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Article: Cameroun : La pratique de la surcharge
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   "nul n a le droit d'etre heireux tout seul"
Auteur : ali
Date : 17/07/2013 17:55

________________________________________

TABLE DES MATIERES
• Avis AUX LECTEURS
• AVANT-PROPOS
• I° PARTIE
• LE COLOSSE AUX PIEDS D'ARGILE
• Explication de la Statue
• Premier Empire
• Deuxième Empire
• Troisième Empire
• Quatrième Empire
• La pierre qui frappe
• Conclusion
• II° PARTIE
• LE CHAPITRE VII DU LIVRE DE DANIEL
• Première Bête
• Deuxième Bête
• Troisième Bête
• Quatrième Bête
• Mort de la quatrième Bête ; ses conséquences.
• III° PARTIE L'ANTICHRIST
• Monarchie universelle de l'Antichrist
• Conception nouvelle de l'Antichrist
• L'Antichrist
• Définition de l'Antichrist
• L'Antichrist dans l'Apocalypse
• Notion nouvelle de l'Antichrist
• La onzième «corne»
• Quelques réflexions complémentaires
• La Bête aux deux cornes
• La marque de la Bête
• La Femme assise sur la Bête
• L'homme de péché
• IV° PARTIE
• I. - De NOUVEAUX CIEUX ET UNE NOUVELLE TERRE
• II. – DE NOUVEAUX CIEUX ET UNE NOUVELLE TERRE



AVIS AUX LECTEURS DE LA DEUXIEME EDITION

En juillet 1934, le regretté Pasteur ANTOMARCHI faisait paraître «Ben Ezra », étude sur les prophéties de Daniel et de l'Antichrist. Cette étude était presque inconnue du protestantisme de langue française, mais elle fut très vite achetée par les chrétiens intéressés par le retour du Seigneur, et je crois que c'est le manque de moyens qui empêcha M. A. Antomarchi de faire une édition plus importante.
Il a achevé sa carrière le 28 septembre 1952 et j'ai pu seulement rééditer « Rome face à l'Evangile » en 1957. Ce livre sera bientôt épuisé et, à vues humaines, plus réédité.
Voici qu'après une trentaine d'années, « Ben Ezra » va paraître à nouveau, grâce à quelques ferventes chrétiennes qui ont à coeur de remettre en lumière ce commentaire si nécessaire en nos temps troublés. C'est avec une grande joie que je les aiderai, dans la mesure de mes forces, à mener à bien ce modeste travail, qui est pour la seule Gloire de Dieu.

Que la riche bénédiction du Seigneur repose sur ce livre, fruit de longues études de son humble et fidèle serviteur.
Mlle Berthe CHAUVINC, belle-soeur du Pasteur Antomarchi, Retraite Cauzid, LIVRON (Drôme).

AVANT-PROPOS

Bien que ces commentaires de J. Ben-Ezra, sur les prophéties de Daniel et sur l'Antichrist datent déjà de plus d'un siècle et demi, ils n'en sont pas moins totalement inconnus du public, et pour ainsi dire inédits.
Deux éditions espagnoles complètes de l'oeuvre de Ben-Ezra furent à l'origine publiées, l'une à Paris et l'autre à Londres. Cette dernière, en quatre volumes, comptant au total près de deux mille pages, fut imprimée par Charles Wood, Poppin Lane, Fleet Street, en 1816, et éditée par Manuel Belgrano, représentant diplomatique de la République Argentine. Ce dernier négociait à cette époque la reconnaissance, par le gouvernement britannique, de l'indépendance de son pays qui venait de secouer le joug de l'Espagne.
L'apparition de cet ouvrage fut saluée avec enthousiasme, aussi bien dans les milieux littéraires que dans les milieux religieux, et produisit une grande impression.
Des membres du clergé, en grand nombre, embrassèrent les vues de Ben-Ezra, et si la latitude de les propager leur eût été laissée, il n'est pas douteux que la conséquence en aurait été un réveil religieux de l'Eglise d'une incalculable portée.

Qui était Ben-Ezra ?

J.-J. Ben-Ezra n'était que le nom de plume de Manuel Lacunza, né à Santiago du Chili en 1731. Son père était Juif, il tenait un commerce et vit d'un œil indifférent le jeune garçon fréquenter un établissement d'éducation jésuite. Quand Manuel eut atteint l'âge requis, il entra dans la Compagnie de Jésus.
Sur ces entrefaites, les Jésuites furent chassés du Chili et allèrent se réfugier à Imola, en Italie. C'est là que, vers 1793, Ben-Ezra publia son oeuvre capitale, intitulée : La venue du Messie en gloire et en majesté. Durant plusieurs années, cette oeuvre avait circulé en manuscrit. Les pages que nous allons présenter au lecteur sont extraites de cet ouvrage.
« Le but que je me suis assigné — écrit l'auteur dans sa préface — est, en premier lieu, de réveiller les prêtres, de les obliger à secouer la poussière de leur Bible, de les convier à une nouvelle étude, à une étude plus attentive, plus profonde, du livre divin. Car, bien qu'étant le livre propre du sacerdoce, tout comme sont propres à n'importe quel artiste les instruments de son art, la Bible paraît leur être le plus inutile de tous les livres. Quel bien ne pourrions-nous pas attendre de cette nouvelle étude si elle était entreprise par tous les prêtres instruits, par tous ceux qui se sont constitués les maîtres et docteurs de l'Eglise !... »
Près d'un siècle et demi s'est écoulé depuis que cette oeuvre immense a vu le jour, sans que, jusqu'ici, les sages conseils ou le bel exemple de Lacunza aient réussi à produire l'effet désiré. Il paraît évident que le bon abbé a manqué son but. Si, au lieu de parler aux docteurs de l'Eglise, il se fût adressé à la masse, il est très possible que son travail eût porté d'autres fruits, plus nombreux et meilleurs.
C'est cette erreur de tactique que nous nous proposons de réparer en publiant de nouveau en style populaire, quelques-uns des chapitres notoires de l'oeuvre de Lacunza, dont le talent et les connaissances remarquables le classent parmi les plus savants spécialistes en pénétration des Ecritures prophétiques, et dont les conclusions, si magistralement développées, peuvent difficilement être réfutées.
Ben-Ezra était aussi un fervent de l'astronomie. C'est au cours d'observations qu'il mourut victime d'un accident, en 1801.
Un rarissime exemplaire de l'oeuvre de Ben- Ezra est venu en la possession de M. W. Smart, de Los Angeles, Californie, qui en a publié de longs extraits en anglais et en espagnol.
C'est à sa bienveillance et à sa généreuse autorisation que nous devons de pouvoir publier les pages qui suivent.
Qu'il trouve ici l'expression émue de notre gratitude.
Un mot reste à dire de la traduction.
Aidé d'un ami, que sa modestie m'empêche de nommer, connaissant à fond l'espagnol, langue de mon grand-père maternel, nous avons pu en venir à bout. Nous la garantissons aussi fidèle que possible. Mais elle n'est pas mot à mot. Superposer un mot français à un mot espagnol n'eût pas été une traduction, mais bel et bien une trahison. C'est ainsi que l'on n'a pas hésité à faire sauter mainte épithète, maint adjectif, maint superlatif, dont, on le sait, l'espagnol est prodigue, mais qui eussent gêné le lecteur français.
Aussi, dans un ouvrage où ce sont les choses qui ont une valeur absolue, puisqu'elles se réclament de l'Ecriture, on ne peut prêter aux mots qu'une valeur relative ; on ne leur demande que de laisser à l'idée son sens vrai.
Rendre exactement la pensée de Ben-Ezra, c'est ce à quoi l'on a scrupuleusement, et avant tout, visé.
La Bâtie-Rolland, Juillet 1934.

PREMIERE PARTIE

Le colosse aux pieds d'argile

Le monarque chaldéen Nébucadnetzar, vivait au VI° siècle avant Jésus-Christ.

Les événements prophétiques contenus dans le songe extraordinaire qu'il eut au cours de son règne, événements qui se déroulent du début de celui-ci jusqu'en des temps futurs encore, couvrent une durée de plus de vingt-cinq siècles. Sur ce songe plein de mystère, interprété en partie seulement par le prophète Daniel, des centaines, des milliers, de commentateurs ont pâli sans parvenir à en donner une explication qui fût corroborée en tous ses détails par l'histoire. Le voile qui, sur les points les plus importants, en cachait le sens, a été entièrement levé, vers la fin du XVIII° siècle, par Ben-Ezra. La révélation que le Saint-Esprit lui en a donnée éclaire merveilleusement les événements historiques qui se sont déroulés depuis 2.500 ans, en particulier les temps actuels, confirmant de la façon la plus pérempoire la sûreté, l'infaillibilité des prévisions divines.

