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“ Nos églises sont remplies, mais nos pays vont mal ”
(16/03/2009)
Il donne son point de vue sur les casses que subissent les commerçants à Yaoundé, sur la prolifération des nouvelles églises, etc.
Par Marie-Noëlle Guichi (Quotidien Mutations)
Pierre Titi Nwel se livre sur la venue du pape et les sujets brulants au Cameroun.
Pierre Titi Nwel se livre sur la venue du pape et les sujets brulants au Cameroun.
Quels sont, selon vous, les enjeux de la visite du Pape Benoît XVI au Cameroun ?

Les enjeux sont tout d’abord africains. Le pape vient pour ouvrir au Cameroun la deuxième assemblée générale du synode des évêques pour l’Afrique. Son grand prédécesseur avait clôturé le premier synode à Yaoundé. Et il faut dire, au cas où les Camerounais ne le savent pas, c’est le premier document Eclésia in Africa, un document qui a été signé par le magistère de l’Eglise ; le tout premier qui a été signé hors du Vatican, hors de la chaise de Saint Pierre. C’était le 14 septembre 1995. Et pour la première fois aussi dans l’histoire de l’Eglise, on ouvre un synode hors Rome, et c’est au Cameroun. Pour nous c’est une chance.

Qu’a fait le Cameroun pour mériter cela, au détriment des autres ?

Je ne peux que dire que c’est la grâce de Dieu. Mais le pape ne vient pas pour le Cameroun uniquement. Il vient au Cameroun pour rencontrer l’Afrique francophone et anglophone ici chez nous pour le prochain synode. C’est donc important pour nous de savoir qu’il vient donner ce qu’on appelle “ l’intimentu laborio ”, c'est-à-dire le document de travail des évêques. C’est sur ce document qu’ils vont plancher pour réfléchir et donner des orientations pour l’évangélisation des églises d’Afrique dans les années à venir. La première session du synode aura lieu le 19 mars au Cameroun et les 120 évêques et cardinaux seront là pour le synode. C’est très important.

Vous semblez très impliqué dans l’organisation de cette visite pastorale. Est-ce qu’on peut savoir aujourd’hui quel est le niveau des préparatifs ?

Impliqué dans la préparation intellectuelle, je dirais oui. Nous avons pris part au forum des universités chrétiennes, nous avons répondu au questionnaire qu’on nous a envoyé pour préparer le synode. Mais en ce qui concerne la préparation matérielle, c’est au cabinet civil et à la conférence épiscopale que revient la responsabilité de cet aspect des choses. Je n’y suis pas impliqué.

Dans la mouvance de ces préparatifs, on observe des casses et autres déguerpissements un peu partout à Yaoundé. Comment le sociologue que vous êtes apprécie-t-il cette façon de jeter des débrouillards dans la rue, en attendant le Saint père?

C’est un problème difficile. Il faut savoir qu’il y a des gens qui en ont payé les frais. Des gens sont morts, des familles sont à la rue. Mais en dehors de cela, il faut remarquer que quand on part des capitales qui nous entourent, la ville de Yaoundé s’embellit. Depuis un an, j’ai été au Tchad, à Bangui, au Congo Brazzaville, et je remarque que la ville de Yaoundé se développe. Je pense que c’est important. Malheureusement, cela coïncide avec les casses. Or, nous savons au niveau de l’Eglise Catholique, que le développement c’est le développement de l’homme. On ne peut pas faire le développement contre un individu. Donc, s’il y a des gens qui ont été délaissés ou qui en sont morts, ce n’est pas une bonne chose. Il aurait fallu organiser ces choses autrement. Le délégué du gouvernement qui nous embellit la ville fait une œuvre salutaire pour l’avenir, mais il fallait des mesures d’accompagnement. C’est vrai qu’il dit que ce n’est pas à lui de loger les gens. Il y a donc un problème au niveau de “ l’organisation gouvernementale ”, l’organisation politique. Avant de casser, il fallait penser à recaser. Qu’on sache au préalable que vous allez partir d’ici, vous irez là. Toutefois, il faut relever qu’au Cameroun, les gens manquent encore d’éducation à la citoyenneté. Je vous en parle en tant que membre de la société civile. Notre rôle est d’éduquer les gens à la citoyenneté. Mais nous avons une défaillance à ce niveau-là. Toute chose qui fait que “ déguerpissez, allez à tel endroit ” n’est pas toujours écouté. Il n’est pas écouté parce que avant, on disait aux gens “ on va casser ”, mais on ne le faisait pas. Aujourd’hui, la donne a changé. Quand on dit on va casser, on casse effectivement. C’est nouveau pour le Cameroun. Voilà pourquoi on assiste à ce genre de chose.

