A travers le monde, le tube "Comme d'habitude" est très connu, particulièrement
pour avoir été repris à toutes les sauces et cultures, en diverses langues pour
un total dépassant les 1000 versions. On connaît notamment le "My way" de Franck
Sinatra, et d'autres grands noms de la musique comme Michel Sardou, Florent
Pagny, Faudel ou Il divo qui ont repris cette chanson incontournable.
Au Cameroun, il existe une chanson similaire à "Comme d'habitude", qui a depuis
plusieurs dizaines d'années fait le tour de l'Afrique, dépassant parfois ses
frontières : le célèbre "Ami oh". Reprise plusieurs fois depuis des décennies,
dont par African Connection aux débuts du Coupé Décalé - avec notamment Jacob
Devarieux -, Ami oh fait partie des incontournables de la musique africaine. Si
les croyances populaires attribuent à Bebe Manga la parenté de cette célèbre
chanson, la vérité est qu'il faut en fait remonter plus loin dans le temps pour
trouver la naissance de cette musique.
En effet, Ami oh, ou Amiyo, ou Amié n'a pas été composée dans les années 80 par
Bebe Manga, mais 20 ans plus tôt par un nom que seul les initiés de la musique
camerounaise connaissent : Ebanda Manfred.
En effet, Ebanda Manfred qui fait partie qui fait partie des pionniers de la
musique camerounaise, est né le 02 Décembre 1935. En 1962, il compose en 1962 le
titre "Amié" alors qu'il fait partie avec Nelle Eyoum du groupe Ryhmic Band
qu'il a intégré un an plus tôt. Si aujourd'hui cette chanson est connue sous le
titre "amie oh", son titre original Amié est à la base le prénom d'une fille
dont il est amoureux : Amié Essomba Brigitte, et la chanson est en fait une
complainte d'un amoureux transi qui n'arrive pas à toucher le coeur de l'être
aimé : "Amié, njika bunya so mo, oa mo o ma dubè no, na mba na tondi oa?"
qui signifie en Français :"Amié, quand croiras-tu enfin en mon amour?".
En effet, selon certaines sources, alors qu'il avait déclaré sa flamme à l'élue
de son coeur, celle-ci qui était enceinte l'avait alors repoussé, voulant
attendre d'avoir sevré son enfant avant de le fréquenter. Si cette thèse était
vraie, alors Amié Essomba a alors involontairement été la muse d'une des plus
célèbres chansons africaines. |
Quelques années plus tard, c'est au tour de Paul Ebeny d'enregistrer une reprise
d'Amié. Quand il se rend à la Sacem. Heureusement, Ebanda Manfred a déjà déposé
la chanson et Paul Ebeny est obligé d'inscrire son nom comme auteur /
compositeur et de lui verser des royalties. Mais c'est en 1980 que cette chanson
connaîtra un essor mondial : Bebe Manga sort une reprise dont le succès la fera
remporter le "Maracas d'or" de la Sacem. C'est cette version de la musique qui
reste la plus connue aujourd'hui.
Le succès aidant, de nombreux grands noms de la musique reprennent le titre qui
est devenu Amio : Manu Dibango, Monique Seka, Papa Wemba, Henri Salvador, ou
encore l'Antillais André Astasié qui l'appelle alors "pension alimentaire". Plus
tard, les Bisso na Bisso, Nayanka Bell et beaucoup d'autres encore
reprennent un titre dont la portée est désormais mondiale. De ce succès, quel
est le profit de l'auteur ? Assez faible : "Je sais que la chanson “Amié” a
été reprise plus de 20 fois mais, de tous les chanteurs qui l’ont interprétée,
je n’en connais qu’une dizaine. A l’exception d’un Américain dont je ne me
rappelle plus le nom qui a contacté mon avocat en 1984 et a versé 5 millions de
f cfa - moi je n’ai eu droit qu’à 2 millions de f cfa de cette somme - pour
reprendre “Amié”, aucun des autres chanteurs n’est entré en contact avec moi.
Mais leurs adaptations d’“Amié” ont généré des droits qui m’ont été versés. Amié
m’a rapporté jusqu’ici, 15 millions f cfa au minimum, rien que pour les
reprises, et j’attends toujours de l’argent qu’elle génère. En droits radio je
n’ai presque rien eu de ce titre. Tout ce que j’ai gagné sur “Amié” vient donc
des interprétations. J’aurais pu gagner le double de cette somme si mes avocats
et autres mandataires ne m’avaient truandé pendant la répartition de l’argent".
Entre temps, Ebanda Manfred a rencontré une autre femme, qui aura elle aussi
toute son importance dans sa carrière musicale : Villa Vienne qu'il a épousée.
Et s'ils ont divorcé en 1978, elle est restée sa compagne musicale, et ils ont
formé jusque dans les années 90 un duo novateur dans le monde du makossa avec
plusieurs albums au top, reprenant d'ailleurs... Amio, la version originale
d'Ebanda Manfred n'ayant été enregistrée que pour la radio.
A leur actif, on comptera une dizaine d'albums, à l'époque des 45 tours et des
33 tours, dont le dernier en 1989, "Lolo". 30 ans d'une carrière bien remplie
des années 70 à la fin des années 80, le duo "divorçant" définitivement en 1989.
De confession de Villa Vienne, la musique n'était pour eux qu'un passe-temps,
qu'une façon d'exprimer l'amour, thème privilégié de leurs chansons : en effet,
elle travaillait au Crédit Lyonnais tandis qu'Ebanda Manfred était agent
comptable de l'OAPI (Organisme Africain de la Propriété Intellectuelle).
En 2003, le 03 Septembre, Ebanda Dooh Manfred s'éteindra à Bonabéri, à l'hopitâl
Cebec après des douleurs gastriques. Il sera inhumé le 13 Septembre à son
domicile de Bojongo. Villa Vienne, sa compagne de toujours confiera au Messager
sa douleur et sa difficulté de vivre sans celui qu'elle a toujours considérée
comme son âme soeur. Elle s'éteindra deux ans plus tard, en 2005, encore plus
discrètement que son ancien mari.
Ebanda Manfred, avec Nelle Eyoum, Francis Bebey et beaucoup d'autres, fait
partie de ceux qui ont contribué à façonner le paysage musical camerounais avec
une contribution hors du commun. Au delà d'"Ami oh", qui a franchi les
frontières camerounaises, Ebanda Manfred a aussi propulsé de nombreux musiciens,
dont un certain Ekambi Brillant qui l'a toujours considéré comme son père.
Sources :
Afrikara :
Ebanda Manfred, inventeur du classique africain universel, “Amio“, s’éteint dans
l’anonymat
Le Messager : Villa Vienne, ma vie sans Ebanda Manfred, de Vincent Mboua
Le Messager : Ebanda Manfred, l'artiste aux chansons immortelles, de Danielle L.
Nomba
Le Messager : Musique : le morceau de Makossa le plus popularisé
Le Messager : A Ebanda Manfred, l'adieu de ses pairs
Cameroon Tribune : Le créateur d’Amio a été conduit à sa dernière demeure samedi
dernier à Bodjongo, de Benjamin Lissom Lissom
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