Pour la commodité du lecteur, nous reproduisons ici ce songe, que nous transcrivons littéralement de la version de l'abbé Crampon (Les citations de l'Ecriture sont tirées, à peu près toutes, de la version de l'abbé Crampon.) : « Toi, ô roi, tu regardais, et voici une grande statue, immense et d'une splendeur extraordinaire ; elle se dressait devant toi, et son aspect était terrible.

« Cette statue avait la tête d'or fin, la poitrine et les bras d'argent, le ventre et les cuisses d'airain, les jambes de fer, les pieds en partie de fer et en partie d'argile. Tu regardais, jusqu'à ce qu'une pierre se détacha sans main, frappa la statue à ses pieds de fer et d'argile et les brisa. Alors, furent brisés en même temps le fer, l'argile, l'airain, l'argent et l'or, et ils devinrent comme la balle qui s'élève de l'aire en été, et le vent les emporta sans qu'il en restât aucune trace ; et la pierre qui avait frappé la statue devint une grande montagne et remplit toute la terre. Voici le songe ; ce qu'il signifie, nous allons le dire devant le roi.

« Toi, ô roi des rois, à qui le Dieu du ciel a donné l'empire, la puissance, la force et la gloire, à qui Dieu a livré, en quelque lieu qu'ils habitent, les enfants des hommes et les bêtes des champs et qu'il a fait dominer sur eux tous, c'est toi qui es la tête d'or. Après toi, il s'élèvera un autre royaume, moindre que toi, puis un troisième d'airain qui dominera sur toute la terre. Un quatrième royaume sera fort comme le fer ; de même que le fer écrase et brise tout, ainsi, pareil au fer qui met en pièces, il écrasera et mettra en pièces tous les autres. Si tu as vu les pieds et les orteils en partie d'argile de potier et en partie de fer, c'est que ce sera un royaume divisé ; il y aura en lui de la solidité du fer selon que tu as vu du fer mêlé à l'argile. Mais comme les orteils des pieds étaient en partie d'argile, ce royaume sera en partie fort et en partie fragile. Si tu as vu le fer mêlé à l'argile, c'est qu'ils seront mêlés de semences d'hommes; mais ils ne tiendront pas l'un à l'autre, de même que le fer ne peut s'allier avec l'argile.

« Dans le temps de ces rois, le Dieu du ciel suscitera un royaume qui ne sera jamais détruit et dont la domination ne passera pas à un autre peuple. Il brisera et anéantira tous ces royaumes- là et lui-même subsistera à jamais, selon que tu as vu qu'une pierre s'est détachée de la montagne sans main et qu'elle a brisé le fer, l'airain, l'argile, l'argent et l'or. Le grand Dieu a fait connaître au roi ce qui arrivera dans la suite ; le songe est véritable et sa signification certaine (Livre de Daniel, chap. II, v. 31 à 45.1). »

LAISSONS MAINTENANT PARLER BENEZRA

(A partir d'ici, nous donnons le texte même de Ben-Ezra, et, si nous reprenons la parole, ce sera uniquement sous forme de notes du traducteur. - (N. d. t.)).

Ce songe extraordinaire contient l'une des plus grandioses prophéties des Saintes Ecritures. Son interprétation historique est, comme on va voir, facilement vérifiable. Il n'est pas possible d'en faire une étude attentive sans une profonde émotion.

Il fut donné au prophète Daniel d'entrevoir et d'identifier, représentés par une colossale et effrayante statue composée de quatre métaux différents, les quatre plus célèbres royaumes du monde (du monde alors connu), ou plus exactement les quatre plus célèbres dominations politiques de l'histoire, et cela sur une durée de plus de vingt-cinq siècles.

Le caractère propre de chacun de ces royaumes, ou dominations, est fixé d'une telle manière qu'il est impossible de les confondre. Et la destruction, encore dans le futur, de la quatrième, figurée par le coup que porte aux pieds de la statue une « pierre » mystérieuse, — que ne touche aucune main humaine, et qui se change aussitôt en une montagne immense, — cette destruction est telle que la statue vole en poussière qu'emporte le vent.

Quant à la « pierre », avons-nous dit, elle devient une gigantesque montagne qui couvre la terre entière.

Voici l'explication que le prophète donne de ce songe :

— Les quatre métaux différents dont la statue se compose représentent quatre Empires, ou formes de gouvernement, appelés à jouer successivement un rôle de premier plan dans le monde. Le premier de ces Empires, symbolisé par la tête d'or, est, dit-il, celui-là même que venait de fonder le grand Nébucadnetzar par ses prodigieuses autant que rapides conquêtes.
Des trois Empires, le prophète dit simplement que, le second, figuré par la poitrine d'argent, « sera moindre que le premier » ; que le troisième, d'airain, « dominera sur toute la terre ». Sur le quatrième, le prophète s'étend beaucoup plus longuement : « Il sera fort comme du fer, il ne fera qu'écraser et semer des ruines..., il sera divisé... »
Telles sont les explications du prophète. A nous de chercher à les compléter. L'histoire seule, évidemment, peut faire la preuve que la prophétie cadre bien, dans tous ses détails, avec les empires ainsi dépeints.

Mais cette pierre mystérieuse qui se détache soudain, mue par une puissance invisible, qui frappe aux pieds la statue et la met en pièces, cette pierre, qu'est-elle ? C'est le sens de cette pierre qui donne la clé de tout le reste de la prophétie.

EXPLICATION DE LA STATUE

Nombreuses sont les explications qui en ont été données. Il en existe une, en particulier, que l'on pourrait appeler traditionnelle, et qui, malgré ses invraisemblances, ses contradictions, a réussi à rallier l'unanimité des suffrages.

Et l'on se demande pour quelle raison les commentateurs et docteurs de l'Eglise se sont invariablement tenus à cette interprétation, alors que l'Écriture, aussi bien que l'histoire, s'inscrivent en faux contre elle.

Nous ne voyons qu'une raison à cette attitude. Cette raison, toutes proportions gardées, nous paraît celle qui fit agir Hérode quand il décréta le massacre des enfants de Bethléem, lors de la naissance de Jésus : c'est la peur, la grande peur du Royaume encore à venir que doit fonder sur la terre le Messie.

C'est qu'en effet le système d'explications des docteurs de l'Église exclut l'idée de ce Royaume. Bien que les prophéties nous l'annoncent et nous le représentent, la pensée de ce Royaume provoque chez les commentateurs officiels de l'Eglise un trouble, une frayeur, une fureur même qui, bien que religieuse et sacrée, n'en a pas moins fait périr beaucoup d'innocents ! Oui, des passages en grand nombre de l'Écriture se trouvent, du fait de cette explication traditionnelle, tordus, amputés, écartelés, aussi bien dans leur sens propre et littéral, que dans le sens symbolique et dans le sens logique, le sens en dehors duquel ils cessent d'être. Ce Royaume, ces commentateurs, l'ont véritablement en horreur.
Mais que faire de tant de passages embarrassants ? Les supprimer ? C'était impossible. Alors, une solution a été imaginée, un expédient, plutôt. Jugez :

On a interverti l'ordre des quatre Empires figurés par la Statue, en même temps que l'on partageait en deux le premier, et l'on a intercalé le cinquième, la grande montagne, à l'endroit où il était le moins gênant.

Pour l'interprétation du premier Empire, pas l'ombre d'une difficulté, puisque le prophète Daniel le désigne expressément. Tout le monde ici est d'accord.

Mais la grande préoccupation des interprètes est aussitôt allée au quatrième. Et leur choix s'est fait, non pas tellement à cause de tel signe équivoque, qui peut donner crédit à leur affirmation, que parce qu'ils ont décidé que l'Empire romain durerait jusqu'à la fin du monde.

Or, rien n'est plus contraire aux faits.

Partant donc de cette certitude que le premier Empire était, comme le dernier, de toute évidence connu, ils n'avaient plus qu'à identifier les empires intermédiaires.

Mais comme entre l'Empire de Nébucadnetzar et l'Empire romain ne se trouvait que l'Empire grec, il n'y avait qu'un parti à prendre : partager en deux tronçons — au reste, fort inégaux, — le premier royaume, en appelant le premier de ces tronçons : Empire babylonien, ou chaldéen ; et l'autre, Empire médoperse.

