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Aspects culturels qui peuvent freiner le développement ?
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yebokolo
Shabbaeur du lac


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MessagePosté le: Wed Feb 09, 2011 1:46 am    Sujet du message: Répondre en citant

Vu dans Ecovox,
Cet article éclairera t 'il la question du Tribalisme au Cameroun ??

BREVE HISTOIRE DU TRIBALISME AU CAMEROUN
de L'INDEPENDANCE a NOS JOURS
 

L'administration coloniale a largement contribué à la reproduction de l'ethnicité en l'exploitant en sa faveur. Ce système de divisions ethniques s'est perpétué de façon endémique sous l'administration néocoloniale.
Ainsi le Cameroun indépendant, bien que jeune, draine déjà une vieille tradition de tribalisme dont les manifestations se donnent à voir sporadiquement dans des affrontements physiques, politiques et intellectuels des individus ou des groupes ethniques différents. Retour sur quelques faits marquants.
Mars 1960 : Le Colonel français Jean Lamberton déclare dans un article intitulé " Les Bamiléké dans le Cameroun d'aujourd'hui " paru dans la Revue de Défense Nationale à Paris : " Le Cameroun s'engage sur le chemin de l'indépendance, avec, dans sa chaussure, un caillou bien gênant. Ce caillou, c'est la présence d'une minorité ethnique : les Bamiléké...l'histoire obscure des Bamiléké n'auraient d'autre intérêt qu'anecdotique si elle ne montrait à quel point ce peuple est étranger au Cameroun".
1966 : Victor Kanga, alors Ministre de l'Information et de la Culture, est arrêté en raison de son implication dans un prétendu "Complot bamiléké" contre le pouvoir. Il restera longtemps en prison.
1970 : Arrestation de Mgr Ndongmo, Evêque de Nkongsamba accusé de connivence avec Ernest Ouandié, alors qu'il tentait de négocier avec ce dernier son ralliement à la demande du Président Ahmadou Ahidjo. Le prélat sera jugé, condamné à mort puis, en 1975, bannir du pays sans la moindre protestation de ses pairs. 1979 : Révolte des Arabes Choa du village Dollé contre leur situation d'exclusion. Au bilan, le village rasé sur ordre d'Ahidjo.
1986 : Publication par Kengne Pokam Emmanuel d'un ouvrage intitulé : la problématique de l'Unité Nationale au Cameroun : dichotomie entre discours et pratiques politiques dans un système monolithique.
1984 (6 avril) : Coup d'Etat manqué. Le pouvoir y voit la main de l'aristocratie Peul et en tire les conséquences.
1987 : 51 Prêtres " autochtones " de l'archidiocèse de Douala sur 80 adressent au Vatican un mémorandum dénonçant la " bamilékisation " de la hiérarchie de l'Eglise à la suite de la nomination de Mgr Gabriel Simo comme Evêque auxiliaire à Douala.
1987 (11 mars) : Au cours d'une table ronde organisée par le club UNESCO de l'Université de Yaoundé sur le thème " la littérature politique camerounaise ", Hubert Mono Ndjana teste un nouveau concept, l'ethnofascisme qu'il définit comme " volonté de puissance d'une ethnie ou l'expression de son désir hégémonique qui prend soit la forme du discours théorique, soit celle d'une mêlée ouverte dans la polémique, soit celle d'une organisation systématique sous la forme d'un mercantilisme conquérant ".
1987 : Publication, en réaction à la thèse développée sur l'ethnofascisme, d'un ouvrage intitulé : la philosophie politique trahie : le monofascisme, Paris, Atelier, Silex. Le professeur Sindjoun Pokam y attaque violemment les arguments soutenus par Mono Ndjana.
1987 : Publication aux Ateliers Silex à Paris de Ethnofascistes : la vérité du sursis par David Ndachi Tagne. 1990 (1er mars) : Des intellectuels Bamiléké adressent un mémorandum anonyme au Président de la République avec pour objet l'intégration nationale. 1990 : Naissance de la Dynamique Culturelle Kirdi (DCK). Objectif déclaré : revaloriser les cultures ancestrales des peuples Kirdi. Objectif caché : positionnement des élites Kirdi sur l'échiquier politique.
1992 (janvier) : Conflit entre Arabes Choa et Kotoko à Kousseri autour de la question de l'inscription de faux électeurs sur les listes électorales. Bilan : des dizaines de morts et de blessés.
1992 : Publication par le C3 (Collectif Changer le Cameroun). Le Cameroun éclaté, anthologie commentée des revendications ethniques, Yaoundé.
1992 : Le préambule de la Constitution, stipule : " Le peuple camerounais, fier de sa diversité linguistique et culturelle [.], affirme sa volonté inébranlable de construire la patrie camerounaise sur l'idéal de fraternité et de progrès [.] Tout homme a le droit de se fixer en tout lieu et de se déplacer librement [.] Nul ne peut être inquiété en raison de ses origines ". Le tribalisme est botté en touche. Le Cameroun exulte.
1995 : Publication de Tribalisme et exclusions au Cameroun, le cas des Bamiléké par Jacques Kago Lélé aux Editions CRAC, Yaoundé.
1996 (18 janvier) : Promulgation de la nouvelle constitution. Elle remplace les idéaux d'unité nationale contenus dans la constitution de 1992 par le devoir, pour le gouvernement, de protéger les droits des minorités et des indigènes. Les termes d'"allogènes" et d' "autochtones " sont consacrés. Le tribalisme revient par la grande porte, à la grande déception des patriotes.
1996 (10 février) : Marches Sawa contre les Bamiléké à Douala.
1997 : Publication par la Fondation Friedrich Ebert Cameroun de l'ouvrage " la démocratie à l'épreuve du Tribalisme ", Yaoundé, Gerddes- Cameroun.
1997 : Fondation dans la région du Sud-Ouest par le professeur Bejanga de l'Association des Elites de la Onzième Province regroupant les enfants et petits enfants des premiers " immigrants " du Cameroun " français " vers la partie " britannique " du pays. Objectifs : se faire accepter par les " autochtones ".
1998 (novembre) : Affrontements entre " autochtones " Nyokon et "allogènes" Bamiléké dans la localité de Makenene.
1999 (juillet) : Mgr André Wouking est nommé Archevêque de Yaoundé. Le jour de son intronisation, des Bétis érigent des barricades sur la nationale Bafoussam-Yaoundé avec pour intention d'empêcher les Bamiléké d'entrer dans la capitale. On a pu lire, écrit sur la route à l'endroit des manifestations : " Pas d'Archevêque Bamiléké à Yaoundé ". 2003 : Suite à une interview du cardinal Christian Tumi au mensuel la Paix, Jacques Fame Ndongo, alors Ministre de la Communication publie un communiqué musclé : " Pas de tribalisme d'Etat au Cameroun ". Réponse du berger à la bergère en date du 12 septembre 2003 dans une lettre ouverte : " Je n'affirme pas catégoriquement que le pouvoir est confisqué par une tribu au Cameroun. Au Cameroun, nous nous comportons comme si nous sommes originaires d'une seule tribu ". 2007 (12 janvier) : Accrochage entre Kotoko et Musgum dans le district de Zina. Bilan : 8 morts.
2008 (février) : Une gigantesque grève de la faim paralyse le pays pendant une semaine. L'opposition anglobamileké est accusée d'avoir tiré les ficelles dans l'ombre pour renverser le pouvoir de Paul Biya.
2008 : Publication aux Editions Saint paul par Charles Ateba Eyene de l'ouvrage Paradoxes du "Pays Organisateur"Elites productrices ou prédatrices : le cas de la province du Sud-Cameroun à l'ère Biya (1982 - 2007.

