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Affaire Michault Moussala : Voici pourquoi la presse camerounaise « ne vaut rien »
(05/01/2009)
En l’absence d’une autorité autorégulatrice viable, des journalistes camerounais traînent trop souvent la double réputation d’escrocs au privé et de maîtres-chanteurs récidivistes dans l’exercice de leur profession. Michel Michaut Moussala, directeur du journal Aurore Plus, en est le paradigme le plus remarquable.
Par André Destin Ndenga

Le 10 décembre 2004. Michel Michaut Moussala, directeur du journal Aurore Plus, entreprend l’un des coups les plus fumants de sa carrière d’escroc. Il remet à sa banque, la Union Bank of Cameroon (UBC), une autorisation de virement à lui adressée. D’un montant de 18,2 millions de francs Cfa, le document est signé par Cyrille Devernois, directeur comptable et financier de la société PMUC (Pari Mutuel Urbain du Cameroun).

« Nous vous faisons virer au crédit de votre compte personnel domicilié chez Union Bank of Cameroon sous le numéro 200410041, la somme de FCFA 18 200 000 pour règlement de nos insertions publicitaires de l’année en cours (la période de janvier à décembre 2004) parus dans le journal Aurore Plus à votre demande datée du 30 novembre 2004 »,
indique la lettre référencée PMUC 10/1204. Le journaliste repart de la banque avec pas moins de 23 370 022 francs Cfa en espèces. Mais le document n’est ni plus ni moins qu’un faux, fabriqué par M. Moussala. La signature, elle, est une imitation...

Le 13 janvier 2005, le directeur général du PMUC, Jean Baptiste Tomi, contacté par la banque UBC qui attend que l’argent soit viré, éclaire cette institution à cet effet. « Nous accusons réception de votre courrier du 04 janvier 2005 qui a retenu toute notre attention. En réponse, nous vous signalons que nous n’avons pas effectué de virement en faveur de la Société Aurore Plus ou de Monsieur Moussala. Et nous vous signalons que nous ne sommes pas redevable envers cette société à ce jour ».




Faux et usage de faux

En clair, le document ayant permis à Michel Michaut Moussala de percevoir, avec diverses opérations, jusqu’à 23 370 022 francs Cfa à UBC est une invention du journaliste. Le Head of Legal Departement de UBC, M. Louis Eboupeke, entreprend, avec l’Account Relations Manager, Sabuless Johnson Gemandze, des mises en demeure « à rembourser à la banque l’intégralité des sommes ainsi perçues indûment et faussement » à l’égard du journaliste indélicat. Elles sont vaines. « (…) passé ce délais, menace la banque, vous nous obligerez à engager contre vous une action pénale pour escroquerie, abus de confiance aggravé, faux et usage de faux ». Mais il en faut plus pour ébranler le larron.

Le journaliste sera condamné, dans cette affaire d’ « escroquerie aggravée, faux et usage de faux, abus de confiance aggravé », à une peine privative de liberté au tribunal de première instance de Douala-Bonanjo. Mais grâce à ses soutiens politiques, il fera « juste un crochet » en prison…

« Dans un pays où règnent la dépravation des mœurs, la corruption et le non-droit, et où les médias ne sont régis par aucune forme de régulation, un tel background n’a aucune influence. Ce sera l’un des héritages malheureux du régime du président Paul Biya
 », explique à cet effet un politologue camerounais de l’université de Laval au Canada. Car MMM, fils de Michel Moussala et de Elisabeth Enganamoulouk, né le 09 janvier 1959 à Douala, est bien connu dans les milieux judiciaires de Douala où il est récidiviste.

Dans les années 90, avant qu’il ne se décide, du fond d’une cellule carcérale, de créer le journal Aurore avec un confrère prisonnier, l’ancien caissier du supermarché Aux Bonnes Courses de l’homme d’affaires Ngako Piwélé traîne dans les milieux de la douane et de la police à Douala. Un ancien responsable du contentieux, feu Goni Mal Adji, confia qu’à l’époque il dénonçait à la douane les commerçants qui, passant outre ses exigences personnelles, tentaient de passer par les mailles de l’administration douanière.  Ce faisant, « Michaut » passait tantôt pour un inspecteur de douane, tantôt pour un commissaire de police. Et c’est finalement l’usage frauduleux du deuxième qualificatif, de « commissaire Marlo », qui l’expédiera à la prison centrale de Douala pour « faux et usage de faux ».