Et ceci fut fait au temps de Théodose, quand l'Empire romain était à l'apogée de sa puissance et de sa splendeur, semblant réunir toutes les garanties d'une durée éternelle. Cette idée s'est tellement enracinée dans les esprits qu'elle a fini par avoir force de loi (Les commentateurs protestants des XIX° et XX° siècles, Darby en tête, et ceux qui ont suivi, n'ont pas fait de grands efforts d'imagination pour trouver autre chose. Ils se sont tout simplement mis à la remorque des commentateurs catholiques. - (Note du traducteur.)).

Tâchons maintenant d'entrer dans le point de vue des docteurs, mais sans perdre des yeux le texte sacré.

On dit : Le premier Empire est celui des Babyloniens, ou Chaldéens, dont le règne finit sous Baltasar, qui avait succédé, après l'interrègne d'Evilmérodach, à Nébucadnetzar. On confond d'habitude Evilmérodach et Baltasar. Mettons que ces deux n'en fassent qu'un, — et rien n'est moins certain. Ainsi, le premier Empire n'aurait eu que deux monarques. C'est peu pour une tête d'or, et du meilleur.

Ici, une question se pose : Ce premier Empire, se limitait-il à la Chaldée ? De toute évidence, non.

La Chaldée n'était que le centre de l'Empire babylonien, avec sa capitale Babylone. Mais, la domination de l'empereur s'étendait à tous les royaumes, principautés et seigneuries, allant de l'Inde à l'Égypte. Sans recourir à l'histoire profane, l'Ecriture même nous le dit. C'est ainsi que, sous le règne de Nébucadnetzar, les captifs de Jérusalem et de Judée sont déportés non seulement en Chaldée mais encore en Médie et en Perse (Esther I, 3 ; III, 8). Le second livre des Machabées, chap. I, v. 19, le mentionne également. Tous ces détails nous seront des plus utiles.

Le second Empire, figuré par la poitrine et les bras d'argent, c'est, nous dit-on, l'Empire médo-perse. Darius, Mède, et Cyrus, Perse, conquirent Babylone, ajoutant la Chaldée à leurs propres états.

Mais voici une grosse difficulté : cet Empire serait ainsi manifestement beaucoup plus grand que le premier. Or, la prophétie dit nettement : « Après toi, il s'élèvera un autre Empire moindre que toi... » On pense échapper à ce démenti de l'Écriture en disant que ce « moindre » fait allusion non à la quantité mais à la qualité. Malgré l'extrême violence infligée au sens de ce texte et que l'histoire est loin de justifier, Darius, et surtout Cyrus, n'étant en rien inférieurs à Nébucadnetzar, les commentateurs se déclarent satisfaits.

Le troisième Empire, figuré par le ventre et les cuisses de la statue, on veut que ce soit celui des Grecs, fondé par Alexandre.

Mais, comment ? L'empire grec est indiscutablement le plus petit des quatre. Par quel tour de force peut-on lui appliquer le caractère particulier indiqué par la prophétie : « Puis un troisième, d'airain, qui dominera sur toute la terre »

Enfin, le quatrième Empire.

Celui-ci, prétend-on, ne peut être que l'empire romain. La prophétie dit, en effet : « Il sera fort comme du fer ».

Si le texte de la prophétie se bornait à ces cinq mots, s'il ne donnait pas à ce quatrième Empire d'autres signes et caractéristiques propres et qui ne peuvent convenir à l'empire romain, on n'insisterait pas. Mais on a vraiment trop beau jeu à contester cette désignation, car à aucune époque de son histoire, l'empire romain n'a correspondu aux caractères particuliers que donne la prophétie au quatrième Empire.

Voici maintenant l'explication que l'on propose pour ces quatre Empires :

PREMIER EMPIRE

Le premier Empire, c'est donc celui que fonda Nébucadnetzar, par ses armes toujours victorieuses, soumettant à son pouvoir tous les royaumes et seigneuries connus en ce temps-là dans tout l'Orient. Pour cette raison, le prophète Daniel l'appelle roi des rois, titre qui concorde parfaitement avec ce que dit l'Eternel par Jérémie « Ainsi parle l'Eternel des Armées, Dieu d'Israël : C'est moi qui, par ma grande puissance et par un bras étendu, ai créé la terre, les hommes et les animaux qui la couvrent, et je l'ai donnée à qui une plaisait. Or, maintenant, je livre tous ces pays au pouvoir de Nébucadnetzar, roi de Babylone. Et tous les peuples le serviront... » (Jérémie XXVII, 4-7).

Ce seul passage de l'Ecriture pourrait suffire, sans recourir à l'histoire profane, pour démontrer que le premier Empire est bien celui que symbolise, dans toute sa véritable étendue, la tête d'or. De même, il est évident, tant au point de vue de l'Écriture que de l'histoire, que cet Empire ne fut modifié en aucun point essentiel lorsque Darius, Mède, secoua le joug de Baltasar et s'empara de sa capitale.

L'unique nouveauté a été que la dynastie de cet Empire fut changée, et que Darius, Mède, ayant renversé Baltasar, Chaldéen, devint roi de Babylone et autres lieux. Ainsi le dit textuellement Daniel : « Cette même nuit, Baltasar, le roi chaldéen, fut mis à mort, et Darius, le Mède, reçut la royauté à l’âge de 62 ans. » (Daniel V, 30, à VI, 3).

C'est exactement comme si l'on disait : A la mort de Carlos II, roi d'Espagne, de la Maison d'Autriche, Philippe V, Français, de la Maison de Bourbon, lui succéda dans le royaume. Quel royaume ? N'est-ce pas toujours l'Espagne ? De sorte que, pas plus que Philippe V, montant sur le trône d'Espagne, ne fonda un royaume nouveau à l'extinction de la dynastie de Charles-Quint, pas davantage Darius, le Mède, en s'asseyant sur le trône de Babylone, ne fonda un nouvel empire (C'est également ce qui se passa lorsque, en 752, le plus puissant des maires du palais d'Austrasie, Pépin le Bref, fit sauter le roi mérovingien du temps, et fonda la dynastie des Carolingiens. La France ne change pas de nom pour cela, elle reste toujours la France. De même, lorsque les Carolingiens sont supplantés en 987 par les Capétiens. - (N. d. t.)).

Daniel le dit encore en termes précis :

La première année de Darius, fils d'Assuérus, de la race des Mèdes, qui fut fait roi du royaume des Chaldéens... » (Daniel IX, 1.) Le royaume des Chaldéens demeure donc royaume des Chaldéens, mais avec, à sa tête, le chef d'une dynastie différente, Darius le Mède (En bonne logique, les commentateurs traditionnalistes devraient également dire que lorsque Cyrus le Perse renversa Astyage, roi des Mèdes, et régna seul à Babylone, ce fut encore un nouvel empire qui se fonda. — (N. d. t.)). Et ce royaume, figuré par la tête d'or de la statue, dure jusqu'à Darius Codoman, dernier roi de Perse (an 331), vaincu par Alexandre. Que l'on appelle ce royaume, des Chaldéens ou des Mèdes, il importe peu, ou point. Les noms ne changent rien aux faits. La religion, les moeurs, les lois, l'Empire, en un mot, demeurent les mêmes, et c'est ainsi que nous voyons Artaxerxès, près de cent ans après Cyrus, appelé par Néhémie : roi de Babylone (Néhémie XIII, 6).

Il est donc démontré que le deuxième Empire n'est pas le royaume médo-perse.

DEUXIÈME EMPIRE

Le deuxième Empire, catalogué troisième par nos docteurs, ne peut être que celui des Grecs, aussi bien du fait qu'il a été moins important que le premier - ce qui concorde avec la prophétie - que de par sa constitution même : la poitrine et les bras de la statue. La poitrine, c'est le corps principal de la Grèce ; et les bras, ce sont les deux branches du royaume, l'une s'étendant en Europe jusqu'à la Macédoine, l'autre allant en Afrique, jusqu'à l'Egypte.
On peut difficilement dire que ce fut Alexandre qui le fonda. Celui-ci ne fit que détruire, sans édifier ; traversant l'Asie comme un fou furieux, il pilla, massacra, il amoncela les ruines, n'ayant aucun plan arrêté, si bien que, peu avant sa mort, il fit de toutes ses conquêtes autant de parts qu'il avait de capitaines favoris, lesquels essayèrent tous de se faire couronner rois (Machabées I, 7-10).

Peu de jours après, la discorde commença entre les nouveaux rois, et quatre prétendants restèrent seuls en présence : Antigone Seleucus, Ptolémée et Cassandre.

