Albert Dzongang en réunion
Quels commentaires vous inspirent les arrestations d'anciens ministres et autres hauts responsables ces derniers jours ?
Je vois des gens, qui jubilent…Et je me dis qu'à chaque fois qu'on désigne quelqu'un comme étant responsable des misères du petit peuple, On dit bravo. De quoi a besoin ce peuple ? De se nourrir, se vêtir, et se soigner en priorité.
Les arrestations ont-elles apporté de l'argent pour la scolarité aux parents ou la ration pour alimenter les familles dans les quartiers ? Le peuple veut que l'on ramène dans le pays, l'argent qui a été spolié, pour qu'il en jouisse. Les arrestations sont spectaculaires et bruyantes. Mais qu'est-ce qu'elles rapportent ? Si les gens ont volé de l'argent, il faut le récupérer. Ce qui est écoeurant, c'est que plusieurs individus ont depuis longtemps, été repérés comme étant des pilleurs. On leur a laissé le temps de dissimuler leur argent, ou alors de corrompre ceux qui leur apporteront secours au moment de la reddition des comptes. On a un effet psychologique, c'est peut-être que l'on sait désormais que l'époque des impunités est révolue.
Une certaine opinion voit dans ces arrestations des règlements de comptes à forts relents politiques. Quel est votre avis ?
A chaque fois qu'il n'existe pas de réponse claire à une question, on se permet de supputer. Quand on a arrêté Etondè, je me suis rapproché du dossier. L'une des choses qu'on lui reprochait, c'était une somme de 500 millions de francs payée à M. Tanko de Bonaberi. M. Tanko a témoigné par voie d'huissier, au sujet de la légalité des prestations…Dans le dossier du port, les membres du conseil d'administration ont avoué avoir touché leur part. Ils sont toujours en liberté… Quand on regarde tout cela, on se pose des questions. Il faut que la justice regarde bien les dossiers, pour ne pas donner l'impression justement, qu'il ne s'agit que de règlements de comptes. Regardez autours de nous : tous ces gens qu'on appelle les fournisseurs, qui sont des super milliardaires, et que personne n'inquiète… Les sommes détournées ne vont pas que dans les poches des gestionnaires. Elles sont aussi chez les fournisseurs. Si l'on doit faire le ménage, il faut que ce soit propre. Nous avons des renseignements, nous voyons tous ces gens qui se sont enrichis du jour au lendemain, grâce à une relation devenue ministre ou Dg... Autour de tous ces gens arrêtés, gravitent des prête-noms, des démarcheurs, qui eux aussi sont immensément riches. Mais tout ce que je vois là ressemble à du déjà-vu : Edzoa Titus, Atangana Thiery ( qui construit des immeubles depuis la prisonj), Engo, Mounchipou…Depuis , on ne voit pas vraiment ce que ces arrestations ont apporté au peuple, sauf que l'on met des nouveaux, qui eux aussi se livrent au même exercice.
Jusqu'où peut aller M. Biya ? Il y en a qui disent qu'il est en train de scier la branche sur laquelle il est assis…
Les Camerounais ont perdu la notion de président de la république. C'est lui qui nomme et qui dégomme. Il peut décider ce matin de mettre tout le monde à la porte et de reprendre de nouvelles personnes. Chez nous en Afrique, le chef est chef. Et s'il a peur de ses sujets, tout ce qui lui reste, c'est d'abdiquer. Si on en est arrivés là, c'est parce qu'une espèce d'impunité s'est installée, on se dit : untel l'a fait, il ne lui est rien arrivé, pourquoi pas moi ? Il suffit d'ouvrir les yeux, de voir ces maisons effrayantes…Je suis prêt à aider M. Biya s'il le veut bien. S'il veut reconquérir la confiance des Camerounais, M. Biya doit aller jusqu'au bout de la logique d'assainissement. J'ai entendu dire que certaines des personnes arrêtées n'avaient plus d'argent, qu'elles avaient tout mangé. Mais on ne mange pas des milliards ! Ils sont bien quelque part, en liquide, en actions, en objets. Si j'étais à la place du président, je convoquerais chez moi toutes les personnes soupçonnées, et je leur demanderais à chacune de rembourser, quitte à leur laisser un petit quelque chose, et même de substantiel, pour vivre. Vous verrez que beaucoup d'argent reviendrait au pays, parce que la majeure partie de l'argent est dans les paradis fiscaux, les somptueuses demeures à l'étranger. Maintenant, les gens arrêtés font tout simplement le dos rond, en attendant la fin du régime pour jouir de leur argent.
Source: Le Jour Quotidien
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