Thabo Mbeki a démissionné Dimanche
Aggravant une crise politique sans précédent depuis la fin de l'apartheid, plus
d'un tiers des ministres sud-africains ont démissionné dans la foulée de
l'acceptation par le président Thabo Mbeki de l'injonction à se démettre émanant
de la direction de l'ANC, aux mains de son rival Jacob Zuma. La démission de
Mbeki prendra effet avec l'élection jeudi par le parlement de son successeur
provisoire, le vice-président du Congrès national africain, Kgalema Motlanthe,
un ex-membre de l'aile militaire du mouvement qui fut codétenu de Nelson Mandela
et de Zuma au bagne de Robben Island.
Zuma a estimé que Mothlante, qui est âgé de 58 ans et jouit du respect des deux
camps, ferait un excellent président de transition jusqu'aux élections d'avril
2009, lors desquelles il compte lui-même accéder à la tête du pays dont la vie
politique est dominée par l'ANC depuis 14 ans. Dans la perspective du départ
imminent de Thabo Mbeki, la vice-présidente Phumzile Mlambo-Ngcuka, qui aurait
normalement dû assurer son intérim, et dix ministres sur trente, dont le
ministre des Finances Trevor Manuel et son adjoint Jabu Moleketi, lui ont remis
leur démission et il les a acceptées.
Manuel est très respecté par les marchés financiers, qui ont réagi à la baisse à
l'annonce de son départ du gouvernement, avant de se reprendre lorsque ses
services ont fait savoir qu'il était "tout à fait disposé" à reprendre son
portefeuille dans le gouvernement transitoire et que Zuma y était favorable.
Néanmoins, l'exode massif du gouvernement provoqué par la démission forcée de
Mbeki et la perspective de voir l'aile gauche de l'ANC, soutenue par la
puissante centrale syndicale Cosatu et le petit - mais influent - Parti
communiste sud-africain, gagner en importance nourrissent durablement les
inquiétudes des investisseurs étrangers.
Futur dictateur ?
Zuma, qui a accédé à la tête de l'ANC en décembre et a été disculpé ce mois-ci
des accusations de corruption qu'il accuse Mbeki d'avoir favorisées, s'est
efforcé d'apaiser ces craintes en affirmant qu'il ne délaisserait pas la
politique économique libérale suivie par le président sortant. Mais la démission
de celui-ci, de sa vice-présidente et du tiers du gouvernement ouvre la plus
grave crise politique en Afrique du Sud depuis l'accession au pouvoir de l'ANC,
jadis monolithique mais minée ces dernières années par la rivalité entre Mbeki
et Zuma.
L'opposante Helen Zille, responsable de l'Alliance démocratique, a déploré la
cascade de démissions de ministres qualifiés "résolus à venger" l'éviction de
Mbeki, estimant qu'elle en "disait long sur le mépris de l'ANC pour la stabilité
du gouvernement".
Selon le Sunday Times de Johannesburg, plusieurs fidèles de Mbeki, dont le
ministre de la Défense démissionnaire Mosiuoa Lekota, se réuniront dans les
jours à venir pour jeter les bases d'un nouveau parti, consacrant une scission
de l'ANC susceptible de radicaliser à gauche l'ancien mouvement de libération.
Hors d'Afrique du Sud, nombre d'Africains considèrent la démission de
Thabo
Mbeki comme un exemple de maturité démocratique, mais certains redoutent que les
luttes de pouvoir au sein de l'ANC ne dispersent l'héritage de Nelson Mandela.
Le journal kényan The Standard estime que "l'Afrique du Sud a rendu l'Afrique
fière" car "beaucoup redoutaient que le renvoi de Mbeki soient suivi de
massacres et de destructions insensés qui sont devenus une manière de régler les
querelles sur le continent".
Le politologue guinéen Madani Dia se demande si Jacob Zuma sera un dirigeant
aussi épris de démocratie que Mbeki, qui avait succédé en 1999 à Mandela,
premier président de la nation arc-en-ciel.
"Nous espérons que Jacob Zuma saura bien gérer les choses, mais si on a affaire
à un futur dictateur? Il faut dire que s'il a réussi à pousser le président à la
porte, c'est qu'il sera très fort."
Source : : Le Nouvel Observateur
|