Le plus habile, Seleucus, fut le véritable chef de l'Empire, mais Empire combien réduit, et différent du premier - la tête d'or - en étendue, en population, en coutumes, en lois, et par la langue même.

TROISIÈME EMPIRE

Il n'y a pas à douter que le troisième Empire fut l'empire romain. Les signes particuliers : « un troisième royaume, (l'airain, qui dominera sur toute la terre » (Daniel II, v. 39) désignent, comme par son nom, cet empire. De quel empire, sinon de l'empire romain, pouvait-il être dit avec vérité : il dominera sur toute la terre (la terre connue) ?

Considérez cet empire au temps d'Auguste, ou de Trajan, ou de Constantin, ou de Théodose. Il est si puissant qu'il enserre dans son ventre tous les royaumes à demi-barbares de la vieille Europe, de l'Angleterre à l'Afrique, de l'Espagne à l'Asie, avec toutes les îles de la mer. Il est non seulement dur et très résistant, mais il est encore sonore - d'airain. En effet, il assujettit tant et tant de peuples différents, non seulement par les armes, mais simplement même par le bruit et l'éclat de son nom.

«Le ventre et les cuisses d'airain », dit le prophète. Et c'est là encore une caractéristique de l'Empire romain qui se partage à un moment donné en Empire d'Occident et Empire d'Orient.

QUATRIÈME EMPIRE

De même que l'Empire grec fut édifié sur les ruines du premier Empire, de même que l'Empire romain le fut sur les ruines du second, de même exactement le quatrième Empire s'édifia sur les ruines de son prédécesseur.

Que suffit-il pour apercevoir ce quatrième et dernier Empire avec toute la clarté voulue, et aussi tous les signes particuliers ? Il suffit d'ouvrir les yeux et de regarder l'état actuel des choses ; il suffit de regarder cet assemblage de pays que renfermait la statue dans son ventre : Portugal, Espagne, France, Angleterre, Belgique, Hollande, Allemagne, Hongrie, Autriche, Pays balkaniques, Italie, Grèce, soit près des trois quarts de l'Europe ; puis l'Asie Mineure, avec tous ses états et royaumes : Syrie, Mésopotamie, Palestine, les trois Arabies, la Chaldée, la Perse, la Turquie, l'Égypte, toute l'Afrique du Nord, toutes les îles de la Méditerranée. Tout cela était compris dans l'empire romain. Et qu'est-ce devenu maintenant ?

Tournons les yeux vers la prophétie, et étudions-la bien.

Ce quatrième Empire, nous allons le voir avec une telle précision, une telle netteté, qu'il nous sera impossible de douter, quelque violence que nous fassions à nos yeux, comme à notre raison.

Ce quatrième Empire, de fer d'abord, commença au cinquième siècle de l'ère chrétienne lors de la formidable poussée de peuples appelée : l'invasion des Barbares.

Comme un torrent impétueux, ces peuples se ruèrent partout, inondèrent, démembrèrent et mirent en pièces toutes les provinces de l'Empire romain qui se disloqua, s'effondra. Ou, selon l'image même de la prophétie : « De même que le fer écrase et brise tout, ainsi, pareil au fer qui met en pièces, il écrasera et mettra en pièce tous les autres. » (v. 40). Et, en effet, cette multitude innombrable de guerriers : Francs, Burgondes, Suèves, Vandales, Avares, Magyars ou Hongrois, se précipitèrent, les uns à l'Orient, les autres à l'Occident, brisant, broyant tout. C'est le premier signe : « de même que le fer écrase et brise tout ».

Après cette destruction presque universelle, ces mêmes guerriers se partagèrent les territoires envahis et formèrent à eux tous un Empire nouveau, un système de domination totalement différent des trois premiers. Et c'est la partie inférieure de la statue, les pieds du colosse.

Mais où se trouve-t-il, cet Empire ? Quel est-il ? Quel est son nom ?

Cet Empire, c'est l'état de choses politique actuel, correspondant exactement au second signe indiqué par la prophétie : « il sera divisé ».

C'est un Empire sous de nombreuses têtes, composé de multiples États, - dix, chiffre symbolique de plénitude humaine, - c'est un Empire dont les parties, en même temps qu'elles sont associées, comme les orteils des pieds, en même temps qu'elles commercent entre elles, se viennent mutuellement en aide, ne fusionnent pourtant jamais, de manière à reconstituer, au profit de l'une d'entre elles, l'hégémonie politique d'autrefois, l'hégémonie du défunt Empire romain.

Ces parties composent un tout, mais, malgré cela, maintiennent farouchement leur indépendance. En un mot, cet Empire est « divisé ». Ainsi, chaque État constitue une pièce indépendante du tout ; néanmoins, il forme avec les autres, inconsciemment d'ailleurs, et comme malgré lui, une sorte de bloc dont les parties ont en commun certains intérêts, certaines lois générales, nécessaires à la vie de la collectivité.

Un mot explique parfaitement, et définit, cet étrange assemblage, c'est le mot : équilibre - l'équilibre européen - absolument indispensable, non seulement pour que les parties ne se détruisent pas entre elles, mais pour qu'elles se soutiennent à des moments donnés, en vue de l'intérêt de tous.

Il n'y a donc pas à craindre qu'une des parties de l'agrégat devienne un jour tellement puissante qu'elle assujettisse les autres et les absorbe, - ce qui fausserait la prophétie.

Non, de point en point, la prophétie s'accomplira infailliblement, parce que Dieu a parlé, et les parties mêmes qui composent ce tout singulier auront bien grand soin dans l'avenir, comme elles l'ont eu dans le passé, de maintenir leur indépendance et de rester « divisées » (Quand on songe que cette explication a été donnée vers 1780-90, on est encore plus frappé de l'étonnante clairvoyance de Ben-Ezra, clairvoyance dépassée infiniment encore par la sûreté de précision de la prophétie de Daniel et des oracles divins. On pouvait lire dans Le Temps du 7-1-1933: « De même que notre corps, lorsqu'il est en bonne santé, recèle les microbes les plus destructeurs, de mime la guerre est un microbe passionnel qui vit A l'état latent dans l'organisme mondial... La paix n'est pas autre chose qu'un équilibre. » - (N. d. t.)).

Le prophète dit plus, et ceci constitue le troisième caractère de cet Empire : « Cet Empire sera en partie fort et en partie fragile. Cela tient à ce que le fer est mélangé à l'argile dans les pieds de la statue. »

Or, que nous apprend l'histoire ? Que, malgré l'agitation, malgré le bouillonnement perpétuel de tous ces Etats, malgré les coups terribles qu'ils se sont portés, rien n'est survenu qui affectât le caractère de chacun. Que de guerres sanglantes et longues, que de batailles sur terre, sur mer, que de machines, que d'inventions, que de ruines ! Il semble souvent que certains de ces Etats vont en absorber d'autres. Mais non. La suite démontre bien vite l'exacte affirmation de la prophétie : « Cet Empire sera divisé ; il sera en partie fort et en partie faible. »

Quatrième caractère : « Le fer et l'argile seront mêlés de semences d'hommes (Ou, comme traduit la version du Rabbinat français : « se mêleront par des alliances humaines, mais sans qu'elles s'attachent solidement l'une à l'autre ». « De mariages », disent d'autres versions.) ». Ces parties, ou États particuliers (fer et argile), qui composent le quatrième Empire, se rapprocheront souvent par ce genre d'union qui paraît le plus indissoluble : le mariage. Mais elles n'en resteront pas moins divisées. Ce caractère est si évident, il est si conforme aux faits, qu'il n'a besoin d'autre explication qu'une étude sommaire de l'histoire.

Lorsque l'on vit, par exemple, Philippe II, d'Espagne, contracter mariage avec la reine d'Angleterre, on put supposer que ces deux royaumes, durs et solides, allaient fusionner et n'en former qu'un seul. On sait qu'il n'en fut rien (Pas plus que le mariage de Napoléon avec une archiduchesse d'Autriche ne permit de réaliser l'hégémonie rêvée... - (N. d. t.))