Je n'avais sur ce sujet qu'une vision parcellaire et incomplète, il n'en restait pas moins instinctivement, une de mes préoccupations dans la mesure où il est en relation directe avec la stabilité politique du pays et son évolution économique, dans la perspective d'un retour au pays.

Je fouille, je cherche, et je reviendrai avec un post bien étayé, car ce que j'en ai vu jusqu'à présent est un constat dur et j'en ai été réduit à dressé la liste des 7 plaies du développement du Cameroun et en Afrique, ce qui vous vous en doutez ne me satisfait pas, j'aurai aimé voir plus de raisons d'espérer.
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Que la force me soit donnée de supporter ce qui ne peut être changé et le courage de changer ce qui peut l'être mais aussi la sagesse de distinguer l'un de l'autre. Marc Aurèle
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Tchoko
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MessagePosté le: Wed Feb 09, 2011 2:59 am    Sujet du message: Répondre en citant

Ci dessous l'article dont je parlais tout à l'heure que j'ai retrouvé. Je l'avais lu il y a quelques années et je trouve qu'il peut éclairer en partie sur la question ethnique au Cameroun, même s'il l'aborde sur le plan des rivalités et que je le trouve un peu tendancieux par moment.

Citation:
DÉMOCRATISATION ET RIVALITÉS ETHNIQUES AU CAMEROUN
Joseph-Patrice ONANA ONOMO

En qualifiant les luttes politiques en Afrique comme étant des manifestations de l'ethnicité, c'est passer sous silence le rôle joué par certaines élites intellectuelles pour la sophistication du tribalisme. nous voulons signifier par là qu'il s'agit d'une minorité de gens, ressortissants de plusieurs tribus, qui parlent au nom de leur ethnie sans en avoir reçu mandat.

Le choix porté sur les ethnies béti et bamiléké peut se justifier par le poids démographique des deux groupes dans un premier temps ; et dans le deuxième par l'implication de ces ethnies dans le pouvoir politique et l'activité commerciale. Cette place de " privilégiés " fait en sorte qu'ils dominent et orientent le débat politique au Cameroun. C'est également grâce à eux que le tribalisme et les rivalités régionalistes sont très voyants. C'est ainsi que le " jeune observateur "fait remarquer "qu'il est clair pour nous que le combat politique que nous vivons aujourd'hui oppose le Centre - Sud au grand Ouest sur lequel se greffent le Nord-ouest et le Sud-ouest grâce à leurs affinités culturelles" (5)

Il ressort qu'il s'agit de deux poids lourds de la population du Cameroun se livrant à des luttes hégémoniques qui ne datent pas d'aujourd'hui. Il y a lieu de dire avec M. Banock que le clivage Béti-Bamiléké " est un facteur permanent et relativement important de la vie politique camerounaise (...) Il s'agit là donc des deux " poids lourds " de notre population " (6). Abondant dans le même sens, P. Gaillard dont on connaît les écrits sur le Cameroun parle d'une crise ou d'une impasse dans la vie politique du Cameroun à cause de la prédominance des deux ethnies. Pour l'auteur " le facteur essentiel de la présente crise réside précisément dans la rivalité Béti-Bamiléké ; et que l'impasse actuelle serait due à une sorte de neutralisation mutuelle entre d'un côté les Béti, maîtrisant l'appareil socio-administratif et les Bamiléké, contrôlant les médias ainsi que la presse privée basée à Douala " (7)

Il s'ajoute dans ces éléments politiques et économiques, les oppositions culturelles. D'un côté, les Béti ont une vision occidentalo-chrétienne du monde forgée par les contacts avec les valeurs occidentales et les conversions massives au christianisme, grâce à la souplesse de ses structures sociales (absence de grands ensembles politiques). C'est ce que dit en substance Debi Nisel en ces termes " la très forte christianisation des Béti, la souplesse des structures sociales traditionnelles, l'appropriation et la soumission aux valeurs occidentales font que ces populations ont mis fin aux transcendances métaphysiques et métasociales réduites par elles au rang de folklore " (8 )

de leur côté " les Bamiléké pérennisent une organisation sociale rigide bâtie autour de la chefferie omnipotente, clé de voûte d'une société féodale et fermée " (9). C'est dire que les contacts avec les valeurs occidentales et le christianisme n'ont pas altéré sensiblement l'univers culturel des Bamiléké. Plutôt, " la permanence des pratiques et rites païens les maintiennent dans la société traditionnelle possédant un ordre symbolique puissant englobant dans un même univers mystico-religieux l'individu, la société, la nature et la surnature " (10)

I - CLIENTELISME D'ETAT ET CONSTITUTION DES MONOPOLES

Le clientélisme d'Etat est la pratique politique de presque tous les Etats africains après les indépendances de 1960. Il est surtout question d'embrigader ou d'enrégimenter toutes les forces d'opposition ou de contre-pouvoir dans le parti unique, avec pour conséquence, l'établissement d'un pouvoir autocratique et dictatorial. Les institutions et les groupes visés sont : les partis politiques, les associations, l'Eglise, les intellectuels, l'armée, les spécificités ethniques, la guérilla, etc. Il s'agit, pour le moins, de capturer tout contre-poids pour l'inscrire dans le processus d'élimination des consciences comme le montre a. Mbembe (11).

Pour le cas précis des spécificités à capturer, Martinello parle d'une opération de stratification sociale qui s'explique par le fait qu'une activité, un métier est attribué à certains individus en fonction de leur appartenance ethnique. L'auteur écrit notamment que : "L'Etat a, dans le monde occidental, étendu son intervention sociale en allouant des ressources qui étaient préalablement réparties par le marché. Pour ce faire, il a parfois défini des groupes cibles pour l'allocation de ces ressources sur la base de l'appartenance ethnique supposée des individus" (12)

Pour le cas spécifique du Cameroun, pour dire à peu près la même chose, un terme fort appréciable a vu le jour en sciences sociales : c'est l'ethnocratie qu'on définit " comme un système de gouvernement qui tire ses ressources, précise ses tenants et ses aboutissants essentiellement dans le rapport de force entre les ethnies qui composent la société camerounaise " (13). C'est ce sur quoi repose la stratégie d'Ahidjo dans le but de capturer les ethnies béti et bamiléké parce qu'elles représentent la plus grande menace contre son pouvoir.

