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Affaire Yves Michel Fotso : Contre la pensée unique
(26/09/2008)
Points de vue d'un chercheur en sciences sociales qui s'oppose à la bataille médiatique menée par Yves Michel Fotso
Par Achille MBALLA
Yves Michel Fotso
Yves Michel Fotso

Note de la rédaction : cet article est un point de vue d'Achille MBALLA, Chercheur en sciences sociales, Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, Paris. Il donne son opinion sur les sorties médiatiques d'Yves Michel Fotso.

L’entretien fleuve accordé par Yves-Michel Fotso, jeune loup de la finance et accessoirement fils de son père aux chaînes de télévision Stv, Canal 2 et Equinoxe le jeudi 11 septembre 2008 aura été à n’en pas douter l’événement médiatique focal de ces derniers temps au Cameroun. Mais au-delà des passions et des prises de position partisanes selon qu’on soit pour ou contre Yves Michel ou que l’on s’interroge sur l’opportunité même de cette entreprise ou encore que l’on en questionne ses contours juridiques, il convient d’examiner rationnellement, c’est-à-dire de façon critique les impensés ou les non-dits de cette gigantesque opération de communication.

Il est indéniable que cela constitue un précédent dans notre pays qu’un individu mis en cause ou en tout cas impliqué dans plusieurs affaires judiciaires en cours (gestion de la Cameroon Airlines, acquisition d’un aéronef pour les déplacements du chef de l’Etat, détournement de la Tva, blanchiment d’argent en Suisse…) s’exprime publiquement devant un tel auditoire pour clamer son innocence. A notre grand étonnement, cette entreprise de communication unilatérale a été présentée par nombre de professionnels faisant autorité dans le domaine comme un moment de triomphe de la liberté d’expression. Mais en y regardant de plus près, on discerne ce qui s’apparente à un canular médiatique digne de Timisoara (une campagne médiatique savamment orchestrée qui avait provoqué des émeutes aboutissant à la chute du régime de Ceausescu en décembre 1989).




1- La vérité ne tire son origine que de la confrontation

Quelle que soit la discipline, la vérité n’émerge véritablement que dans la capacité à surmonter la contradiction. C’est ainsi qu’en philosophie, on a le triptyque thèse-antithèse-synthèse qui permet d’évoluer vers la connaissance. Depuis Héraclite (philosophe grec vers 450 av J-C – vers 475 av J-C), une longue tradition philosophique démontre que le sens n’advient que dans la rencontre avec autre chose. Le logos, discours originel, tire sa source dans la rationalité qui unit les contraires. Hegel (Georg Wilhelm Friedrich, philosophe allemand, 1770-1831), dans son ouvrage majeur la Phénoménologie de l’Esprit, considère que la méthode dialectique qui implique l’idée de progrès est le résultat d’une lutte des contraires. On peut étendre ces exemples aux autres disciplines que sont les sciences de la nature ou les sciences juridiques, on arrivera aux mêmes conclusions.

A contrario, les vérités révélées se déclament de façon unilatérale. Elles sont admises comme telles par ceux qui y adhèrent et relèvent donc de la foi, ferme assurance des choses qu’on espère, mais que l’on ne voit pas. A voir les titres de certains quotidiens, il a suffit que le fils Fotso se repende pour qu’il soit considéré comme innocent. A les croire, il a suffit qu’il parle pour que se manifeste la vérité. Lorsque l’on voit des titres comme celui de la Nouvelle Expression du vendredi 12 septembre “ Opération épervier : Les vérités de Yves Michel Fotso ” ou du Messager du même jour “ Y. M. Fotso parle enfin ” cuisiné parait-il, par Pius Njawé. Une telle unanimité ne peut être que suspecte. Pour ceux qui ont suivi l’émission de Joly Koum sur Canal 2 le dimanche 14 décembre et les interventions de Jean Vincent Tchienehom et de Me Nguenang, mais aussi celle de Me Jean-de-Dieu Momo dans l’émission Scènes de presse le même jour sur la Crtv, il ne reste plus qu’à lui remettre son passeport. Comme si l’opinion pouvait se substituer aux instances compétentes pour instruire une affaire judiciaire en cours. En voulant orienter l’opinion publique vers une victimisation d’Y. M. Fotso, présenté comme un homme d’affaires dynamique et brillant en proie au harcèlement de la bureaucratie (cf. l’éditorial délirant de Tchienehom le lundi 15 septembre sur Equinoxe) le soupçon de manipulation est évident, même pour le plus borné des observateurs. Mais dans l’histoire de la pensée critique, l’opinion, la doxa, a toujours été présentée comme le premier obstacle à l’avènement de la vérité.