En résumé, dès que cet Empire se dégagea des ruines amoncelées par les Barbares, il fut « divisé ». Les parties qui le composaient, bien que toutes issues de la même origine, le fer, bien que voisines, toutes, et associées, comme sont les orteils du pied, divisées elles étaient, divisées elles demeurèrent, malgré tous les efforts tentés pour les amalgamer. On n'a jamais pu, jusqu'ici, on ne le pourra jamais, faire de toutes ces parties un Empire semblable aux trois premiers, un Empire ayant un seul chef, un Empire unique, sous une seule autorité (Le quatrième « Royaume « compte donc deux périodes distinctes : une de destruction, celle où il est fort comme du fer et ne fait qu'écraser et causer des ruines, - c'est le temps de l'invasion des Barbares. L'autre, de reconstruction : celle où, composé de fer et d'argile, il est en partie fort et en partie faible, et il est divisé (v. 41 à 43). C'est l'époque actuelle, allant de l'an 800 à nos jours, ce sont les « dix royaumes » sur lesquels repose l'équilibre européen, et qui ne formeront jamais un seul bloc, sous peine de contredire la prophétie : « ce royaume sera divisé » . - (N. d. t.)

LA PIERRE QUI FRAPPE

Deuxième partie de la Prophétie

Dans les temps de ces rois, le Dieu du ciel suscitera un royaume qui ne sera jamais détruit, et dont la domination ne passera pas à un autre peuple ; il brisera et anéantira tous ces royaumes-là, et lui-même subsistera à jamais. » (Daniel II, 44).

Ce dernier royaume, dit la prophétie, c'est ce qu'indique la pierre que tu as vue se détacher de la montagne « sans le secours d'aucune main n, c'est-à-dire d'elle-même, sans que personne lui donne une impulsion quelconque. Cette pierre tombera à son heure sur la statue, la frap pera aux pieds, la fera voler en poussière.

Voilà le fait annoncé par la prophétie. Voyons l'explication :

Autant que j'ai pu le vérifier, la plupart des commentateurs catholiques, sinon tous donnent ce grand événement comme accompli. Pour toute preuve, ils se citent les uns les autres, disant que la pierre dont il s'agit est tombée depuis des siècles. Depuis quand ? - Depuis que le Fils de Dieu est descendu du ciel sur la terre. On veut que cette parole sans le secours d'aucune main » soit accomplie par l'incarnation du Fils de Dieu dans le sein de la Vierge Marie, par l'oeuvre du Saint-Esprit, c'est-à-dire sans collaboration d'homme.

Par sa doctrine, par sa mort sur la croix, par sa résurrection, par la prédication de l'Evangile, cette pierre, donc Jésus-Christ, aurait détruit l'empire du diable, de l'idolâtrie et du péché. Et l'on suppose que cette même pierre commença immédiatement à grossir, qu'elle a grandi peu à peu et qu'elle est devenue une montagne si démesurée qu'elle a rempli toute la terre (On cite, à l'appui de cette opinion, les paraboles du « grain de sénevé » et du « levain » (Ev. de S. Mat. XIII), prises à contre sens. - (N. d. t.)). Cette montagne, c'est l'Église chrétienne, qui, selon nos commentateurs, est le cinquième et dernier Empire de la prophétie, Empire incorruptible et éternel.

Vous pouvez ici découvrir de vos propres yeux - ce que je disais au début - la vraie raison qui a conduit nos docteurs à donner à l'empire romain la quatrième place dans l'ordre des Empires figurés par la statue. Mais je laisse ce point à vos réflexions. Notre attention est attirée sur une chose plus grave et plus digne encore d'observation :

Je veux parler de la transition, aussi prodigieuse qu'inattendue, du domaine matériel au domaine spirituel.

Ce brusque passage soulève pour moi deux difficultés auxquelles nos commentateurs ne semblent pas avoir songé, auxquelles, en tout cas, ils n'apportent aucune solution.

Première difficulté : Si cette pierre, dont parle la prophétie, est déjà tombée sur la terre au temps d'Auguste, elle a dû faire son oeuvre de destruction tout d'abord. On demande alors : Quels pieds, c'est-à-dire quels royaumes, existant dans le monde, au temps de la naissance de Jésus, ont été broyés, mis en poussière, par le choc de la pierre ?

Seconde difficulté : Les quatre métaux de la statue, or, argent, airain, fer, représentaient-ils quatre Empires temporels, bien visibles dans le monde, ou bien quatre Empires spirituels? S'ils représentaient quatre Empires spirituels, pourquoi cet acharnement des docteurs à chercher ces Empires parmi les Chaldéens, les Perses, les Grecs ou les Romains ? Sinon, dans le premier cas, la pierre doit avoir brisé et anéanti ces Empires matériels, qui sont du reste les seuls dont on parle, et non les royaumes métaphoriques, dont on ne parle pas.

Prendre la moitié d'un texte dans un sens et l'autre moitié dans un autre sens, et un sens si diamétralement opposé, voilà un moyen bien étrange d'expliquer les Ecritures.

Voici l'explication que je présente :

Examen de la pierre.

Les docteurs nous disent : La pierre dont parle la prophétie est évidemment Jésus-Christ. Cette pierre, ajoutent-ils, tomba de la montagne, ou du ciel, dans le siècle d'Auguste, quand l'Empire romain était dans toute sa splendeur. En conséquence de cette chute, l'empire de Satan s'est trouvé ruiné. Puis, continuent les docteurs, la pierre a grandi, a rempli presque tout l'univers par la prédication de l'Evangile. La prophétie est accomplie, nous n'avons pas plus à l'attendre qu'à la craindre...

Tout cela se trouve en substance chez les interprètes de l'Ecriture, et tous leurs discours se réduisent à ce sophisme palpable.

Que la pierre soit le Messie, cela est incontestable. Mais, comme tous les chrétiens, nous croyons, nous savons, les Ecritures l'affirment, qu'il y a non pas une, mais deux venues du Messie, et que c'est à cette seconde venue que s'accompliront les prophéties qui, de toute évidence, ne se sont pas accomplies à la première.

Parmi ces prophéties, il est question de la pierre qui nous occupe en ce moment. Isaïe emploie la même figure : « Voici, j'ai mis en Sion une pierre, pierre éprouvée, angulaire, de prix, solidement posée. Celui qui s'appuiera sur elle n'aura pas à fuir. » (Isaïe XXVIII). Et au chapitre VIII, le prophète prédit que cette pierre sera aussi « une pierre d'achoppement, un rocher de scandale pour les deux maisons d'Israël ». Mais ce n'est point comme une force de destruction que viendra la première fois cette pierre. Le Christ dit : « Le Fils de l'homme n'est pas venu pour détruire, mais pour sauver ».

En sa première venue sur la terre, cette « pierre » n'a causé de dommage à personne. Bien au contraire : « Dieu n'a pas envoyé le Fils dans le monde pour juger le monde, mais pour que le monde fût sauvé par lui. » (Ev. de S. Jean III, 17).

Dieu a donné son Fils au monde pour être une pierre angulaire, le fondement ferme et solide sur lequel pût s'élever le grand édifice de l'Église.

Parlant du Messie à sa première venue, Isaïe dit : Il ne brisera pas le roseau froissé, il n'éteindra pas la mèche prête à mourir... » (XLII, 3).

Loin de faire aucun mal à sa venue, loin d'anéantir les gouvernements injustes qu'il trouva, Jésus se soumit à eux. Ce sont eux qui l'ont au contraire brisé, qui l'ont fait mourir, puis se sont acharnés contre ses disciples et son Eglise.

Mais il viendra un temps, il viendra infailliblement, où, les limites de la souffrance et de la patience divine étant atteintes, cette même « pierre » tombera une seconde fois, faisant un fracas terrible, et frappera avec toute la rigueur imaginable les pieds de la statue, c'est-à-dire les royaumes existant alors.

Nous n'avons donc aucune raison pour confondre un événement avec un autre. Quoique la « pierre », c'est-à-dire le Messie, soit une, les venues ou descentes du Fils de Dieu sur notre terre, sont certainement deux, très différentes entre elles, et sont articles de foi, l'une comme l'autre.

Ainsi, ce qui ne se produisit pas, ce qui ne put se produire, lors de la première venue, se produira infailliblement lors de la seconde,

Ensuite, le texte sacré dit que la pierre étant tombée de la montagne, et ayant mis en pièce la grande statue, cette pierre devint une montagne si considérable qu'elle couvrit toute la terre. Daniel explique cette énigme par ces mots (voyez si vous pouvez en faire l'application à l'Eglise) :

« Dans les jours de ces rois, le Dieu du ciel suscitera un Royaume qui ne sera jamais détruit, et dont la domination ne passera point à un autre peuple. Il brisera et anéantira tous ces peuples-là, et lui-même subsistera à jamais. » (v. 44).

Nous faisons appel à la logique et au simple bon sens, et nous demandons : ces paroles peuvent-elles s'appliquer à l'Eglise ? Il serait vraiment oiseux d'insister.

