Tout jeune footballeur rêve de l'Europe
Après le rêve de l'immigration en Occident, le rêve du Football
"Nous vous donnons l'occasion de jouer au plus haut niveau en Georgie, au Qatar,
en Arabie saoudite, en Turquie, au Mexique, en Argentine. Contactez...".
Plutôt que d'utiliser le bouche à oreille, nous partons de cette annonce, publiée
il y a plusieurs semaines dans un quotidien camerounais pour nous mettre dans la
peau d’un parent en quête d’un club professionnel de foot pour son enfant. Nous
contactons Marcel (prénom d'emprunt), l'auteur de l'annonce.
La rencontre a lieu dans un bar où l'homme se consacre à cette activité pendant
son temps libre, car il n'a pas de bureau attitré.
Les présentations sont rapides.
"Nous avons déjà fait partir plusieurs jeunes qui gagnent bien leur vie en Occident.
Ils ne manquent pas de revenir ici nous remercier. Seulement, il faut être patient",
prévient Marcel. Notre interlocuteur s'intéresse ensuite à l'âge, à l'expérience
et au poste du gamin. Si vous pouvez vous arranger pour qu'il ait 20 ans, c'est
bon, dit-il en substance, sans visiblement savoir que la plupart des clubs pros
étrangers vérifient désormais systématiquement par des examens médicaux l'âge réel
des jeunes qu'on leur envoie.
Vidéo truquée, test sans lendemain
Selon Marcel, le jeune ayant déjà évolué dans un club
reconnu par une fédération doit disposer d'une lettre de libération de son ancienne
structure. Le gamin qui n'a jamais été engagé a la tâche encore plus aisée. "Nous
le ferons participer à un match au cours duquel une caméra, spécialement braquée
sur lui, le filmera. Cette vidéo sera présentée aux potentiels clubs recruteurs",
nous explique-t-il. Pour l'organisation du match avec des joueurs d'une équipe de
première division nationale et la réalisation de la vidéo, le parent doit débourser
50 000 Fcfa (75 €). Dans l'affaire, les qualités footballistiques du petit sont
secondaires : "Nous nous arrangerons pour que le montage ne retienne que les éléments
en sa faveur et qu'il puisse faire son essai à l'étranger. Mais, cela ne signifie
pas qu'il sera retenu par le club pro. Nous n’aimerions pas être traînés dans la
boue après, pour avoir trompé qui que ce soit !", prévient notre rabatteur
qui évoque d'anciennes menaces
Marcel affirme travailler avec des agents de joueurs agréés par la FIFA (Fédération
internationale de football association). À l'en croire, ce sont eux qui seraient
chargés de rechercher des clubs de placement à l'étranger. Toujours d'après lui,
une fois le contact établi, le jeune serait invité à y aller faire des tests. D'après
des spécialistes, seule une proposition sur 100 de ce genre émane d'un club professionnel…
Dans ce cas, c'est en général le club qui paye le billet d'avion (aller/retour)
contrairement à Marcel qui demande qu'on lui remette une forte somme lors d'un prochain
rendez-vous. "Si votre gars est vraiment bon et qu’on peut facilement lui trouver
un club, alors vous n'aurez pas grand-chose à nous donner. En fonction des pays
où il sera retenu pour le test, nous réclamons environ 3 millions de Fcfa (plus
de 4 500 €)", annonce-t-il sans broncher, alors que le prix du billet d'avion
Douala-Paris dépasse rarement 1 000 €. Et peu lui importe le sort du jeune si l'essai
n'est pas concluant – si tant est qu'il y ait effectivement essai.
Fin de l'entretien. "Notre fils" ne se retrouvera pas, comme tant d'autres, sans
ressources ni avenir dans un pays inconnu…
La Maison du footballeur africain
Freiner
l'exode précoce des jeunes footballeurs africains. Tel est le but de la Maison du
footballeur africain (MFA), créée en 2005 au Cameroun, à Yaoundé et Douala, par
Culture foot solidaire. "Nous ne sommes pas là pour empêcher les jeunes de devenir
professionnels, mais il faut qu'avant de partir ils soient matures. Ce n'est pas
le cas aujourd'hui", précise Pierre Ngassa Mbadi, chef régional du projet.
L'association enregistre ainsi gratuitement les dirigeants et les jeunes des clubs
locaux. Pour le moment, 120 écoles de foot camerounaises en sont membres. "Nous
avons ainsi une traçabilité du joueur tout au long de sa carrière", explique-t-on
à la MFA. Une plus grande transparence qui profite aussi aux clubs locaux formateurs,
qui, d'après le règlement de la FIFA , reçoivent des indemnités des clubs professionnels
étrangers quand un de leurs jeunes signe un contrat.
La Maison du footballeur africain organise aussi des ateliers et des débats avec
les dirigeants de clubs, les jeunes et leurs familles. "Pour qu'un jeune sorte du
pays, son parent participe toujours. C'est lui qui signe l'autorisation parentale.
Il est donc un personnage central dans la lutte contre l'exode du jeune sportif",
insiste Pierre Ngassa Mbadi. La MFA met également en place des compétitions pour
les jeunes et des stages de mise à niveau pour les encadreurs et les arbitres.
Contactée de temps à autre par des recruteurs, elle se refuse par contre à jouer
un rôle d'intermédiaire entre ceux-ci et les joueurs de peur d'être cataloguée comme
"vendeuse de jeunes"
Source :
Icicemac
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