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Cameroun - Coupeurs de route : Terrain conquis dans le Mayo Kani
(17/11/2008)
Ce département de la région de l’Extrême Nord s’illustre ces derniers temps par une recrudescence des actes de prise d’otages qui exigent des éleveurs des rançons exorbitantes à des populations meurtries par la pauvreté et la misère.
Par Le Messager (Georges Alain BOYOMO et Jacques KALDAOUSSA )
Bergers et commerçants payent le prix fort

Les coupeurs de route sévissent au Nord Cameroun
Les coupeurs de route sévissent au Nord Cameroun
En l’espace d’un an, Kaélé et d’autres localités du Mayo-Kani sont devenues le champ de prédilection des coupeurs de route et autres preneurs d’otages sans foi ni loi. La forêt épaisse et le relief relativement plat contribuent beaucoup à la prospérité de l’activité des ravisseurs. Cette pratique relativement nouvelle dans la localité a pris des proportions inquiétantes avec les prises d’otages sporadiques en début d’année 2008. Les populations ont géré ces incursions la mort dans l’âme en payant les rançons régulièrement exigées des assaillants. "Il y avait au moins une fréquence de deux à trois prises d’otages par mois, mais les gens ont su gérer sans attirer l’attention des forces de maintien de l’ordre. Mais depuis que les malfrats ont vu que l’affaire est juteuse, ils doublent le nombre d’otages et partant la valeur de la rançon allant même jusqu’à une dizaine de millions", témoigne un habitant.

"Les prises d’otages sont fréquentes dans le département mais les pouvoirs publics et les forces de maintien de l’ordre interpellés par les victimes ont cru à un bluff. Depuis qu’ils ont multiplié les rapts et augmenté les rançons, c’est maintenant qu’ils essaient de se pencher sur le problème alors que le phénomène a pris une grande ampleur", explique Younoussa Mal Dairi, le maire de la commune de Guidiguis, un arrondissement du Mayo Kani qui partage une longue frontière avec le Tchad voisin et qui reste aussi sous la menace des preneurs d’otages.

De Midjiving à Taïbong en passant par Guidiguis et autres localités où l’élevage bovin prospère, les preneurs d’otages dictent leur loi dans tous les coins et recoins du département du Mayo Kani. La pratique voulant que les paisibles bergers ou les membres de la famille de riches propriétaires de bétail soient pris en otage contre une forte rançon pour leur libération. Ces malfrats bénéficiant inéluctablement de la complicité des indics, tapis dans l’ombre et vivant même au sein de la population cible. Une fois la rançon versée, les informateurs peuvent alors percevoir leur commission.


Une frontière suicidaire avec le Tchad

Ainsi, en mai 2008, 10 otages ont été froidement exécutés par leurs ravisseurs à la frontière tchadienne de la localité de Mbrodong, arrondissement de Taibong dans le Mayo Kani. Lesquels, las d’attendre la rançon qui tardait à être versée à temps et se sentant filés, sont purement et simplement passés à l’acte d’exécution.

Un signal fort en direction de ceux qui ne croyaient pas encore à la réalité de la menace. A partir de ce moment, les forces de l’ordre sentant la menace réelle ont jugé utile de doubler les éléments du Bataillon d’intervention rapide (Bir) qui se chiffrait jusqu’ici à quatre dans tout le Mayo Kani, postés d’ailleurs sur la nationale n°1 Magada-Yagoua alors que le théâtre des opérations était les coins reculés des centres urbains, soit le long de la frontière Tchad Cameroun.

D’ici les malfrats pouvaient facilement rejoindre l’autre bord sans être inquiétés en cas de coups fourrés. Il faut ajouter à cela les descentes de routine des éléments de la brigade de gendarmerie. En début d’octobre dernier, une cache d’armes est supposée avoir été dans la localité de Mizao situé dans le canton de Midjiving, à quelque 26 kilomètres de Kaélé. Grâce aux renseignements exploités par le commandant de brigade de gendarmerie du Mayo Kani, le regretté capitaine Leinuyi Tah Felix.

