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Affaire Bollore: Ce que les témoins camerounais ont dit au Tribunal
(18/12/2009)
Publication par le Messager de la déposition de Pius Njawé, directeur de publication du quotidien.
Par Le Messager
Pius N. Njawé : « Comment Bolloré avait infiltré Le Messager »
Me Basile Ader (Avocat de la défense) : M. Njawé, reconnaissez-vous avoir rencontré Monsieur Benoit Colombat lors de son séjour au Cameroun, si oui, confirmez-vous les déclarations que vous avez faites dans son émission ?

Pius N. Njawé : Non seulement je reconnais l’avoir rencontré, mais je reconnais l’avoir aidé à organiser son voyage dans l’empire de Bolloré au Cameroun, dans le cadre du reportage qui lui vaut aujourd’hui ce procès. Je confirme donc toutes les déclarations que j’ai faites, et je suis content d’avoir apporté ma modeste contribution à ce travail qui est d’utilité publique, en ce sens qu’il permet au peuple français de s’imprégner de ces pratiques maffieuses que des compatriotes à eux entretiennent en Afrique, et qui mettent en péril de nombreuses vies humaines.

Me B. Ader :
Vous dites notamment dans cette émission que le groupe Bolloré est un Etat dans l’Etat ; vous dénoncez ses connections avec le pouvoir ; pouvez-vous expliquez au tribunal ce que vous entendez par là ?

P.N. Njawé : Je voulais simplement dire qu’au Cameroun comme d’ailleurs dans d’autres pays où ce groupe est implanté, il se comporte comme s’il n’existait pas d’Etat. Il fait la pluie et le beau temps, ne respecte ni les cahiers de charge inhérent aux concessions qui lui sont faites de façon complaisante, ni la législation locale en matière d’emploi. Il faut être un Etat dans l’Etat pour se permettre cela. Il y a quelques mois, une série de déraillements de trains plongeait le Cameroun dans le deuil ; on avait alors mis sur pied une commission d’enquête chargée de faire la lumière sur ces catastrophes ferroviaires. Près de six mois se sont écoulés et personne ne se croit obligé de donner aux Camerounais les résultats de cette enquête. Et pourtant de nombreux Camerounais y ont péri. Or, il a été établi que les équipements roulants de Camrail sont en piteux état, ce qui serait la principale cause de la série de déraillements…

En février 2008, alors que le peuple camerounais protestait contre la vie chère et dénonçait le projet de modification de la Constitution pour permettre au président Biya se taper « légalement » une présidence à vie, Bolloré avait dépêché au Cameroun son vice-président, Michel Roussin, pour venir soutenir Biya dans son projet macabre. A l’occasion, il avait signé une convention avec la Fondation Chantal Biya, l’épouse du chef de l’Etat camerounais, soit disant pour la lutte contre les endémies comme le sida ; mais on sait ce que tout cela signifie au plan politique. A l’époque, comme vous le voyez d’ailleurs (brandissant une copie du Messager N° 2559), nous avions titré à la « Une » du Messager: « Réseaux : Bolloré courtise Chantal Biya ».




Me B. Ader : Et la Françafrique dont vous parlez aussi ?

P. Njawé : C’est bien de cela qu’il s’agit, c’est-à-dire ces pratiques qui consistent pour des dirigeants français à passer par des réseaux maffieux pour spolier l’Afrique de ses richesses, en utilisant abusivement l’humanitaire pour corrompre les décideurs. L’argent ainsi « offert » est récupéré au centuple et revient souvent financer des activités politiques ici…

Me B. Ader : Les autres témoins ont parlé des salaires au port et dans les rails, mais personne n’a encore parlé du traitement dans les palmeraies et les plantations d’hévéa. Pouvez-vous nous en dire un mot ?

P. Njawé : Les salaires dans les plantations sont généralement très bas ; il est évident que les ouvriers ne gagnent pas la juste rémunération du travail titanesque qu’ils fournissent tous les jours dans les plantations de Bolloré. C’est pourquoi ils sont régulièrement en grève. Après l’une de ces grèves l’an dernier, les salaires avaient été revus à la hausse, et varient désormais entre 38 et 75 euros par mois, selon les saisons. J’ai ici un document réalisé par Isabelle Ricq, qui indique que les chargeurs de noix de palme touchent, eux, 425 francs Cfa (soit 64 centimes d’euros) par tonne acheminé. N’est-ce pas là de l’esclavagisme à l’état sauvage ?

Me B. Ader : Vous parlez par ailleurs de républiques bananières ; voulez-vous insinuer que le Cameroun en est une ?

P. Njawé : Ce que Bolloré et son groupe font au Cameroun n’est possible que dans une république bananière : on vient, on arrose, on pompe les richesses et on s’en va, comme si l’on n’avait de compte à rendre à personne. Cela est-il possible ici en France ? Le journaliste que je suis a une fonction sociale qui lui impose d’être attentif aux préoccupations des populations ; il doit être ce chien de garde qui veille sur les intérêts de la communauté nationale, dénonçant ce qui va mal, tirer sur la sonnette d’alarme pour faire arrêter le pillage par exemple. C’est ce que Le Messager essaie de faire modestement depuis déjà 30 ans.

Me B. Ader : Et combien de fois avez-vous été arrêté parce que vous faites ce travail ?

P. Njawé : 126 fois en trente années de travail avec Le Messager.

Me B. Ader : J’en ai terminé, Madame le Président !

Mme Sauteraud : Me Baratelli a-t-il des questions pour le témoin ?

Me Baratelli (avocat de Bolloré) : Monsieur Njawé, c’est très bien de vous préoccuper du train qui arrive toujours en retard ; que faites-vous lorsque le train arrive aussi à l’heure ? Parlez-vous du centre de santé moderne que Bolloré a construit à Douala pour ses employés, ou des autres investissements qui se chiffrent en centaines de milliards pour améliorer le transport des passagers à Camrail ?