Mais combien, au contraire, est intéressant à faire le rapprochement entre les paroles du prophète Daniel et celles de saint Paul, sur le même sujet : « Puis ce sera la fin, dit l'apôtre, quand Il remettra le royaume à Dieu et au Père, après avoir anéanti toute principauté, tout pouvoir et toute force. » (1re Epitre aux Corinthiens, XV, 24). Paroles à rapprocher encore de ces deux passages des Psaumes CX et II : « Le Seigneur à ta droite brisera des rois au jour de sa colère » — alors, il leur parlera dans sa fureur et les épouvantera par sa colère », et de cet autre du prophète Isaïe, XXIV, 21 : « En ce jour, Jéovah châtiera les rois de la terre, et ils seront assemblés captifs, comme sont entassés les prisonniers dans les cachots, et ils seront châtiés longtemps après. » Et enfin de ce qui est dit de tous les rois de la terre au chap. XIX de l'Apocalypse. Toutes ces paroles des prophètes doivent se vérifier un jour, puisqu'elles ne l'ont pas encore été. Et ce n'est qu'après cela que commencera sur la terre un nouveau Royaume, le Royaume messianique, absolument différent de tous ceux que le monde a connus jusqu'ici. Il sera établi par la même « pierre » qui doit détruire et anéantir la statue. Saint Paul dit encore : « Car il faut qu'Il règne jusqu'à ce qu'Il ait mis tous ses ennemis sous ses pieds. » (1 Corinth. XV, 25). Et vous voyez ici, lecteur, distinctement annoncé, le jugement des vivants (qu'il ne faut pas confondre avec le jugement des morts), jugement affirmé par notre Symbole des Apôtres et corroboré par une quantité de déclarations des Saintes Ecritures.

CONCLUSION

L'étude soigneuse de cette grande prophétie sera des plus utiles à quiconque ne peut vivre et se complaire dans l'artificiel.

Elle sera d'un grand intérêt aussi à tous ceux qui n'ont jamais pris au sérieux les Ecritures ; elle leur en démontrera l'incomparable valeur.

De point en point, au cours de vingt-six siècles, depuis le monarque assyrien jusqu'à nos jours, les événements que préfigure le fameux colosse aux pieds d'argile se sont déroulés, corroborant la prophétie de la façon la plus précise.

Aussi sommes-nous tous invités à prendre comme un grave avertissement les vérités que Dieu veut nous faire entendre. Refuser d'y croire, c'est courir à la catastrophe vers laquelle est entraîné ce monde. — « Le jour du Seigneur, dit l'apôtre Paul, viendra comme un voleur dans la nuit. Quand les hommes diront : Paix et sûreté sur eux ! c'est alors qu'une ruine soudaine fondra, et ils n'échapperont point... » (1° Epître aux Thessaloniciens, ch. V, 1-11).
Ce n'est point parce que l'on n'y croit pas, ou que l'on n'en fait pas de cas, que les prophéties manqueront de s'accomplir.


DEUXIEME PARTIE

Le chapitre VII du livre du prophète Daniel

— Daniel prit la parole et dit : Je voyais dans ma vision pendant la nuit, et voici que les quatre vents du ciel fondaient sur la grande mer. Et quatre grandes bêtes montèrent de la mer, différentes d'une de l'autre. La première était semblable à un lion et avait des ailes d'aigle. Je contemplais jusqu'au moment où ses ailes furent arrachées, et où elle fut enlevée de terre, et dressée sur ses pieds comme un homme, et où un coeur d'homme lui fut donné. Et voici une autre bête, une deuxième, ressemblant à un ours ; elle dressait l'un de ses côtés, et trois côtes étaient dans sa gueule entre ses dents, et on lui disait : Lève-toi, mange beaucoup de chair ! Après cela, je regardais, et voici une autre bête semblable à un léopard ; elle avait sur son dos quatre ailes d'oiseau, et cette bête avait quatre têtes, et la domination lui fut donnée. Après cela, je regardais dans les visions de la nuit, et voici une quatrième bête terrible, effrayante et extraordinairement forte ; elle avait de grandes dents de fer ; elle dévorait et brisait, et le reste, elle le foulait aux pieds ; elle était différente de toutes les bêtes qui avaient précédé, et elle avait dix cornes. Je considérais les cornes, et voici qu'une autre corne, petite, s'éleva au milieu d'elles, et trois des premières cornes furent arrachées par elle, et cette corne avait des yeux comme des yeux d'hommes, et une bouche qui disait de grandes choses. » (Daniel VII, 2-8.)
Nous avons ici la première partie de cette prophétie. Voyons l'explication communément donnée par les interprètes (Les commentateurs protestants aussi bien que les catholiques. - (N. d. t.)) :
Le mystère de ces quatre Bêtes, disent-ils, est le même que celui de la statue, à la différence qu'il est représenté par d'autres symboles et figures.
Partant de cette affirmation, on s'est ingénié à accommoder aux quatre Bêtes ce qui est dit des quatre Empires. Il y a un changement, toutefois, un seul, mais d'importance. Quoique ce mystère soit le même (selon eux) que celui de la statue, ils ne lui donnent pas la même terminaison, ne l'assimilant pas à la première venue du Messie. Ils sont plus loin : ils transportent cette fin à sa seconde venue, reportant, par conséquent, jusqu'à cette époque leur empire romain tombé du ciel, ou ressuscité.
Cet empire romain, continuent-ils, est représenté ici sous la figure d'une Bête nouvelle et des plus féroces. C'est la quatrième Bête, couronnée de dix cornes terribles, dont l'interprétation est donnée par Daniel lui-même : Ce sont autant de rois, dit-il, VII, 24.
La quatrième Bête étant la plus terrible de toutes est aussi celle qui résiste le mieux à l'explication du système ordinaire.
Comme, de l'aveu même des docteurs, tout ce qui est dit d'elle appartient manifestement aux derniers temps ; comme, d'autre part, l'Empire romain, depuis des siècles, a disparu du monde, et personne ne sait où il se trouve, il est naturel, — il n'en peut être autrement, — que l'adaptation à l'Empire romain soit infiniment difficile et embarrassante. Mais enfin, il n'y a pas d'autre porte de sortie ; tout doit cadrer avec l'Empire romain, coûte que coûte.
Par conséquent, non seulement cet Empire romain existe, mais encore il doit durer jusqu'à la fin du monde. Voilà ce dont on nous voudrait persuader.
Si vous demandez des raisons, vous aurez la grande surprise de vous voir, pour toute réponse, renvoyé à cette quatrième Bête : Songez, dit-on, aux dévastations qui doivent survenir dans les derniers temps. Et si vous insistez, réclamant d'autres preuves : Mais non, répond-on, il n'y en a point.
En sorte que, si, par malheur, cette quatrième Bête ne représente pas l'Empire romain, mais quelque chose de très différent, tout croule, faute de base pour le système.
Telle est l'interprétation reçue.
A cette argumentation, je présenterai une objection :
Si la quatrième Bête représente l'Empire romain, et si les trois autres figurent les trois autres Empires, non seulement l'Empire romain, mais aussi les autres Empires, doivent alors coexister dans les derniers temps.
Pourquoi cela ? Parce qu'il est écrit, v. 12 : « Aux autres Bêtes aussi on avait ôté leur domination, mais une prolongation de vie leur fut accordée jusqu'à un temps et un délai déterminés (Version du Rabbinat français. D'autres disent pour une époque déterminée. D'autres : jusqu'à un certain temps. - (N. d. t.).
Ou bien on admet cette alternative, ou bien on la nie.
Si on l'admet (ce qui paraît dur à croire), je demande quelles peuvent bien être les bonnes raisons pour faire sortir du tombeau ces trois empires depuis longtemps oubliés.
Si l'on ne l'admet pas, j'oppose le texte rigoureux de cette prophétie qu'on ne peut discuter : « La Bête (la quatrième) fut tuée, et son corps détruit et jeté au feu. Aux autres Bêtes aussi on avait ôté leur domination jusqu'à un certain temps. »
En sorte que, nous en tenant à l'explication des commentateurs, la quatrième Bête, l'Empire romain, mourra de mort violente dans les derniers jours, son corps sera brûlé, et, cette sentence étant exécutée, les trois autres Bêtes, les trois autres Empires, on se contentera de les dépouiller de leur puissance. Il s'ensuit inévitablement que ces trois Empires, de même que l'Empire romain, existeront au temps de la fin, en pleine possession de leur puissance, sinon quel pouvoir pourrait-il leur être enlevé ?
J'approfondis un peu mon argument : Si les trois premières Bêtes figurent les trois Empires, chaldéen, perse, grec, il paraît nécessaire que non seulement ces Empires durent autant que le romain, mais même qu'ils lui survivent.
Pourquoi ? Parce que la prophétie dit expressément que la quatrième Bête meurt, alors qu'on enlève seulement le pouvoir, mais non la vie, aux trois autres. Mais comment ces paroles peuvent-elles s'appliquer aux quatre Empires dans les derniers temps ? Entreprise vraiment difficile, sinon impossible.
On propose une autre explication :
Je dis on propose, car cette explication ne peut se démontrer par l'autorité de l'Ecriture. Il s'agit en effet ici d'une métaphore, au sujet de laquelle l'Ecriture ne donne aucune explication comme en donne pour d'autres. Je ne puis donc parler que de conjecture, mais conjecture qui me paraît atteindre le plus haut degré de probabilité. Toutefois, de ceci, ce n'est pas moi, c'est le lecteur qui doit juger.
Et alors même que mon explication des Bêtes serait rejetée cela ne toucherait pas le fond de la question, car mon thème principal est en réalité la deuxième partie de la prophétie, ce qui se rapporte à la venue sur les nuées du ciel de quelqu'un de semblable à « un fils d'homme ». Donc, en premier lieu, je ne puis en aucune façon admettre que cette vision des Bêtes sauvages ait un rapport quelconque avec celle de la statue.
Achevant de rapporter sa dernière vision, le prophète dit : « Mes pensées m'effrayèrent beaucoup, je changeai de couleur... » (VII, 28).
Si cette vision n'était qu'une simple répétition de la première, pourquoi aurait-elle ainsi épouvanté le prophète ? Ce mystère, ne le connaissait-il pas depuis bien des années déjà, depuis sa jeunesse ? Et Daniel n'avait-il pas tout expliqué à Nébucadnetzar, sans donner ces signes d'horreur ou d'épouvante ? Pourquoi une telle émotion devant la vision du même mystère ? Donc, ou le mystère est essentiellement différent, ou, tout au moins, il se montre sous un tel aspect que le prophète y aperçoit des événements d'une portée beaucoup plus considérable, d'une portée telle que en dépit de son âge avancé et du fait qu'il était accoutumé à d'extraordinaires visions, le prophète en éprouve une profonde horreur. Bien qu'il soit, nous le savons, révélé à Daniel que « ces quatre Bêtes sont quatre royaumes », ce que nous voulons dire c'est que ces Bêtes représentent des royaumes ou Empires, mais pris dans un sens tout différent.
Dans le colosse aux pieds d'argile, c'est uniquement le côté matériel des choses qui est considéré. Dans les Bêtes, au contraire, ces royaumes sont vus en relation avec le côté spirituel. Cela est évident. Dans le mystère de la statue, aucune allusion n'est faite à la religion des Empires dont il est parlé ; il n'y a aucun indice qui permette d'inférer que la moindre relation existe entre les Empires et le divin. Il est parlé de force, de grandeur matérielle, de conquêtes, de violences, de ruines, d'alliances, de mariages, etc., et tout est figuré par des métaux, par de la boue, matière froide et inerte. Il n'en est pas ainsi dans le mystère des Bêtes. Il y existe précisément des signes non équivoques de relations avec le divin. Par exemple : les blasphèmes contre le Très-Haut, les persécutions contre les Saints, le coeur humain donné à la première Bête, le tribunal extraordinaire que préside le Juge céleste, enfin la glorification du « peuple des Saints du Très-Haut » (VII, v. 25-28).
Tous ces signes indiquent que ce mystère se rapporte bien à un domaine spirituel, à une affaire de religion dont le jugement relève immédiatement de Dieu.
En résumé, dans le mystère des Bêtes, ces mêmes Empires sont représentés avec esprit et vie, dans leur rapport avec la Divinité, et sous forme de Bêtes sauvages, parce que ces rapports ne tendent pas, bien au contraire, à accorder à Dieu l'honneur et le culte qui lui sont dus. Ceci établi, nous pouvons, sans grand danger de nous écarter beaucoup de la vérité, affirmer que ces quatre Bêtes ne représentent rien d'autre que quatre grandes et fausses religions, qui devaient égarer l'humanité au cours des siècles. Comme tant d'autres Bêtes sorties de l'Abîme, elle devaient faire leur proie de la malheureuse descendance d'Adam, tenter de la mener à sa ruine, à la perdition éternelle.
Elles représentent, d'une façon générale, les quatre religions dominantes du monde. Ces religions, fausses et difformes, bien qu'ayant été, et étant, innombrables dans leurs détails, dans leurs formes, se réduisent en définitive à quatre.
Les trois premières se présentent sous l'image de trois fauves, connus pour être les plus féroces, les plus redoutables ; la quatrième apparaît sous l'image d'un être nouveau, très différent des autres et résumant en elle la férocité de toutes les autres Bêtes.