L’Eglise au Cameroun, et l’Eglise catholique en particulier, est devenu un endroit où on suce le chrétien. C'est-à-dire qu’il y a trop de poches de dépenses où le chrétien est sollicité. En dehors du denier de culte, il y a d’autres sollicitations : quêtes, construction des chapelles… Dans un environnement comme le nôtre, marqué par la vie chère, et la baisse du pouvoir d’achat des populations, est-ce normal que l’église appauvrisse davantage le fidèle ?

Revenons dans la Bible. Il y a eu douze tribus d’Israël. Lorsqu’ils ont occupé la Palestine, les douze tribus se sont partagées les terres par tirage au sort. La tribu de Benjamin à tel endroit, la tribu de David à tel autre. Il y a une tribu qui n’a pas trouvé de terrain : la tribu de Lévy, qui s’occupait du service. On a donc exigé à toutes les autres tribus ce qu’on a appelé “ La dîme ”. C'est-à-dire que dans chaque tribu, il fallait donner le dixième de ce que l’on a gagné pour faire vivre les gens de la tribu de Lévy. C’est de là qu’est venue la tradition de l’Eglise. Dans d’autres pays et même en Europe, les gens de l’Eglise touchent de l’argent de l’Etat, c'est-à-dire qu’ils sont payés comme des fonctionnaires. Mais ici chez nous, l’Etat ne paye pas le travail de l’église. Vous verrez des gens qui font des hautes études, sept ans de séminaire et parfois six à sept ans de spécialisation. Ils ont 25 000 Fcfa parfois 30 000 Fcfa qu’ils reçoivent de leurs évêques quand bien même ce dernier a la possibilité de leur envoyer cet argent. C’est donc à nous les chrétiens de faire vivre l’église, c’est à nous de donner la dîme. C’est encore à nous de faire fonctionner l’église, construire les chapelles. C’est cela le principe. Le problème c’est que dans la pratique, il manque de transparence. C’est cela qui fait en sorte qu’on a l’impression qu’il y a quelque chose de louche dans tout cela. D’ailleurs l’archevêque s’en est plaint dans Cameroon Tribune du 08 septembre 2008. Il a même dit qu’il y a des prêtres qui n’envoient pas ce qu’ils ont parce qu’ils ont fait une centralisation. Il y en a qui ne donne rien, il y en a qui prenne tout. Mais le principe reste que c’est à nous chrétiens de faire vivre nos prêtres, de faire vivre notre église.

A ce propos justement, la méthode de gestion de l’archevêque est jugée peu orthodoxe par certains curés qui, voyant qu’il a installé au sein de chaque paroisse des économats pour rafler tout l’argent, ont décidé de ne pas coopérer.
L’archevêque, dans le Cameroon Tribune dont je vous parle, a dit qu’il a trouvé lorsqu’il arrivait à la tête de l’archidiocèse, une dette de 4 milliards pour la construction de la Basilique et tout le reste. Il fallait, en plus de payer cette dette-là, faire vivre les prêtres, investir et réaliser beaucoup d’autres choses. Il a donc tout restructuré, de telle sorte qu’il y ait la centralisation de l’argent. C’est à partir de ce qu’il perçoit qu’il redistribue par la suite. Il a dû en parler à ses prêtres qui ont dit oui, mais qui ne l’ont pas fait. C’est qu’on manque de niveau politique et de clarté dans ce qu’on fait. Vous êtes en réunion avec votre évêque, il vous dit qu’à partir d’aujourd’hui on va faire ceci, mais au final, vous ne le faites pas.

Au moment où le pape arrive, on se souvient qu’il y’a des prêtres de l’Eglise catholique qui ont été assassinés et ces crimes sont restés non élucidés à ce jour. Des commissions d’enquête ont étés créées, mais leurs résultats restent attendus. Il y’a par exemple les cas de Mgr Dongmo, de Mgr Yves Plumey, des sœurs de Djoum etc. Comment appréciez vous cet état de chose ?

Vous savez, le service de renseignement au Cameroun est fondé principalement sur le ouie dire. “ Il faut aller dire ” au plus grand responsable des services de renseignements de ce pays. C’est-à-dire le vieux. Dans son groupe ethnique, il y’a un proverbe qui dit “ Les herbes sont les oreilles du roi ”, c'est-à-dire que le chef est toujours informé. Où que vous soyez, si vous parlez, il en sera informé. C’est sur cette base qu’on a organisé les renseignements au Cameroun. Par exemple, vous êtes en train de m’interviewer, si tous les deux, nous décidons que nous allons faire quelque chose aujourd’hui et que personne de nous ne trahit, nous allons effectivement le faire et personne ne le saura jamais. Il faut absolument, pour que le renseignement fonctionne, qu’on dise. Or, les gens peuvent agir sans dire, sans révéler. Vous parliez tantôt de Mgr Plumey, on avait brisé sa croix pectorale. Les grands limiers peuvent à partir de là savoir qui peut avoir intérêt à briser la croix pectorale de l’évêque. On tue quelqu’un et on trouve la douille. On peut savoir qui sont ceux qui ont acheté les cartouches, à quelle heure cela est arrivé au Cameroun etc. Quand nous étions à l’université, il y a eu un attentat d’Arméniens à Paris. Dans l’heure qui suivait, deux cent cinquante-cinq Arméniens installés à Paris ont été visités. Ici chez nous, les gens attendent qu’on leur dise qu’il faut faire ceci, il faut faire cela. Je pense donc que le problème au Cameroun, c’est celui de l’organisation des services de renseignements. Ils ne sont pas encore scientifiques. La police peut mieux faire dans ce sens-là, mais elle n’en a pas encore les moyens.

