Anicet Ekane
Vous venez de démissionner du comité national de coordination du MANIDEM.
Quelles sont les raisons qui vous ont poussé à prendre cette décision ?
Fondamentalement, c’est un réaménagement de notre ordre de bataille. Il
était plus judicieux pour le parti que je laisse la direction de ce parti. Cela
va régénérer le fonctionnement du parti, susciter et promouvoir l’éclosion de
nouvelles personnalités. Cela va plus facilement aguerrir la direction qui
aurait pu souffrir d’une présence trop marquée de ma personnalité à la tête du
parti.
Quelles leçons voulez-vous administrer à toute la classe politique africaine en
général et camerounaise en particulier qui fait de la démission à un poste de
responsabilité toute une exception ?
Il faut que les Camerounais et les Africains se fassent à l’idée que ce
qui se fait là fait aussi partie de la démarche du MANIDEM. Nous sommes toujours
à l’avant-garde et nous devons toujours l’être au niveau de notre parti pour
tout ce qui se fait de bien dans ce pays. Nous n’avons pas démissionné dans le
but d’administrer une leçon à qui que ce soit, mais c’est pour les besoins de la
lutte, pour le changement dans ce pays. Néanmoins, cela montre que les partis
politiques peuvent se passer d’une présence trop marquée de leaders pour pouvoir
atteindre les objectifs que se fixent ces partis. Il faut également que les gens
s’accommodent des valeurs démocratiques à l’intérieur de leurs partis et non
s’accrocher aux individus.
Il y a une certaine opinion qui pense que votre démission de la présidence du
MANIDEM cache votre volonté de rallier les rangs du parti au pouvoir pour
soutenir son candidat à la prochaine élection présidentielle.
C’est forcément une très petite proportion de l’opinion qui ne connaît
pas suffisamment l’histoire du MANIDEM ou de mon parcours politique. Je suis
rentré en politique en 1973 lorsque ce n’était pas très évident. ça m’étonnerait
que beaucoup de Camerounais pensent ainsi. Nous avons voulu démontrer que nous
aimons ce pays et que pour nous, la politique au MANIDEM est toujours écrite
avec des lettres en or. Bien au contraire, moi, j’ai toujours la conviction que
cette mise à disposition de ma personnalité sera bénéfique pour toute la
démarche du changement au Cameroun. Je vais m’y consacrer, surtout que je n’ai
plus de responsabilités partisanes. Les problèmes des Camerounais sont nombreux
et je vais m’atteler à en apporter des solutions à la limite de mes
possibilités. Je vais animer avec toute mon énergie le combat pour l’alternance
dans ce pays. Bien au contraire, il faut penser que la lutte pour le changement
va être dopée.
Vous quittez le MANIDEM ou simplement la présidence de ce parti ?
Je demeure toujours militant du parti. On milite à la base et je peux
toujours occuper des responsabilités à la base. Je me suis toujours occupé des
problèmes sociaux, des problèmes des Camerounais. Maintenant que je n’assume
plus totalement les fonctions à la direction du parti, je vais certainement être
plus disponible à entreprendre des actions en direction des Camerounais pour
participer à leur mobilisation, à leur encadrement, pour les échéances à venir.
Les Camerounais peuvent compter sur moi, du moins ceux qui veulent que la
situation s’améliore.
Est-ce la perspective de la future élection présidentielle qui vous a amené à
quitter la direction de votre parti avant la fin de votre deuxième mandat ?
Nous ne sommes pas hantés par l’élection présidentielle. C’est une
conjonction d’évènements, une conjonction de faits, une kyrielle de démarches,
de motivations qui amènent les gens à choisir tel ou tel candidat. Cette mise à
disposition n’est pas totalement liée aux prochaines échéances présidentielles.
D’ailleurs, le parti n’a pas encore dit de façon explicite sa position par
rapport à cette élection. Donc, je ne peux pas vous en donner la primeur, encore
que le candidat du parti, s’il y en a un, n’est pas forcément le président du
parti.
Quel bilan faites-vous à la tête du MANIDEM 4 ans après ?
Ce que nous avons fait de formidable est d’avoir installé la marque,
l’estampille du MANIDEM dans le
paysage politique de ce pays. C’est ce qui apparaît comme une organisation qui
fait de la politique autrement. Il y a déjà un label Manidem et nous allons
continuer de le formaliser, à le structurer, et à le spécifier. C’est l’un des
aspects du bilan. Nous avons installé aussi une certaine proximité avec les
problèmes sociaux des populations, la politique dans son champ véritable,
résoudre les problèmes des Camerounais. Ce n’est qu’avec nous que la politique,
l’économie, les droits de l’Homme et autres s’entremêlent de façon à créer une
symbiose pour une dynamique politique. Enfin, nous avons installé, par cet
épisode que nous vivons, une autre mentalité dans le paysage politique
camerounais.
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