1- la Distribution Des Cartes Par Un Stratege Nomme Ahmadou Ahidjo (1958-1982)

Dès son accession au pouvoir en 1958 comme Premier Ministre du Cameroun, et en 1960, comme Président de la République du " Cameroun indépendant ", en tant que Chef de parti, Union Camerounaise, le premier clin d'oeil du Président est fait aux Béti. Ceux-ci ont des partis politiques et des associations ayant fait parler d'eux dans la période coloniale. D'ailleurs, avec l'aide de la tutelle française, Ahidjo a succédé à a. M. Mbida (Béti) du parti des Démocrates Camerounais au poste de Premier Ministre.

Bref, l'ethnie béti qui comptait la majorité des intellectuels, de sucroît engagés dans les partis politiques, présentait une menace sérieuse contre le pouvoir d'Ahidjo. Pour ce faire le premier Président du Cameroun va amener les partis politiques et associations Béti à se fondre dans son parti, l’Union Camerounaise, grâce à l'attribution des postes ministériels (entre autres le Premier Ministère) et les nominations dans l'administration. Les Béti auxquels on reconnaît la souplesse dans la négociation et les changements ne se font pas prier et au fil des années, ils réussissent à asseoir leur hégémonie sur l'administration camerounaise et une bonne partie du pouvoir politique qu'ils partagèrent avec les Foulbé.

Beaucoup ont l'habitude de dire que le pouvoir d'Ahidjo n'aurait pas perduré n'eut été l'appui massif des Béti qui les rendait à la longue complices du pouvoir dictatorial d'Ahidjo. L'on pense que ce n'est pas le fait du hasard si Ahmadou Ahidjo, en 1982, passe le témoin à un Béti en la personne de Paul Biya. D'un Sudiste à un Nordiste ; et d'un Nordiste à un Sudiste (Mbida - Ahidjo - Biya), l'on commence à parler de l'axe Nord - Sud, dans sens que les autres pôles en sont exclus.

L'analyse politique de la société camerounaise nous fait dire que les Béti ne partagent plus le pouvoir politique avec les Nordistes (Foulbé) qui étaient pourtant prédominants dans le domaine. C'est ce que démontre Debi Nisel quand il écrit ce qui suit : " de nombreux analystes de l'histoire du Cameroun s'accordent à dire que du temps du Président Ahidjo, le contrôle de la société camerounaise s'opérait selon la clé de répartition suivante : Les Nordistes contrôlaient le pouvoir politique, les Béti contrôlaient l'administration et l'Etat, les Bamiléké contrôlaient l'économie. Après la tentative de coup d'Etat organisée et conduite par les éléments " nordistes " en 1984, ceux-ci ont été déssaisis du contrôle de l'espace politique par un consensus implicite apparu à l'époque entre les Béti et les Bamiléké " (14)

a la lecture de ce point de vue, deux remarques s'imposent. la première c'est que le groupe béti assure sa suprématie sur le pouvoir politique et l'administration. la deuxième c'est " une bipolarisation accentuée Béti-Bamiléké se disputant le contrôle de l'espace politique " (15) pour des raisons que nous donnerons dans le deuxième point de cette réflexion.

Le deuxième clin d'oeil d'Ahidjo est fait à l'endroit du groupe bamiléké qui fait parler de lui dans la guérilla au côté du groupe bassa, et après l'Indépendance dans le maquis, à l'Ouest du Cameroun. Dès son arrivée au pouvoir en 1958, Ahidjo opte pour la solution militaire, refusant toute négociation avec les groupes rebelles. Il est aidé dans la solution militaire par les troupes françaises.

Il réussit tout de même de venir à bout de la rébellion du groupe bassa avec la mort de R. Um Nyobe. Le groupe bamiléké n'en démord pas de son côté ; il multiplie les massacres des populations civiles et la destruction des biens. Devant cette détermination des Bamiléké, le Président Ahidjo va adopter la même stratégie de récupération par la cession d'un monopole.

Dans les années 60, les Bamiléké ne représentent pas grand-chose dans l'intelligentsia camerounaise. Ils ne peuvent donc pas se faire capturer dans l'administration et la politique. Cependant depuis les années 30, ils manifestent des talents de commerçant. C'est ce à quoi Ahidjo va les destiner en leur accordant des facilités de toutes natures : contrôle du ministère de l'économie et du commerce, octroi des licences import-export, facilités des crédits bancaires, exonération d'impôts et taxes. Bref, il s'agit d'un laissez-passer total.

Ce régime de privilège vise deux choses au moins : faire cesser le maquis dans l'Ouest du Cameroun, amener les Camerounais à concurrencer les expatriés qui contrôlaient dans le Cameroun nouvellement indépendant, les activités commerciales.
C'est ce que dit en substance E. Leguil qui présente le livre de J. P. Warnier sur " L'esprit d'entreprise au Cameroun ". Concernant l'accumulation des capitaux par les Bamiléké à travers l'épargne, Leguil écrit : " Certes, les pratiques indélicates ne sont-elles pas absentes, notamment chez certains importateurs qui firent de grandes fortunes par la pratique des " admissions temporaires " jamais apurées grâce au laissez-faire des années 60 et 70 quand le régime d'Ahidjo souhaite voir se créer rapidement une classe de possédants camerounais et réintégrer l'ethnie Bamiléké dans la communauté nationale dont elle avait le sentiment d'avoir été bannie après les événements de 1959-1962 " (16).

Cette stratégie d'Ahidjo va se montrer payante aussi pour ce qui est des Bamiléké, surtout après la réduction de la dernière poche de résistance en 1970-72. Allusion est faite ici à Mgr Ndongmo et sa suite. a l'arrivée de Paul Biya au pouvoir en 1982, les Bamiléké continueront à bénéficier des privilèges exceptionnels dans une opération de charme orchestrée par le nouveau Président : continuation du laissez-faire, construction des routes, installation du téléphone, électrification, adduction d'eau, appui à l'agriculture, etc. Toutes choses qui tendent à faire de l'Ouest bamiléké la province la plus développée du pays.