Le Cameroun est aujourd’hui envahi par des Eglises dites réveillées, qui utilisent plusieurs méthodes pour recruter leurs adeptes : communication directe, dépliants, bulletins de liaisons, radio, télévision etc. Pendant ce temps, on remarque que l’Eglise catholique ne fait aucun effort pour se rapprocher des populations, les sensibiliser, les éduquer, et les ramener au temple. N’est-ce pas une faiblesse à corriger ?

Dans chaque paroisse aujourd’hui, il y a un minimum de six messes tous les dimanches. S’il faut y ajouter les messes du samedi, cela fait en tout huit messes. Ce qui veut dire que beaucoup de gens vont à la messe. L’Eglise bénéficie d’une grande tribune. Elle reçoit beaucoup plus de personnes que ces sectes. Elle n’a donc pas à faire la concurrence avec les autres. Même au temps de Jésus, des disciples sont venus dire à Jésus qu’il y a des gens qui guérissent des malades en son nom. L’Eglise catholique ne peut pas arrêter ceux-là qui ont choisi une autre église. Peut-être l’Eglise Catholique ne fait pas bien son travail, peut-être les chrétiens qui vont à l’Eglise le dimanche ne rentrent pas la tête pleine de ce qu’il fallait, mais la méthode de l’Eglise Catholique c’est la bonne. D’ailleurs chaque paroisse dispose des communautés de base. Dans la mienne, le prêtre vient nous visiter par quartier.

Reste que, avec la misère rampante, ces sectes-là recrutent facilement de nouveaux adeptes. Quelles suggestions pouvez-vous faire, en tant que sociologue, aux responsables de l’Eglise Catholique pour attirer vers eux les âmes en peine ?

Le synode qui se tient bientôt se penchera sur ce sujet. Il parlera de l’inculturation. C’est vrai qu’on en a déjà parlé, mais ce que nous faisons ici, c’est à la limite du folklore. L’inculturation est encore dans les mœurs. On danse à l’Eglise, on chante mais ce n’est pas ça qu’on recherche au fond. Un autre thème de ce synode, c’est Eglise, famille de Dieu. C'est-à-dire qu’à chaque fois que nous sortons de l’Eglise, nous nous percevions comme appartenant à la même famille. Ce qui n’est pas toujours le cas ici. On ne met pas trop l’accent sur cet aspect-là. J’ai tout de même espoir qu’après ce deuxième synode, l’église aura une autre doctrine à prêcher. Comme je venais de le dire, les gens ne s’alimentent pas spirituellement à l’Eglise catholique. Les gens vont à l’église sans trop savoir pourquoi ils y vont. Ils s’inscrivent à une, deux, dix messes, mais n’en ressortent presque jamais transformés.

A qui la faute donc ?

A l’église enseignante qui doit enseigner aux fidèles ce que c’est que la prière. Lorsque je prie, je dois d’abord savoir que le Dieu à qui je m’adresse est comme vous. C’est à ce moment-là que j’aurais la certitude qu’il m’écoute lorsque je m’adresse à lui. Les gens chantent et dansent à en perdre la tête. Aujourd’hui nos églises sont remplies, mais nos pays vont mal. C’est tout simplement parce que les gens prient sans un réel contact avec Dieu.

On a remarqué que les personnalités attrapées par l’épervier sont pour la plupart des chrétiens catholiques, des personnes qui dormaient pratiquement à la Cathédrale, est-ce à dire que des grands fidèles de l’Eglise Catholique sont des voleurs ?

Je ne comprends pas le système judiciaire camerounais. On a mis des gens en prison sans leur donner l’occasion de se défendre, sans les juger non plus. On remarque qu’on arrête des gens, et on les fout directement en prison sans les juger et voir s’ils sont coupables. Je préfère donc ne pas me prononcer sur le sujet.

Avez-vous quelque chose à ajouter ?

Juste remercier Dieu pour autant de faveur qu’il nous fait. Ce n’est pas pour rien qu’en Afrique, le Cameroun est ciblé parmi plusieurs autres pays. Ça aussi, c’est à cause des choix des pères de la nation qui ont fait un pays anglophone et francophone, le seul en Afrique. Quand on veut rencontrer les anglophones et les francophones en Afrique, on ne peut venir qu’au Cameroun. De plus, il y a une paix relative au Cameroun et nous devons remercier Dieu pour cette grâce immense.


Source: Le Messager


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