vendre un peu plus cher pour s’en sortir », dit Mérimé.
Mérimé est trieur depuis 4 années. Après une licence en chimie, il a choisi cette option faute de mieux. Il se dit néanmoins satisfait de ses revenus et compte changer de statut très bientôt. « J’ai commencé le triage avec 20.000 Fcfa et j’ai déjà suffisamment d’argent pour pouvoir payer mon propre ballot. Avec la friperie, je m’occupe de ma femme, de mes deux enfants et de la scolarité de mon dernier petit frère », dit-il fièrement. Comme Mérimé, la filière de la friperie nourrit beaucoup de personnes et de familles au Cameroun.
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