Les Bamiléké qui ont certaines prédispositions aux activités économiques ont su exploiter à bon escient ces nombreux privilèges économiques et infrastructurels dont aucune autre ethnie n'a bénéficié au Cameroun. Ainsi donc, leurs aptitudes commerciales doublées de l'appui intéressé des gouvernements qui se sont succédés ont fini par leur conférer le monopole de l'économie commerciale au Cameroun.

Il convient de préciser tout de même que les monopoles politiques et économiques dont il est question ici ne sont en fait que la prédominance des deux grands groupes ethniques dans les deux secteurs. On retrouve dans chacun des secteurs, un mélange des groupes ethniques. Dans la politique et l'administration par exemple, le parti au pouvoir continue avec la pratique du clientélisme d'Etat en distribuant des responsabilités aux ressortissants des autres ethnies, y compris l'ethnie bamiléké, dans le but implicite d'augmenter son électorat. Pour ce qui concerne l'économie commerciale, malgré la bonification accordée aux bamiléké pour des raisons sus-évoquées, le Président Ahidjo s'était employé à favoriser la formation d'une bourgeoisie d'affaires foulbé, ethnie dont il était issu, par des crédits bancaires dont la plupart n'auront jamais été remboursés.

Quoique ne bénéficiant pas de privilèges comme les Bamiléké et les Foulbé, les Eton (sous-groupe béti), ont réussi à se frayer une place dans le petit et le grand commerces. de plus leur ardeur aux travaux agricoles a fini par faire de leur territoire le grenier de la capitale du Cameroun.

2- Bilan chiffré de trente années de clientélisme d'etat

Nous entendons donner certains chiffres représentatifs du poids de chacun des groupes ethniques dans le secteur commercial et le secteur politico-administratif.

- Economie commerciale


Les Bamiléké représentent :

- 58 % des importateurs de nationalité camerounaise
- 87 % des boutiquiers du marché de Douala
- 94 % des boutiquiers du marché de Nkongsamba
- 80 % des chauffeurs de taxis de Douala
- 75 % des acheteurs de cacao
- 47 % des grossistes des produits industriels camerounais
- 50 % des transporteurs routiers inter-urbains
- 75 % des hôteliers de Douala et de Yaoundé (17)

- Administration : Responsables d'entreprises publiques et parapubliques



3 - Objectivation des faits

Même si le sociologue utilise très souvent les données statistiques dans l'étude et la compréhension d'un phénomène social, toujours est-il qu'il garde ses distances par rapport aux chiffres, aux moyennes, aux pourcentages, etc. C'est un principe épistémologique capable d'amener le sociologue au-delà de l'apparence, de la description. Car, derrière les statistiques se cachent une foule d'informations seules capables d'expliquer dans sa totalité le phénomène considéré. Comme le dit si bien a Cuvillier : " le rôle d'une science n'est pas seulement de décrire, mais d'expliquer " (19). C'est ce que nous tentons de faire.

Nous commençons par dénoncer le parti pris des auteurs et des acteurs tant nationaux qu'étrangers, qui, à la vue de ces statistiques, considèrent que la prédominance du groupe béti dans la politique et l'administration est comme le fait du tribalisme d'Etat. Par contre la prédominance du groupe bamiléké dans l'économie est taxée de dynamisme. N'y a-t-il de tribalisme qu'en politique ? et de dynamisme qu'en économie ? En termes plus clairs : tout comme les Béti sont tribalistes parce qu'ils dominent la vie politico-administrative, c'est de cette façon là aussi que les Bamiléké sont tribalistes parce qu'ils contrôlent la vie économique du Cameroun. Plus encore : si les Bamiléké sont dynamiques parce qu'ils réussissent au commerce, alors les Béti sont dynamiques parce qu'ils ont réussi en politique.

Toute autre approche du problème à base des statistiques ne fait qu'accentuer l'antagonisme entre les deux groupes qui, pourtant, se complètent. Donc, condamnés à se rapprocher pour libérer la démocratie qu'ils tiennent en otage. Ces statistiques ne nous renseignent pas, outre mesure, sur les déterminations historiques que nous avons esquissées plus haut. En effet, le contrôle de l'administration et du pouvoir politique au Cameroun par les Béti ne s'explique pas en termes de tribalisme d'Etat comme le montre avec une certaine légèreté Nsame Mbongo et autres dans un ouvrage collectif (20); mais en termes de compétition et de dynamisme intellectuels. C'est la compétition intellectuelle enclenchée par le colonisateur blanc à la suite de l'implantation de l'école-institution qui ouvre la voie de la compréhension. la compétition s'ouvre lorsque le colonisateur fait de l'école une institution chargée de former les indigènes pour les besoins de l'administration. Celui qui sortait de l'école abandonnait son statut d'indigène pour acquérir celui d' " évolué "

Or, il se trouve que l'ethnie béti est l'une des premières à être entré en contact avec les Blancs : la proximité des côtes de Kribi oblige. Les Béti vont en plus bénéficier des premières implantations missionnaires au Cameroun qui se font dans leurs régions. Les missionnaires créent des écoles et des séminaires. Les Béti s'étant convertis en masse au christianisme, s'instruisent dans les écoles chrétiennes. Il faut en plus de tout cela, citer le choix de JAUNDE (Yaounde) comme capitale du Cameroun.

Ces nombreux avantages vont favoriser l'envol intellectuel des Béti qui va se solder par des recrutements continus dans l'administration coloniale. Quand le mouvement atteint l'arrière - pays dans les années 40-50 environ, les Béti comptent déjà un grand nombre de ses ressortissants dans l'administration. Ce n'est pas le fait du hasard si un Béti, en la personne de André Marie Mbida a été choisi pour être Premier Ministre du Cameroun.


Après l'indépendance du Cameroun en 1960, en dépit de la stratégie de récupération et d'embrigadement des Béti, il s'avère tout de même que les Béti sont majoritaires dans le cercle des intellectuels camerounais de l'époque. Dans sa volonté de pourvoir certains postes laissés par les Blancs, Ahidjo est obligé de les attribuer majoritairement aux Béti. Au fil des années la prédominance des Béti dans l'administration va se maintenir et se renforcer, d'autant plus que ces hommes s'orientent majoritairement dans les études conduisant aux métiers de commandement, puisque c'est de cette façon là qu'on devient ou qu'on demeure " seigneur ", selon la mentalité de l'époque véhiculée par les colonisateurs.

Comme toutes les autres ethnies de l'arrière - pays les Bamiléké accusent du retard par rapport aux Béti ; aux Bassa ; et aux Douala. Ils ne peuvent accéder à l'administration, car l'éducation scolaire est lente à passer par eux. Mais, il reste un métier de service abandonné par les Béti qui s'était pourtant engagés dans le commerce dès l'arrivée des premiers explorateurs. N'étant pas encore instruits, les Bamiléké seront obligés d'embrasser ce métier " délaissé pour les sous-hommes " selon la mentalité de l'époque. Mais c'est, dans les années 20-30, qu'ils commencent à faire parler d'eux dans les problèmes d'immigration. Les Bamiléké descendent de leurs collines pour rejoindre les deux villes de Douala et de Yaoundé.