Quant au “ politologue ” Alain Fogue Tedom qui estime que Fotso plaide sa cause auprès du “ juge Biya ”, nous lui rappelons que dans un Etat de droit, il y a un principe fondamental qui est la séparation des pouvoirs, car “ lorsque, dans la même personne ou dans le même corps de magistrature, la puissance législative est réunie à la puissance exécutrice, il n’y a point de liberté ”, nous enseigne Montesquieu (De l’esprit des lois, 1948). Son argutie basée sur le fait que “ plusieurs milliers d’employés risquent d’éternuer ” est sans objet au plan juridique.
En nous présentant de manière apologétique un directeur général qui n’a pas touché de salaire pendant toute la durée de son mandat à la Camair, mais dont la domiciliation des comptes de cette entreprise publique dans la banque privée du groupe de son père, lui a assurément rapporté des royalties pus importantes en termes d’agios et de frais divers, la manipulation vire au burlesque. De grâce MM. Tchienehom, Tchounkeu, Njawe et compagnie, la campagne basée sur le panégyrique d’un individu au profit d’un lobby ethnico-financier ne lui rendra pas un passeport qu’on a déjà tenté d’obtenir par d’autres moyens plus abjects (une tentative de corruption qui s’est avérée n’être qu’une escroquerie sur laquelle personne ne versera des larmes de crocodile).



2 - Une tentative d’aliénation de l’opinion publique

La société civile camerounaise a été portée sur les fonts baptismaux à la fin des années 80 à la faveur de l’affaire Yondo Black. Des personnalités œuvrant dans diverses professions libérales avaient alors donné de la voix pour que puisse naître au Cameroun un cadre d’expression où des opinions divergentes ou opposées puissent s’exprimer. On avait alors salué le courage et la hardiesse de Célestin Monga, de Mongo Beti, d’Abel Eyinga ou de Pius Njawé. La promesse de sortir de l’automne et des brumes du totalitarisme et de son corollaire l’unidimensionnalité, pour envisager la clarté printanière du pluralisme nous avait conduits à accompagner cette dynamique de toute la fougue de notre jeunesse.
Las, aujourd’hui, qu’en reste-t-il ? Les acteurs d’hier nous font croire que la vérité est dans l’unanimisme. Il s’agit en réalité d’une entreprise d’aliénation de l’opinion publique, c’est-à-dire, au sens hégélien, de lui imposer de l’extérieur sa détermination en lui inculquant une vérité extérieure à son esprit. Et cette vérité, c’est l’innocence de Fotso.

Quand on voit J. V. Tchienehom, avec toute l’expérience que devrait lui conférer son âge […], louer une entreprise de regroupement des organes de presse comme cela a été le cas en ce funeste jour du 11 septembre (de triste mémoire) à l’occasion de cette communication décriée, on ne peut qu’être dubitatif. Il s’est même payé le luxe d’inviter la Crtv à se joindre à cette union incestueuse, nostalgique qu’il est des heures les plus glorieuses du totalitarisme. Comme s’il était possible de faire machine arrière. Mais, l’Histoire est une dynamique dont personne ne peut arrêter le cours, même les hérauts qui ont accompagné son déroulement ne peuvent entraver sa marche, parce qu’il s’agit d’un automouvement collectif qui concerne toute la société. Souvenez-vous, la Révolution Française a fait l’objet d’une tentative de confiscation par ses figures les plus représentatives, Robespierre, Danton et Saint-Just. Que s’en est-il suivi messieurs ? Le Terreur bien entendu qui les a balayés comme des fétus de pailles sous la poussée du vent du nord.

En voulant instaurer une inquisition médiatique, qui vise à présenter toute opinion divergente de la votre comme hérétique : à savoir Y. M. Fotso est un individu vertueux et qui est au dessus de la loi, du fait qu’il dirige une multinationale qui a des intérêts de la Mauritanie en Angola (Me Nguenang dixit) vous faites fausse route. Comme chacun de nous, il devra rendre compte à la justice des actes qui lui sont reprochés. Socrate nous avait enseigné que la plus haute vertu consiste à faire face à la justice de son pays, lui qui avait portant été condamné injustement. Méditons à la lumière de la lanterne qu’avait allumée le sage athénien en buvant la ciguë en 399 av. J.-C.


*Chercheur en sciences sociales, Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, Paris.
E-mail : achillemballa2000@hotmail.com






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