Mobilisation tous azimuts
L’impressionnante mobilisation observée au lancement de la campagne, était déjà
indicative des enjeux. Les résultats, à la fin, ont révélé les dures réalités de
notre système électoral.
Les dernières élections municipales partielles ont livré leurs vérités.
Les partis politiques ont pris très au sérieux la conquête de seulement six
communes. Sur les 370 que compte le Cameroun. Le Rassemblement démocratique du
peuple camerounais (Rdpc) a déployé sur le terrain plusieurs centaines de cadres
pour épauler les responsables locaux.
L’opposition aussi. Pour assurer la victoire du parti présidentiel dans les deux
communes de l’Extrême-Nord, notamment à Mogodé (Mayo Sava) et à Pette (Diamaré),
le parti a requis les services des personnalités comme Hamadou Ali, vice premier
Ministre, ministre de la Justice garde des Sceaux, de Cavaye Yeguie Djibril,
président de l’Assemblée nationale, Sali Dahirou du bureau politique, ou Ibrahim
Talba Mala… On peut imaginer les moyens financiers, matériels et humains qui
accompagnent les déplacements et les séjours de telles personnalités.
En face, malgré les moyens modestes, l’Union nationale pour la démocratie et le
progrès (Undp), et l’Alliance nationale pour la démocratie et le progrès (Andp),
ont respectivement retenu comme chefs de file, Bello Bouba Maïgari et Hamadou
Moustapha, tous présidents nationaux de leurs partis et ministres de Paul Biya.
La bataille a ainsi opposé le parti au pouvoir à deux partis politique de
l’opposition qui ont la particularité d’appartenir à la mouvance présidentielle.
Dans le département du Haut Nkam, Jean Bernard Sindeu, ministre de l’Eau et de
l’Energie et Christophe Eken, président de la Chambre de commerce, ont conduit
l’équipe du Rdpc. Ils ont été de temps en temps appuyés par des cadres du parti,
comme le vice-premier ministre chargé de l’Agriculture, Jean Kuete, Madeleine
Tchuinte du ministère de la Recherche scientifique et de l’Innovation, ainsi que
toutes les fortes têtes du parti, originaires de la province de l’Ouest.
A Matomb (Nyong et Kelle), Cathérine Bakang Mbock des Affaires sociales a été
fortement soutenue par le secrétaire général adjoint du Rdpc, Hamadjoda
Adjoudji. Tout ce monde, pour avoir le dessus sur Augustin Frederic Kodock de
l’Upc qui a cru en la victoire de son parti, jusqu’à la dernière minute.
L’une des plus fortes mobilisations de ces partielles a été enregistrée à
Douala. Presque tous ceux qui sont passés ailleurs, ont défilé à tour de rôle
dans la capitale économique, à première vue, pour galvaniser les troupes de
Françoise Foning le maire sortant de la commune de Douala et ancien député. Mais au fond aussi, pour tenter
d’éteindre le feu qui brûle dans la famille Rdpc de Wouri-Est. Le souci de
sensibiliser les électeurs étant apparemment secondaire. Le Sdf en face a battu
le rappel de ses troupes (cadres et élus) conduites par le président national,
Ni John Fru Ndi. Le ministère de l’Administration territoriale et de la
Décentralisation a pourtant fait l’effort, cette fois, d’acheminer le matériel
électoral à temps, et a fourni de l’encre indélébile. Ce qui a rendu les votes
multiples plus rares.
La révolte des électeurs
Le plus fort taux de participation à ces élections a été enregistré à
Bana. Plus de 60%. C’est aussi là que le Rdpc a raflé la mise par plus de 80%,
face au Sdf. Dans les communes de Pétté et
de Mogodé, le taux de participation se situe autour de 50% des inscrits. Bien
maigre pour une région où une certaine tradition aux bases fragiles, prête aux
électeurs un “ comportement électoral moutonnier ”. C’est presque la même
participation dans la commune de Matomb. A Bafang où les électeurs se sont
passablement mobilisés, la situation demeure trouble. Le record d’abstention,
sans conteste, est enregistré à Douala V. Moins de 12% des électeurs inscrits se
sont donnés de la peine d’aller voter. Sur 150 000 inscrits, seuls 20 000 ont
accompli leur devoir électoral. Eloquent. Dans une commune qui compte près d’un
million d’habitants.
Principales leçons à tirer une fois de plus de ces consultations, l’abstention.
Parce que manifestement, l’électeur ne croît plus à la valeur du bulletin de
vote. Les événements, une fois de plus, lui ont donné raison. A la veille du
scrutin, le Sdf a découvert ce qu’il a considéré comme une
liste frauduleuse d’électeurs qu’il a portée à l’attention des autorités
compétentes. Une accusation que le Rdpc a aussitôt rejetée. Mais qui est de
nature à décourager ceux des rares électeurs qui espéraient que le scrutin
pourrait se débarrasser de ses tares. Le jour du vote, l’on a encore surpris des
“ mercenaires ” se baladant avec plusieurs cartes d’électeurs, après avoir perçu
de modiques commissions de leurs commanditaires fraudeurs. Comme si cela était
une malédiction, des présidents de bureaux de vote ont encore réussi à falsifier
des procès-verbaux. L’Union des populations du Cameroun a fait dresser des
procès verbaux de constat d’huissier sur des cas de corruption à ciel ouvert à
Douala V.
3- Entre protestation et résignation
Les perdants de Mogodé et Pétté (Undp et Andp) qui ne se sont jamais
doutés de leur popularité dans la région, aux dernières nouvelles, ont concédé
la victoire aux forceps au Rdpc. Même attitude à Matomb, malgré les grincements
de dent de l’Upc. A Bana, aucune contestation face à la razzia du milliardaire
Joseph Kadji Deffoso devant son frère et adversaire du Sdf. Mais tout à côté, à
Bafang, la résistance est farouche. Pierre Kwemo, vice-président du Sdf et
ancien vice président de l’Assemblée nationale, ne parvient pas à digérer ce
qu’il continu d’appeler “ un holp-up électoral ”.
Depuis la publication des résultats, ses partisans n’ont pas arrêté de
manifester bruyamment dans les rues de Bafang, pour protester contre le verdict
de la commission communale de vote donnant une “ courte et suspecte victoire ”
au Rdpc. C’est la seule localité où les municipales partielles ont été
particulièrement agitées. Elle l’ont apparemment été à Douala V. C’est là
surtout que les plus grandes irrégularités ont encore été enregistrés.
Aujourd’hui, le Sdf va à nouveau déposer à la chambre administrative de la Cour
suprême un recours en annulation du scrutin du 26 octobre. Même intention du
côté de l’Upc. Et les arguments ne manquent pas. Ce qui n’est pas loin d’être
une honte pour la démocratie camerounaise. Source : La Nouvelle Expression
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