PREMIÈRE BÊTE

Cette première Bête, ce lion avec des ailes d'aigle, nous apparaît comme le symbole propre et naturel de la plus ancienne de toutes les religions : l'idolâtrie.
Rien n'est plus propre que ce lion ailé à exprimer la violence et la rapidité avec lesquelles l'idolâtrie se répandit sur toute la terre, et aussi les terribles ruines, morales et intellectuelles, dont elle remplit la terre assujettie à son tyrannique et cruel empire. Ni le peuple de Dieu, Israël, ni la ville sainte, Jérusalem, ni le temple même, le lieu le plus vénérable et le plus sacré de la terre, ne purent se dérober à ses ailes d'aigle, non plus qu'être épargnés par sa voracité. La vision ne s'arrête pas là : Le prophète considère la Bête jusqu'au moment où ses ailes lui sont ôtées, où elle est tenue debout et où un coeur d'homme lui est donné. Et c'est ponctuellement là ce qui se passa au début de l'heureuse époque de l'apparition du christianisme. Sous l'effet de la prédication des apôtres qui livrèrent, eux et leurs successeurs, tant de rudes batailles à l'idolâtrie, ses ailes tombèrent, ou plutôt lui furent arrachées de vive force. Ces ailes nous apparaissent (d'autres peuvent penser mieux) comme les principes propres à l'idolâtrie des premiers âges de l'humanité : l'ignorance, pour une part, la mythologie pour d'autre. L'ignorance du vrai Dieu, de qui s'étaient éloignés les hommes, et la fable, qui avait substitué à ce vrai Dieu tant de divinités fausses et ridicules sur le compte desquelles on racontait d'innombrables prodiges.
Les apôtres s'attaquèrent d'abord aux deux ailes. Ils annoncèrent le vrai Dieu au monde, ils donnèrent, de la divinité, des idées claires, pénétrantes ; ils enseignèrent sur ce sujet tout ce qu'ils venaient d'entendre de la bouche même du Fils de Dieu, tout ce que leur inspirait l'Esprit Saint, démontrant la fausseté et le ridicule de tous ces absurdes dieux devant qui les hommes s'étaient prosternés jusqu'alors.
Et l'on vit dès lors l'idolâtrie non pas disparaître, mais, pour une bonne partie de la terre, s'humaniser, en quelque sorte, — un coeur humain lui fut donné. Le sentimentalisme pénètre l'idolâtrie, qui se présente sous d'innombrables formes, spiritisme, fétiches, mascottes, porte- bonheur, préservateurs d'accidents, etc., formes modernes, aux aspects innombrables, de l'idolâtrie.
La Bête continua donc à vivre, elle vit encore, quoique bien amoindrie, et elle subsistera même après la mort de la quatrième Bête, comme nous avons vu.