Ce qui est pour certains une aptitude innée à faire du commerce comme ne cessent de le dire les Bamiléké eux-mêmes et les auteurs étrangers qui écrivent sur eux, trouve une explication sociologique : il s'agit d'un rapport de classe, d'une situation sociale faite de contraintes, etc. Ils ont donc tort, ceux qui affirment qu'en " réalité, la vocation réelle du Bamiléké c'est le commerce. Tous ces jeunes gens qui viennent de leurs montagnes ne descendent à Douala qu'un rêve à l'esprit : devenir un jour de riches marchands " (21). Pour ce qui nous concerne, face à ces affirmations qui ne reposent sur aucune base scientifique solide, nous continuons à dire avec Durkkeim que " le social ne s'explique que par le social ".

Devenus commerçants grâce à la situation inter-humaine et à l'appui des régimes politiques qui se sont succédés, les Bamiléké vont accumuler des grandes fortunes. Le Cameroun étant une société dépendante, le rôle du commerçant est de se placer entre le producteur européen et le consommateur camerounais. Le commerçant bamiléké est tout juste un agent de la dépendance de laquelle il tire profit.

Pour le cas du groupe béti comme pour le cas du groupe bamiléké de l'époque, il ne s'agit en aucune façon du tribalisme comme tel. la raison est qu'au centre de la formation de ces deux monopoles, on ne décèle une conscience de groupe c'est-à-dire des gens appartenant à un même groupe et qui voient très bien leurs intérêts et décident de se mettre ensemble pour les défendre contre les groupes concurrents. Le tribalisme n'apparaît que lorsque ces groupes prennent conscience de leurs forces et décident chacun de défendre leurs acquis au détriment des autres groupes ethniques qu'ils excluent ou rejettent, à la suite du processus de démocratisation qui donne à pâturer les monopoles de groupe aux autres ethnies à cause de son effet de libération.


II - DU TRIBALISME a CIEL OUVERT

Beaucoup d'observateurs, affirment, non sans raison, que l'exploitation profonde du tribalisme pour des fins politiques par les partis politiques date de 1991, à la suite des textes de loi réinstaurant le multipartisme au Cameroun en décembre 1990. Mais il faut remonter plus haut pour trouver les premières créations d'associations à caractère ethnique dont le but premier est d’œuvrer pour l'hégémonie d'une ethnie. Nous citons Essigan dont la création remonte à 1985 pour les Béti, le Laakam des Bamiléké date de 1988.

a moins de vouloir faire injure à la vérité, il faut reconnaître que l'arrivée de Paul Biya au pouvoir en 1982 voit se développer quelques espaces de liberté jamais connus dans le régime de l'ancien Président. la souplesse du régime Biya est consacrée par sa politique de " libéralisme communautaire ". Dès ce moment, on voit se dessiner l'antagonisme béti-bamiléké par la création des associations ethniques sus-mentionnées dans le but premier de défendre et d'augmenter les acquis. Au point que la démocratie déclarée en 1990 n'est qu'un moment de l'histoire du Cameroun donnant carrière aux affrontements ethniques pour le contrôle du pouvoir, seul capable (? ) d'assurer les intérêts ethniques.

Pour tout dire, l'application des principes démocratiques brise les rêves hégémoniques des Béti et des Bamiléké.

1 - de la " coordination " à la confusion

" Lorsque le Président de la République, à l'occasion du congrès du R.D.P.C., annonçait le retour du Cameroun à la démocratie, tous les Camerounais, y compris les Béti, avaient dansé de joie, à l'idée qu'ils allaient enfin pouvoir s'exprimer librement (...) Au sein de la communauté béti, des projets de création de partis politiques ont commencé à voir le jour " (22). C'est dire qu'en dépit des oppositions anciennes, tous les Camerounais avaient pour dénominateur commun le mal économique et la paupérisation croissante. Ils étaient donc condamnés à s'unir, à mettre ensemble leurs forces pour mieux s'opposer démocratiquement à la politique du Président Biya. Pour les besoins de la cause, chaque parti d'opposition se faisait " recruter " par la " coordination des partis d'opposition " qui siègeait à Douala. Cette ville devenait au fil des jours, le symbole de l'opposition camerounaise.

Au vu de ce regroupement des partis d'opposition, y compris les partis créés par les Béti, des observateurs dirent que les jours de Paul Biya au pouvoir sont comptés. Mais alors, le mal du troisième millénaire, dans sa dimension fondamentaliste de certains groupes ethniques, ne va pas tarder à faire surface : les Béti sont pris à parti, accusés de tous les maux, insultés, accusés d'être l'ethnie au pouvoir. " Alors que les Béti s'apprêtaient à entrer en politique comme tous les autres Camerounais, c'est-à-dire à bénéficier du multipatisme, voilà que tous les premiers partis politiques d'opposition qui ont été légalisés se sont mis à tenir un discours pour le moins curieux à l'endroit des Béti (...). Pour tout dire, tous les malheurs du Cameroun avaient pour unique nom "le béti " (23).

Dans son fonctionnement même, la " Coordination des partis d'opposition " ressemblait à une brigade. Les moyens d'action et les décisions qui sont prises ne le sont pas sous une forme démocratique. Le groupe ethnique qui se dispute l'hégémonie avec les Béti impose ses points de vue aux autres, étant en surnombre dans la coordination. " la brigade radicale et belliqueuse dans laquelle certains partis politiques et associations se sont mobilisés pour oeuvrer ensemble ne fonctionne pas sur un mode démocratique. Il se trouve même que les associations "apolitiques" qui naissent toutes les minutes, pèsent politiquement, plus que les partis eux-mêmes " (24)

Peut-être qu'il ne fallait pas attendre mieux, la Coordination s'est transformée en un " front commun contre les Béti qui aurait monopolisé le pouvoir (...) pour l'instant, on oriente le feu nourri de critiques contre une seule tribu et on veut soulever tout le monde contre cette tribu " (25). Il s'agit à tout le moins d'un processus de nationalisation de la lutte d'un groupe ethnique pour ses intérêts personnels.