Mizao. La localité querellée étant une zone par excellence de bons pâturages, beaucoup de bergers y paissent leurs bêtes. D’où l’intérêt des malfrats en quête de butin. Le 28 octobre 2008, le commandant de compagnie du Mayo Kani, le capitaine Leinuyi Tah Félix trouvait la mort au cours d’un opération de quadrillage de la zone d’action des ravisseurs dans la localité de Djagara, non loin de Mizao, en compagnie de six gendarmes, ils tentaient de libérer six otages retenus par leurs ravisseurs contre une rançon de six millions de francs Cfa. Il s’agit là de quelques cas flagrants à côté de ceux qui sont passés sous silence par les populations par peur de représailles.

Complicité des chefs traditionnels, guéguerre gendarmerie contre Bir

Malgré tous les efforts, l’activité prend des proportions inquiétantes. On évoque entre autres raisons de l’échec des forces de l’ordre le manque d’une stratégie efficace, adaptée aux localités concernées. "Je crois qu’il y a une certaine cacophonie au niveau des différents intervenants dans la lutte contre le grand banditisme au Nord. Il faudrait par exemple une certaine synergie entre les éléments de la gendarmerie et ceux du Bataillon d’intervention rapide (Bir). A partir du moment où c’est chaque corps qui opère de son côté, on ne peut envisager un bon résultat", déplore un gendarme en poste à Maroua. Les divergences de vue et d’approche s’agissant de la découverte d’une cache d’armes à Mizao sont à mettre sur le compte de cette guéguerre gendarmerie contre Bir.

Il y a aussi un déficit d’éléments. "Pour un département comme le Mayo Kani qui partage une longue frontière avec le Tchad voisin d’où semblent provenir ces malfrats, on n’y déploie que quatre à six hommes. Il y a lieu de s’inquiéter si l’on veut de bons résultats. Surtout que ce sont des gangs de 15 à 20 personnes qui y opèrent. Que peuvent bien faire quatre à six gendarmes ou éléments du Bir devant une armée de coupeurs de route et surtout avec quel matériel ?", s’interroge un autre homme en uniforme. Les descentes sporadiques de quelques éléments ne suffisent donc pas à côté de malfrats dont l’ardeur semble être soutenue par la valeur de la rançon qui se chiffre généralement à coups de millions.

Autre élément d’échec de nos forces de maintien de l’ordre, la complicité morbide des populations et surtout des chefs traditionnels, véritables protecteurs de coupeurs de route. "Certains chefs traditionnels ont même des gangs qu’ils renseignent. Puisqu’ils maîtrisent les grandes bergeries et les riches éleveurs capables de verser aussi immédiatement la rançon. Sinon comment comprendre que des ravisseurs venus de loin n’ont aucun mal à mettre le grappin sur les otages dont les parents sont fortunés ?", s’exclame un gendarme retraité, ayant fourbi ses armes dans ce coin.

C’est peut-être ce qui justifie l’empressement du secrétaire d’Etat à la défense à élargir la séance de travail avec ses collaborateurs aux autorités traditionnelles, lors de sa visite de 72 heures dans l’Extrême Nord du 5 au 7 novembre 2008. Jean Baptiste Bokam a sommé les chefs de premier et second degré des localités parcourues (Mora, Moutourwa, Midjiving, Kaélé Taibong) de collaborer efficacement avec les forces de l’ordre pour venir à bout de l’insécurité qui règne dans leur territoire de commandement.

Cette connexion mafieuse des chefs traditionnels avec les coupeurs de routes est de plus en plus avérée. En témoigne le suicide l’année dernière du Lamido de Boukoula dans le Mayo Tsanaga. Sa complicité avec des coupeurs de route ayant été mise à nue et se voyant dans le collimateur du Bir, le chef traditionnel a préféré se donner la mort pour éviter un majestueux affront. L’exploitation des messages contenus dans son téléphone portable avait permis de mettre le grappin sur trois redoutables coupeurs de route. "On connaît la connexion de plusieurs chefs traditionnels avec des malfrats, mais comme on n’a pas les preuves matérielles suffisantes contre eux, on ne peut pas les interpeller comme ça. Mais nous les filons méticuleusement", affirme un agent de la compagnie de gendarmerie du Mayo Kani. C’est d’ailleurs pour cette raison que les responsables de la gendarmerie hésitent à interpeller le Lamido de Midjiving dont dépend le village Mizao.

Source : Le Messager


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