P. Njawé : Tout à fait, Maître ! Nous sommes un journal, et à ce titre nous traitons régulièrement de tous les sujets qui sont portés à notre attention, et qui nous semblent avoir un intérêt pour le public. Nous avons donc souvent traité de ces informations, mais nous ne nous empêchons pas de dénoncer quand il y a matière à dénonciation…

Me Baratelli : J’ai parcouru des centaines d’exemplaires de votre journal mais je n’ai jamais vu un seul article qui parle des sommes faramineuses investies par Bolloré au Cameroun…

P. Njawé : Encore faut-il que vous soyiez un lecteur assidu du Messager…

Me Baratelli :
Je n’ai jamais rien lu de tel, moi…

P. Njawé :
je me ferai le plaisir de vous offrir un abonnement gratuit au Messager, et vous verrez que nous n’avons aucune difficulté à parler de ce que M. Bolloré peut faire de positif.

Me Baratelli : Il se raconte, Monsieur Njawé, que vous faites Le Messager pour votre seul plaisir, et que des gens qui travaillent avec vous sont mal traités par vous. Est-ce vrai, Monsieur Njawé, que vos employés observent en ce moment un mouvement de grève pour sept mois d’arriéré de salaires que vous n’avez pas payés ?

P. Njawé : Aussi vrai que je m’appelle Njawé ; alors, où voulez-vous en venir ? Il faut bien que vous compreniez comment on en arrive là…

Me Baratelli : (Il fait de grands gestes et interrompt Njawé) En voilà des donneurs de leçon…

P. Njawé : Mme le Président, Il m’a posé une question et ne me laisse pas le temps de lui répondre… A vous, je vous l’explique, Madame le Président : une partie des salariés du Messager ont observé récemment un arrêt de travail pour revendiquer sept mois d’arriérés de salaires. Cela arrive parce que la presse écrite connait aujourd’hui de sérieuses difficultés financières, dues à un contexte économique des plus difficiles. Ce n’est pas propre au Cameroun ou à l’Afrique, car de par le monde, le journal imprimé tire le diable par la queue, en raison du développement exponentiel des nouveaux médias vers lesquels convergent désormais les lectorats et, conséquemment, les recettes publicitaires. Le Messager, dont les seules sources de revenus demeurent la vente au numéro et les recettes publicitaires, est victime de ce contexte.

Je voudrai simplement dire à Me Baratelli que si son client procédait à une répartition équitable de son budget publicitaire dans les médias sans chercher à aliéner leur indépendance…

Me Baratelli : Mais voilà le crime de Bolloré…

P. Njawé : Vous allez me laisser répondre à votre question, Maître ?… Je disais, Mme le Président, que si Monsieur Bolloré et les autres multinationales installées en Afrique respectaient l’indépendance des journaux, payaient leurs factures publicitaires à temps et les insertions à leurs justes prix, Le Messager n’en serait pas là aujourd’hui. Mais nous sommes si jaloux de notre indépendance que nous préférerions nous taire plutôt que de nous dédire. Je ne sais pas ce que Maître voulais insinuer à travers sa question, mais je crois lui avoir répondu.

Mais vous me permettrez, Madame le Président, de révéler ici que M. Bolloré, n’ayant pas réussi à acheter l’indépendance du Messager, l’a infiltré de l’intérieur. En effet, il y a deux ans, Bolloré avait organisé une visite au siège de son groupe à Paris, à l’intention des journalistes camerounais ; naïvement, j’avais désigné le rédacteur-en-chef de l’époque pour y représenter Le Messager. Le reportage réalisé par celui-ci fut si laudatif à l‘endroit du groupe Bolloré que j’avais commencé à me poser des questions ; et au fur et mesure que j’avais des réponses à mes questions, j’avais relevé ce collaborateur de ses fonctions. Il se sentit ensuite si étroit au Messager qu’il dût démissionner. Aujourd’hui il dirige un magazine de luxe financé par les sociétés du groupe Bolloré, en même temps qu’il joue les consultants en communication pour le même groupe. D’ailleurs, le communiqué de presse de Camrail parvenu dans les rédactions à la suite des déraillements successifs de l’été dernier était transmis par cet ex collaborateur du Messager.

Si Monsieur Bolloré peut se permettre une telle manipulation au niveau des médias, à plus forte raison avec les politiques ! J’ai ici un petit article paru dans les colonnes de Libération, dans lequel un collaborateur de Bolloré raconte comment son groupe récupère les anciens ministres. Pourquoi en faire, si ce n’est aux fins de manipulations, surtout que ce responsable précise bien : « on sait qu’un jour ils peuvent redevenir ministres »… C’est tout dire !

Me Baratelli : Monsieur Njawé, Lorsque vous titrez à la « une » de votre journal « Bolloré traine des Camerounais en justice… » Pourquoi un tel acharnement, pourquoi vouloir susciter la haine…

P. Njawé : Que voulez-vous savoir exactement ?

Me Baratelli : Est-ce vrai qu’il a trainé des Camerounais en justice ? Ce sont les prévenus qui vous ont cités comme témoins et non Bolloré. Croyez-vous avoir bien fait votre travail ?

P. Njawé :
Bien sûr que oui ! En traduisant en justice France Inter et ses collaborateurs, il traine en justice leurs témoins et personnes ressources que nous sommes. Donc, nous avons bien fait notre travail.

Me Baratelli : J’en ai terminé, Madame le Président.

Mme Sauteraud : Le tribunal remercie M. Njawé pour son témoignage. Le témoin peut retirer sa pièce d’identité et prendre place dans la salle pour la suite de l’audience…


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