Antenne libre sur la CRTV

 A cette époque, on sous-estime les capacités de « rebondissement » du futur patron de presse, qui, après son Cepe à l’Ecole Saint-Jean Bosco à Douala, n’a pu atteindre que la classe de cinquième, non sans peine. Il crée, avec un compère, le journal Aurore à la faveur de la libéralisation de la communication sociale en décembre 1990. Mais il se brouille très vite avec le partenaire qui l’avait convaincu, preuves à l’appui, qu’avec des dossiers compromettants sur les personnalités de l’échiquier, ils se feraient beaucoup d’argent dans la presse. Des contemporains évoquent, pour expliquer le divorce, sa prestation malheureuse au cours d’une émission Antenne Libre de la chaîne de télévision publique CRTV. Ce fut, en tout cas, un événement inédit. Le directeur d’Aurore s’exprima en un français exécrable. La brouille engendre un nouveau canard, Aurore Plus. Mais la ligne éditoriale restera celle qui a été convenue en prison : la diffamation à tout-va et le chantage à l’égard des personnalités, la plupart du temps avec des « tuyaux percés ».

De fait, pour qui connaît le Cameroun, pays où les pires escrocs ont été quotidiennement célébrés dans les meilleurs tubes de Makossa ou de Bikutsi pour leur « intelligence » - en fait, surtout leur générosité avec l’argent extorqués -, un tel « génie » ne peut être que magnifié.

M. Moussala, dont le personnel est payé en monnaie de singe et à intervalles irréguliers, s’est, ainsi, vu confier à un moment la présidence de la section camerounaise de… l’Union des Editeurs de la Presse de l’Afrique Centrale (UEPAC), une organisation, il est vrai, fantomatique. Il est souvent reçu comme un prince par une brochette d’amis à l’aéroport international Roissy-Charles de Gaulle à Paris. Et, même si personne ne peut décrypter les genres journalistiques qui font le contenu de son bihebdomadaire, il ne compte pas moins parmi ses alliés aussi bien le Délégué général à la sûreté nationale (Dgsn), Edgard Alain Mebe Ngo’o, que le puissant vice-premier ministre, ministre de la justice, garde des sceaux, Amadou Ali. Il est souvent reçu à la Primature…

Il est, du reste, adulé pour son courage dans maints milieux anti-Bamiléké, la tribu qui contrôle l’essentiel du tissu économique domestique et qui, à cet effet, est redoutée par certains pontes du régime, voire des étrangers parmi lesquels une partie de la communauté française résidente.



Au pays de l’impunité

Au pays de l’impunité et de l’immoralité publique, il est adoubé par une certaine « presse crédible ». C’est, entre autres, le cas du quotidien camerounais Mutations qui, dans un article remontant les bretelles au Syndicat des Journalistes local pour avoir osé interpeller Aurore Plus sur une grosse bourde professionnelle, fait passer ce confrère pour un martyr « prêt à retourner en prison » pour défendre son droit à la dénonciation… calomnieuse. On lui attribue en fait, comme fait d’arme, le fait d’avoir poussé la justice camerounaise à incarcérer un ancien ministre des finances, Polycarpe Abah Abah, pour détournement de deniers publics. Or, ce n’est là qu’un mythe ; il a lui-même avoué devant prétoires avoir copié le dossier chez un autre confrère, Le Front, dont l’éditorialiste, Henriette Ekwe, pilier de l’affaire, a comparu de nombreuses fois et a été condamnée.

Beaucoup croyaient que « Michaut » avait changé. Un politologue de l’Université de Douala, le Dr. Aboya Endong, a, dans un droit de réponse pamphlétaire à Aurore Plus (qui n’a pas été publié par le journal) fait état de 17 procès en diffamation intentés contre ce journal il y a quelques années par l’ancien directeur général du Port de Douala, feu Tchouta Moussa Mbatkam. Lesdits procès ont abouti à la condamnation dudit journaliste à une peine de sursis. La peine n’a pas changé la ligne du journal.

Habitudes d’escroc

« Il ne faut pas que ses lunettes d’intello et ses grosses cylindrées fassent illusion. Moussala n’a pas changé ses habitudes », ironise Jean Marie Soboth, le président du Syndicat des Journalistes du Cameroun (SNJC), qui est également l’un des plus brillants professionnel de l’échiquier. Le syndicaliste vient, lui-même, de faire les frais d’Aurore Plus. Pour se venger du seul rappel à l’ordre dont Aurore Plus a été l’objet suite à une série d’allégations diffamatoires qui ont failli clouer une banque locale, le journal a qualifié le syndicaliste d’homosexuel et d’amant d’un homme d’affaires de l’échiquier qu’il n’a presque jamais rencontré.