Il a fallu quatre mois de multipartisme pour que la voie soit ouverte à la violence politique caractérisée par les casses, les incendies et les " villes mortes. " Jusques là les partis politiques créés par les Béti continuent de siéger à la " coordination ". Il faut attendre la réunion de Yaoundé en juin 1991 pour voir surgir à jamais, les rivalités béti-bamiléké. la violence voulant se transporter dans la région béti restée en marge, il se produit un schisme, surtout que le " blocus " de la ville de Yaoundé est une véritable guerre comme le dit Zang Desjoies : " Dans le programme du plan de Yaoundé figure le mot "blocus ". Il s'agit là d'un véritable acte de guerre. C'est pour cela que plusieurs partis politiques se sont désolidarisés de la " coordination, estimant par ailleurs que nulle part au monde, telle pratique n'a été enregistrée en démocratie " (26)

Cette rupture se solde par un regroupement des partis politiques béti au sein d'une Coordination concurrente dénommée " Opposition Républicaine et Démocratique " (ORD). Elle se distingue de l'autre parce qu'elle exclut toute forme de violence en politique, car " elle se veut plus responsable et ouverte au dialogue, lequel dialogue est appelé à aboutir à un forum national sur l'avenir du Cameroun " (27), alors que les autres revendiquent la tenue d'une conférence nationale souveraine.

Depuis cet instant, on assiste continuellement à un échange de tirs nourris entre les Béti et les Bamiléké qui dominent et tentent de confisquer la scène politique camerounaise. la nouvelle donne de la société camerounaise caractérisée par la démocratie menace les espaces traditionnellement contrôlés par chacun des deux groupes, surtout que non seulement chaque groupe tente d'étendre son hégémonie au-delà de son espace en s'immiscant dans l'espace réservé à l'autre ; mais d'autres groupes minoritaires, à la faveur de la démocratie, essaient de se positionner eux aussi dans ces espaces.

Le pouvoir politique s'avère donc comme le seul moyen pour chaque groupe de consolider ses acquis, tout en travaillant dans le sens de la fragilisation du groupe concurrent pour ronger une part de ses acquis. En effet, plus les acquis d'une ethnie seront grands dans un pays, plus il est fort probable que cette ethnie élabore des stratégies de défense et d'affrontement. Et si les autres ethnies concurrentes perçoivent clairement ces acquis, si en plus l'ethnie cherche à les augmenter, celle-ci se sentira menacée et pourra déclencher les hostilités dans le but précis, soit de les conserver, soit d'empêcher l'accroissement des acquis des ethnies menaçantes, soit de maintenir l'équilibre.

2- Les stratégies de luttes pour les intérêts ethniques

a cause de l'implication de certaines élites, surtout intellectuelles, on est tenté de parler de la sophistication du tribalisme. C'est-à-dire que le tribalisme n'est pas vécu de façon inconsciente par les individus comme ce fut le cas dans les sociétés primitives, mais il est devenu un sentiment consciemment entretenu et promu par les " hommes de science " qu'on dit parfois égarés ou illuminés.

Ils ont tort ceux qui se contentent de donner des définitions étroites du tribalisme en disant qu'il est un comportement de type primaire qui ne cadre pas avec la culture scientifique. En fait, le fond primitif du tribalisme reste vrai, comme d'ailleurs la plupart des idées et des pratiques sociales des sociétés modernes comme le droit, la démocratie, etc. Or, il se trouve que le tribalisme primaire manque d'organisation, de définition des objectifs, des fonctions de commandement. Il est donc gratuit, désintéressé. Devenu aujourd'hui un outil de combat politique, économique, social et culturel, il n'est plus permis à tout homme de science qui se respecte de la simplifier dans ses propos.

Pour que le tribalisme soit appelé " tribalisme d'affrontement ", il faut que certaines conditions soient réunies :

- Un engagement dans les opérations tactiques sans arrêts des hostilités face à la résistance des autres groupes
- Une direction structurée qui organise et supervise les opérations sur le terrain
- Une définition claire des objectifs à atteindre
- Une recherche permanente des moyens logistiques tant à l'intérieur qu'à l'extérieur
- Une mise à contribution des partenaires étrangers ; bailleurs de fonds, puissances, etc.

Dans l'optique de ce " tribalisme d'affrontement " nous étudions à présent la stratégie de la frustration des Bamiléké, puis la stratégie de la peur des Béti. Deux stratégies qui sont le fait des intellectuels n'hésitant plus " à mettre leur connaissance savante, leur science au service du mal suprême ; apologie, exégèse, etc..., on conceptualise et on dogmatise sans pudeur la pratique de l'ehno-tribalisme " (28 ).

2-1- la stratégie de la frustration

Il s'agit pour un nombre d'intellectuels bamiléké de créer une situation frustrante, de donner aux leurs un sentiment de frustration dont on sait qu'il est capable de mettre la population en mouvement tel que le conflit tribal. L'idéologue cherche à convaincre son peuple qu'il peut être mieux que sa situation actuelle n'eût été le blocage d'un individu, d'un groupe ou d'un peuple adverse. Il s'emploie à leur trouver " un bouc émissaire qui sera tantôt tout proche, tantôt, tel un ennemi potentiel ou les habitants d'un autre pays " (29).

a mucchielli définit la situation frustrante comme " une situation dans laquelle un individu ou un groupe ne peut mettre en oeuvre ses attitudes et où ses croyances, aspirations et valeurs sont contrées et mises en échec " (30). Nonobstant le travail fait par des élites bamiléké et certains auteurs étrangers pour montrer les vertus et les mérites de ce peuple, pour montrer ses potentialités, pour dénigrer les autres peuples, " la reconnaissance - acceptation n'est pas accordée par l'entourage social " (31). D'où le sentiment de frustration, d'hostilité et d'agressivité contre les semblables qui doit expliquer en partie le tribalisme des Bamiléké.

la stratégie de la frustration adoptée par les Bamiléké s'articule sur quatre points principaux : vanter les mérites et les vertus du peuple bamiléké - inventorier ses réussites - montrer la haine injustifiée contre les Bamiléké - dénigrer systématiquement les autres groupes ethniques, principalement le groupe Béti.

a-) Vanter les mérites et les vertus du peuple bamiléké

Les livres écrits par les Bamiléké et les admirateurs sont légion (32). Tous les auteurs concluent sur les grandes vertus de ce peuple, capable de forcer d'admiration, la soumission et l'imitation des autres pour le bien du Cameroun. Quand il s'est agi de vanter ces mérites au grand public après l'instauration du multipartisme, c'est aux journaux d'obédience bamiléké de s'y adonner, particulièrement ceux qu'on a nommés les journaux de la " Sainte trinité " : " Le Messager ", " la Nouvelle Expression " et " Challenge Hebdo ". Dans ces journaux les qualificatifs fleurissent pour encenser les mérites des Bamiléké : " le brillant avocat Charles Tchoungang, le talentieux journaliste Pius Njawé, le compétent ingénieur Djeukam Tchameni, le surdoué Senfo Tonkam, l'intrépide et charismatique leader politique Ni John Fru Ndi, le dynamique homme d'affaires Kadji Deffosso, le très courageux cardinal Christian Tumi, le clairvoyant politicien Hameni Bielieu, le très efficace général Ngansso Sunji. Tous ces qualificatifs pour susciter admiration et surtout respect des Bamiléké " (33)

b-) Inventorier les réussites

Les qualificatifs que nous venons de citer montrent clairement que les Bamiléké réussissent dans tous les plans de la vie au Cameroun. la plus grande réussite sur laquelle ils semblent le plus inventorier est la réussite économique. C'est celle-ci qui a valu une thèse de doctorat soutenue à l'Université de Yaoundé sous le titre : " Le dynamisme bamiléké ". On partira donc de la réussite économique pour révendiquer, en termes d'ethnie, le pouvoir politique. Selon une certaine logique relevée dans " la Nouvelle Expression " par " Le Courrier " : " le pouvoir doit revenir à ceux qui détiennent la puissance économique " (34). Dans cette logique, ceux qui le détiennent les Béti, sont usurpateurs.