LA DEUXIEME BÊTE

La deuxième Bête était semblable à un ours. Celle-là n'avait pas d'ailes pour voler et s'étendre sur la terre entière. Mais elle avait trois côtes entre ses dents. Il ne semble pas que ces trois côtes puissent représenter trois espèces de chair, ou de peuples divers, comme on le dit communément, puisqu'on suppose que cet ours symbolise l'Empire médo-perse, car alors ce ne sont pas trois, ce sont dix, ce sont vingt côtes, et plus, que l'ours devrait avoir dans sa gueule, vu le grand nombre de peuples assujettis et absorbés.
Il paraît beaucoup plus naturel de penser que ces trois côtes représentent trois manières de manger, ou trois espèces d'armes pour capturer sa proie, pour pourvoir à sa nourriture.
Toutes ces circonstances attirent naturellement notre attention sur une religion, grande et difforme, qui apparut sur la terre quand la première Bête était déjà privée d'ailes.
Je veux parler du Mahométisme.
On peut noter les caractéristiques de cette fausse religion. D'abord, sa ressemblance avec l'ours, l'une des bêtes les plus repoussantes et d'aspect terrible.
Ensuite, ce détail particulier que l'ours ne se rencontre que sur une partie, ou un côté de la terre.
Le Mahométisme, en effet, n'a jamais couvert toute la terre, comme l'idolâtrie, mais seulement le milieu de l'Asie et la partie septentrionale de l'Afrique, où il s'est établi dès le début, et qu'il n'a jamais pu dépasser. Mais s'il n'a pas fait de progrès, il n'a jamais non plus perdu beaucoup de ses adeptes (Les missionnaires en savent quelque chose. - (N. d. t.)).
En troisième lieu, on retrouve exactement dans le Mahométisme ces trois côtes que le prophète vit dans la gueule de la seconde Bête, les trois armes d'attaque et de conservation de cette religion.
La première côte, ce fut la fiction et supercherie, dont se servit Mahomet pour se faire accréditer comme prophète. Mais comme la fiction ne peut indéfiniment durer, les Mahométans n'étant pas assez inintelligents pour croire toujours des choses incroyables, il était nécessaire, pour la vie de la Bête, que celle-ci possédât deux autres côtes, deux autres éléments de nourriture. Ce sont, selon moi, d'abord, l'épée.
Ce que supercherie et fiction ne purent obtenir, la force l'obtint.
Mais la force ne suffisait pas encore.
En peu d'années, la Bête serait morte de faim.
Une licence de moeurs à peu près illimitée, tel fut le moyen diaboliquement génial de river à sa religion le malheureux adepte de Mahomet.
Ainsi armée de ses trois côtes, on pouvait dire à la Bête : Lève-toi, bête féroce, mange, rassasie-toi de viande. »

LA TROISIÈME BÊTE

La troisième Bête était semblable à un léopard ou à un tigre, dont le pelage offre quelque attrait par la disposition et la diversité des couleurs.
Cette bête avait quatre ailes d'oiseaux et aussi quatre têtes. Elle était puissante.
Il semble que tous ces signes et ces particularités désignent cette Bête comme avec la main. Cette troisième Bête (qui le croira), cette troisième Bête, cher lecteur, c'est le christianisme. Vous ne pouvez penser un seul instant que je parle du vrai christianisme. Non seulement celui-ci n'a aucune ressemblance avec les bêtes féroces, mais encore il transforme les bêtes féroces en hommes, et les pierres en fils d'Abraham. Je parle uniquement du faux christianisme. Voyons quel est le caractère propre de cette religion.
En premier lieu, le faux christianisme est, comme le léopard, bariolé. Pour des yeux superficiels, une telle diversité, une telle variété, peuvent paraître séduisantes.
Ensuite, le faux christianisme a volé jusqu'aux quatre points cardinaux, s'étendant jusqu'au bout de la terre. C'est cette extension que représentent les quatre ailes d'oiseau du léopard. En troisième lieu, on voit au faux christianisme quatre têtes ; cela signifie que quatre éléments très différents se sont, sous cette fausse religion, associés pour déchiqueter, pour dévorer le vrai christianisme, et le convertir, si possible, en leur propre substance.
La première de ces têtes, c'est ce que nous appelons proprement hérésie ; nous devons comprendre là toutes les hérésies apparues depuis la fondation du christianisme.
La seconde tête est le schisme, qui est un mal différent de l'hérésie. A cette tête appartient ce que chacun sait. Cela vous semble-t-il peu de chose ? Toute la Grèce, les Balkans, l'Asie Mineure, l'Arménie, la Géorgie, la Syrie, la Palestine, l'Egypte, en un mot tout ce qui s'appelait autrefois l'empire d'Orient, et, en plus de tout cela, une immense région vers le nord de l'Europe et de l'Asie ? Tout en émiettement du christianisme, cet esprit d'hérésie, telle est la seconde tête de la Bête.
La troisième tête du faux christianisme est l'hypocrisie. Je lui donne ce nom équivoque, quoique juste, parce qu'il ne me paraît pas indiqué de lui donner son nom propre, mon intention étant non d'offenser ou d'exaspérer, mais de porter remède.
Traitant ici de fausses religions, figurées par des Bêtes, il ne viendra à l'idée de personne que je fais allusion au vice de l'hypocrisie en général ; non, je songe à l'hypocrisie en matière religieuse, à cette déformation spéciale que l'apôtre a annoncée pour les temps derniers : « L'Esprit dit clairement que, dans les temps à venir, certains abandonneront la foi pour s'attacher des esprits séducteurs et à des doctrines diaboliques, enseignées par d'hypocrites imposteurs qui ont la marque de la flétrissure dans leur propre conscience... » (1re épître à Thimothée, IV, 1). Parlant ailleurs de cela, saint Paul dit encore : Sache que, dans les derniers jours, viendront des temps difficiles. Il y aura des hommes... ayant les dehors de la piété sans en avoir la réalité. » (2 Timot. III, 1-6).
Je n'ai donc pas l'intention de dire quels sont, ou quels seront, ces hommes couverts du pelage chrétien et cachés dans l'Église pour déchirer cet asile à leur profit. Il me suffit de montrer cette troisième tête, et d'y rendre attentifs les intelligents.
Il reste à désigner la quatrième et dernière tête du faux christianisme. Quoiqu'elle soit la plus ancienne, et comme la mère commune des trois premières, elle est en même temps la moins connue et la moins redoutée sous sa figure souriante et son air doucereux.
Ne vous fatiguez pas, lecteur, à chercher cette tête hors de la maison. Grâce à son apparence séduisante, elle a diverti, elle a enchanté de tout temps les fils d'Adam, elle a capturé et elle capturera encore bien des proies et causera des dommages sans nombre au vrai christianisme. Jetez un coup d'oeil sur le monde chrétien, parcourez par la pensée tous ces pays qui se réclament du christianisme, que voyez-vous ?
Vous voyez avec surprise une infinité d'abus dont vous serez épouvanté. Je ne parle pas des misères propres à notre boue, je parle seulement de choses aussi nombreuses que graves qui, bien que connues pour monnaies fausses, réprouvées, prohibées par l'Evangile, circulent librement néanmoins, comme si elles étaient sans importance, voire nécessaires.
Ah ! lecteur, vous qui lisez l'Evangile, instruit que vous avez été de la doctrine des Apôtres, ne trouvez-vous pas que c'est une chose bien dure que le nom de chrétien soit donné à quelqu'un qui, pour peu qu'on le sonde, porte en lui les trois affections dont parle saint Jean : concupiscence des yeux, concupiscence de la chair et orgueil de la vie ? Pensez-vous que cela soit rare dans le monde catholique (Ben-Ezra s'adresse aux catholiques. Mais tue penser du monde protestant ?- (N. d. t.)) ? Pensez-vous que cette fausse monnaie ne circule pas, même dans le sacerdoce? Ne vous paraît-il pas chose fort dure d'avoir à donner le nom de chrétien à des personnes chez qui ne se rencontre qu'une foi médiocre, ou même pas de foi du tout, ou une foi si distraite, si endormie qu'elle ne produit rien de profitable, en dehors de telle pratique extérieure qu'emporte le vent ?
Ne vous paraît-il pas chose fort dure, enfin, de voir porter le nom de chrétien à celui qui, au lieu des fruits de l'Esprit, l'amour, la joie, la paix, la tolérance, la douceur, la bonté, la fidélité (Epitre aux Galates V, 22), produit plutôt les oeuvres de la chair : « Elles sont manifestes, continue l'apôtre et docteur des peuples, ce sont : l'impudicité, l'impureté, le libertinage, l'idolâtrie, les maléfices, les inimitiés, les jalousies, les emportements, les disputes, les dissensions, les sectes, l'envie, l'ivrognerie, les orgies, et autres choses semblables. » (Galates V, 19-21) !
Je ne trouve pas de nom plus propre à désigner cette quatrième tête du faux-christianisme que celui que nous venons de dire : concupiscence de la chair, concupiscence des yeux et orgueil de la vie. Il paraît certain que cette troisième Bête, avec ses quatre têtes, continuera à vivre en faisant chaque jour plus de mal, jusqu'à ce que le Seigneur vienne apporter le remède. Il est expressément dit, en effet, dans l'Evangile,
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