« Michaut » n’a pas, non plus, changé ses habitudes d’escroc. On s’en est bien rendu compte avec l’affaire UBC-PMUC en 2005. Mais ce n’est pas tout. L’année dernière, il a promis à un certain François Kamga, Camerounais résident à Washington DC, le contact de personnalités du sérail pouvant acheter son véhicule de marque Jeep Grand Cherokee, envoyé quelque temps plus tôt à sa famille à Douala. Par la suite, le journaliste s’est rendu injoignable. Les propriétaires du 4x4 ont retrouvé le véhicule, gravement accidenté, dans un garage de la ville. Ils ont appris plus tard que le journaliste avait offert la voiture à son épouse. Et celle-ci a eu un accident sur la route de Ndikinimeki, son village. L’affaire fait, depuis plusieurs semaines, l’objet d’une plainte devant procureur à Douala.

Il y a plus. Parmi les autres indélicatesses du repris de justice, l’ex hôtel Mercure Accor avait, à un moment, eu l’intention de l’assigner en justice pour filouterie aggravée. Ses responsables ont dû renoncer lorsqu’on leur a dit qu’il n’avait même pas peur de la prison. Plus récemment, le journaliste a échappé à l’emprisonnement ferme dans une opération d’escroquerie où, erreur suprême, il a laissé un chèque sans provision. Cette fois-là, c’est son frère aîné, Thomas Makong, un ancien prisonnier politique qui fut le président de l’UNEK (étudiants kamerunais) à Lyon en France, qui dut vendre un terrain non bâti dans le lotissement de Log-Pom pour le sauver d’un troisième, voire quatrième emprisonnement pour délits n’ayant rien à voir avec la presse.

Ravages journalistiques

Au plan journalistique, ses ravages sont destructeurs. Dans son édition du 28 novembre 2008, Aurore Plus annonce, sans précaution aucune, que la Commercial Bank of Cameroon (CBC), une institution locale ayant bénéficié récemment d’un double appui de la Banque Européenne d’Investissement (BEI) et de la Société Financière Internationale (SFI), a été mise, la veille, sous administration provisoire par la COBAC (Commission Bancaire de l’Afrique Centrale). Il déclarait la CBC en faillite, faisant état d’un détournement de 1,2 milliards de francs Cfa perpétré par un certain Georges Djadjo, directeur général de la CFH (Capital Financial Holding), le holding du groupe. D’après le journal, ce dernier avait pris la poudre d’escampette. Toutes ces informations ont immédiatement entraîné des retraits massifs. Mais elles se sont révélées entièrement fausses… Le 02 décembre 2008, la banque et M. Djadjo ont attrait le journal devant les tribunaux pour diffamation. Mais, dans l’édition suivante, Aurore Plus demandait « à tous les patriotes de retirer leurs avoirs » dans cette banque... « Michaut » avait, en fait, contacté des responsables de la banque avant à travers des relais, leur demandant de lui donner de l’argent. Ils l’ont envoyé balader...

Mais, au Cameroun, le mal est de taille. « C’est une presse qui ne vaut rien », fulmine un diplomate nord-américain. La principale école de journalisme, l’ESSTIC (Ecole supérieure des sciences et techniques de l’information et de la communication), créée sous sa forme d’institution internationale par le Français Hervé Bourges, forme au rabais depuis qu’elle a été détachée de la coopération canadienne il y a des lustres. En mars 2005, le haut-commissariat du Canada au Cameroun, le Réseau Liberté Canada et l’Agence canadienne de développement international (Acdi) ont appuyé la mise sur pied d’un Conseil camerounais des médias (Ccm) pour s’attaquer aux épineux problèmes de déontologie. L’initiative, toujours embryonnaire quatre ans après, est torpillée par des querelles de clochers dont l’objectif est le confinement au sein d’une seule association de journalistes. « Les Camerounais ont le démon du nivellement par le bas ». Aussi, en l’absence d’une véritable autorité de régulation, le chantage à la diffamation prospère, ce qui explique en partie la réalité d’une opinion publique souvent brouillonne, inculte, collectivement aigrie et malveillante.

Ils sont un certain nombre à imposer ainsi le diktat du mensonge. Une attitude dictée, pour l’essentiel, par le fait pour les pouvoirs publics et les détenteurs de capitaux d’avoir abandonné le métier aux rebuts de la société. Le directeur du journal Aurore Plus ne peut écrire aucun article, il n’en aurait toujours pas les capacités intellectuelles. Il n’en demeure pas moins applaudi par une foule de confrères et une opinion qui partagent son état d’esprit mu par l’escroquerie, la haine et le tribalisme.

(*) DESS en journalisme de l’Université de Strasbourg (France), Ph.D en sciences politiques à l’Université de Laval au Canada : article paru dans la Revue Québécoise du Journalisme (RQJ
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