c-) Montrer la haine injustifiée contre les bamiléké

Le Bamiléké ne comprendra pas pourquoi les autres ethnies refusent de lui accorder une reconnaissance - acceptation.

Les intellectuels bamiléké qui perçoivent bien ce refus des autres groupes l'exploitent au maximum pour le transformer en haine nationale contre les Bamiléké. C'est l'idée qui est vendue à l'intérieur, et davantage à l'extérieur du pays par les éléments du groupe qui côtoient les milieux pouvant faire décider les gouvernants en leur faveur.

Ainsi, à l'intérieur du pays " certains Bamiléké ont cru que des décisions administratives étaient dirigées contre eux alors qu'elles avaient seulement pour but de maintenir un équilibre salutaire entre ethnies " (35). D'aucuns pensent dans les milieux bamiléké que certaines décisions des autorités sont prises tout simplement parce qu'elles ont peur des Bamiléké à cause de leur intelligence. " Qui a donc peur des Bamiléké ? se demande V. Kamga. la réponse est immédiate ; dans un Etat où l'élément ethnique joue un rôle déterminant en dernière instance, c'est le pouvoir en place qui va s'inquiéter pour sa survie, face à un peuple qui risque de l'empêcher de tourner en rond, par son intelligence, son organisation et son travail " (36). Les éléments bamiléké font également étalage de la haine contre les Bamiléké dans les journaux par des " Lettres ouvertes " aux autorités. Dans ces lettres, il ressort que les Bamiléké sont exclus de tous les secteurs (SIC) ; qu'ils n'ont droit à quelque responsabilité que ce soit (37)

d-) Dénigrer systématiquement les autres groupes ethniques

Les autres groupes ethniques sont considérés comme des consommateurs, des gaspilleurs, etc. Le groupe le plus visé est le groupe béti. Les Béti sont ni plus ni moins des ambianceurs, des gens qui adorent les plaisirs du bas ventre, des consommateurs de vin rouge en la possession duquel le Béti se croit l'homme le plus heureux du monde, etc.

Reprenant l'interview accordée à " Jeune Afrique Economie " par le feu Mgr Ndongmo, on a pu lire dans le journal " Le Messager " que " parmi les erreurs qu'a commises Ahidjo à l'endroit du peuple camerounais, vient en tête le fait d'avoir laissé le pouvoir entre " les mains de ceux qui ne sont pas habitués à manier l'argent ". Les attributs de tous ceux qui sont opposés aux Bamiléké sont parfois des insultes : Charles Ndongo est un griot ; Onobiono James est un homme de paille. " Challenge Hebdo " écrit que Lapiro de Mbanga est ni plus ni moins qu'un chanteur mégalomane frappé de crise hystérique ; Jean Jacques Ekindi est un barman ; Bedzigui Célestin est en rondeur bien joufflu, sous une luisante calvitie. On eut dit un bandit dans un film chinois ; Louis Tobie Mbida est dit " Bébé doc ", doté d'un physique rondouillard ; Nseth Guillaume a " un visage buriné de rides " (38 )

Au reste, la stratégie de la frustration dans la lutte politique, si elle a cet avantage de faire l'unité du groupe, de donner aux membres le sentiment d'injustice sociale, de donner aux gens les images d'un monde qui se meurt sous leurs yeux et pour lequel ils ont des solutions (messianisme), toujours est-il qu'elle suscite la réprobation et l'opposition des autres ; parce qu'elle repose sur le grossissement des faits, l'exagération à souhait, elle éloigne des anciens alliés qui, à la longue, peuvent devenir des redoutables ennemis.

2-2- la stratégie de la peur

Tout comme la frustration, la peur est un sentiment. L'injustice sociale est ce qui donne le sentiment de frustration ; la peur par contre résulte de l'inquiétude qu'un individu ou un groupe ethnique peut avoir face au danger. En développant la stratégie de la peur, le parti au pouvoir représenté par un Béti veut amener les Béti à échapper au danger. Et on ne passe pas par quatre chemins pour révéler le danger : ce sont les Bamiléké. Les gens qu'on dit hégémoniques, envahisseurs, hypertribalistes vis-à-vis de l'ethnie au pouvoir, etc.

la peur vient du fait que, le Bamiléké ne connaît que son frère. Et si les Bamiléké arrivaient au pouvoir, rien ne sera laissé pour les autres, en commençant par les Béti. Le Bamiléké est essentiellement grégaire. Alors que la plupart des cultures des autres grands groupes sont extraverties, celles des Bamiléké restent fermées sur l'extérieur ce qui veut dire que foncièrement il est très difficile de s'intégrer dans le groupe (39). Ce sont des idées qu'on sert aux Béti.

Il convient de préciser que nous étudions ici la stratégie de la peur en la mettant en relation avec le groupe béti supposé au pouvoir. Car son déroulement ne sera pas la même s'il s'agissait des groupes qui veulent plutôt accéder au pouvoir. Cela étant, on a pu remarquer que la stratégie de la peur comporte trois axes principaux :

- faire des menaces d'embrasement total
- faire passer l'idée de la sécession
- faire miroiter la menace de survie du peuple Béti

a-) Faire des menaces d'embrasement total :

" vous les Béti, vous allez voir " est le slogan lancé par les autres ethnies et plus principalement l'ethnie bamiléké, qui entendent demander des comptes aux Béti responsables de tous les maux dont souffrent les Camerounais, dès les premiers mois du multipartisme. Au plus fort des " villes mortes ", il ne fait plus bon d'être béti dans les régions autres. Les Béti sont menacés, attaqués, leurs biens détruits, etc.

Les Béti décidèrent de donner la réplique dans leurs régions, en faisant passer le message par les journaux béti tels que " Le Patriote ", " la Caravane ", " Le Courrier ". Cette menace s'étant soldée par des exactions à l'endroit des Bamiléké, ceux-ci ont sollicité l'intervention des autorités pour leur protection. Dans un article intitulé " Où s'arrêtera l'incendie ? " J.J Mbarga écrit : "actuellement quels sont les plus plaignants devant la coalition et la détermination Béti de chasser les envahisseurs de leur patrimoine (SIC). Ce peuple connaît s'organiser, réagir et contre-attaquer (...) Les Béti vont le prouver bientôt chez eux et d'une façon radicale s'ils continuent à subir les injures, les menaces et les attaques tribalistes ; car lorsqu'on allume un incendie on ne sait pas là où il va s'arrêter " (40)

Dans ce volet de menace d'embrasement total, citons cet autre qui ne pense pas moins qu'à une possible guerre civile entre les Béti et les Bamiléké : "si demain la guerre éclate et elle éclatera parce que ceux qui ont profité de l'ancien régime ou/et qui continuent de profiter de l'actuel devraient arrêter de provoquer ceux qui n'ont rien (...) C'est inutile de crier fort dans les journaux, prenez note que nous sommes conscients de votre complot hégémonique, mais si vous voulez le faire passer, arrêter les attaques directes, des lettres ouvertes, des insultes personnelles sinon... " (41).

Il est surtout question de donner une sévère mise en garde à l'ethnie provocatrice qui, selon les Béti sera la plus perdante en cas de conflit tribal, parce qu'elle est plus implantée dans les régions béti, avec des grands biens.

b-) Faire passer l'idée de la sécession

Les Béti vont exploiter le fait de leur large domination géographique sur les Bamiléké. En effet, les Bamiléké n'occupent que moins de 10 % du territoire camerounais, alors que les Beti s'etendent sur près de 40 % du territoire avec des richesses du sol et du sous sol très abondantes. L'idée que ce sont plutôt les Bamiléké qui ont besoin des Béti est présente, surtout beaucoup pensent que n'eurent été les Béti et leurs richesses, les Bamiléké ne seront pas aujourd'hui ce qu'ils sont.

Pour certains, "dans ses origines, le Bamiléké est très pauvres ; il est juste bon débrouillard et passablement rusé (...) Plutôt que de chercher à devenir le détenteur du produit au premier dégré, il a préféré se réfugier dans le rôle bien modeste de " Bayam Sellam ". Il achetait et continue d'ailleurs d'acheter les vivres des Béti ; leur poisson et leur viande sauvage qu'il revendait aux même Béti ; moyennant des bénéfices souvent substantiels" (42). Menacer de se séparer des Bamiléké pour créer un Etat pahouin relève des sanctions économiques. C'est un moyen de leur couper les vivres.

la menace de sécession reçoit l'appui du Président de la renaissance fang du Gabon qui exprime sa sympathie vis-à-vis des Béti du Cameroun pour ce qu'ils font l'objet des attaques et des insultes de tous genres. Il termine en disant : "à présent que, les uns et les autres nous découvrons les difficultés d'une cohabitation avec les peuple avec qui nous n'avons que très peu de choses en commun, comment ne pas envisager la constitution de l'unité Fang-Béti-Ntoumou à présent?" (43).

c-) Faire miroiter la menace qui pèserait sur la survie du peuple béti, si les bamiléké s'emparaient du pouvoir.

Ici, il est surtout question de faire comprendre aux Béti que leur survie passe par le maintien d'un Béti au pouvoir, en la personne de Paul Biya. Très souvent les campagnes électorales et les communications de toutes sortes ravivent l'idée de la " mort " du peuple béti si un Béti venait à partir du pouvoir. On se sert ainsi du paravent ethnique, du bouclier ethnique pour se maintenir soi-même au pouvoir. Comme le montre L. Doob, dans la stratégie de la peur, c'est l'intérêt personnel qu'on veut sauvegarder et non l'intérêt de l'ethnie comme tel. "Un nombre limité de personnes, d'ordinaire les dirigeants, déclare vouloir conserver l'actuel appareil politique, système économique, ou tout aspect de sa culture qu'il estime menacé par un groupe externe. Il craint pour son propre pouvoir (...) Il essayera de persuader ses partisans que leur sécurité est également menacée et, s'il y parvient, sa propagande de guerre sera probablement efficace" (44).

L'on met les Béti en garde contre l'expansionnisme bamiléké qui pourra se solder par la perte de leurs terrains. " vous n'aurez même plus où creuser même le WC. S'ils arrivaient au pouvoir, ils vous feront sortir de vos maisons et les occuperont. Rappelez-vous, leur disent-ils, que les Foulbé avaient juré de castrer tous les Béti s'ils arrivaient au pouvoir ". Les autochtones béti de la ville de Yaoundé enregistrent et transmettent ce sentiment aux Béti ruraux qui leur sont solidaires.

Pourtant, les expropriations des Béti par l'entremise des organismes d'Etat : la Société Immobilière du Cameroun (SIC) et la Mission d'Aménagement et d'Equipement des Terrains Urbains et Ruraux (MAETUR) etc, ont été faites sous le régime d 'Ahidjo et celui de Biya. Plusieurs familles ont été jetées dans la rue sans aucun sou, et leurs terrains ont été vendus ou attribués aux Bamiléké qui en sont aujourd'hui des propriétaires. Le scénario des ex-propriétions, suivi de la clochardisation des autochtones béti a été le suivant : refus du droit coutumier basé sur la succession familiale sur le même terrain. Conséquence : tout terrain non titré appartient à l'Etat qui peut alors en prendre possession à tout moment - complication et ralentissement des dossiers de demande des titres fonciers des autochtones béti, de façon à permettre à l'Etat d'exproprier sans indemnisation.

Ainsi donc, les Béti de Yaoundé ont-ils vendu en masse leurs terrains aux Bamiléké. Ceux qui refusaient de le faire se voyaient substitués par la MAETUR qui faisait le travail à leur place sans leur donner un seul franc. de deux choses l'une : ou on vend à vil prix aux Bamiléké, ou la MAETUR s'empare sans verser un seul sous aux propriétaires coutumiers. Alors que dans une stratégie visant à se maintenir au pouvoir, les partisans béti du régime s'emploient à faire du Bamiléké le bouc émissaire du drame foncier des Béti.


CONCLUSION


Il ressort de notre réflexion que l'antagonisme béti-bamiléké conduisant à la mobilisation ethnique n'est pas à proprement parler l'irruption des haines ethniques traditionnelles, même si la culture propre à chaque groupe a quelque influence sur ces rivalités. Ce sont plutôt des intérêts politiques et économiques qui en sont à l'origine. En fait, " ce qui apparaît souvent comme une irruption de haines ethniques traditionnelles et ancestrales implique souvent en fait des oppositions économiques et politiques " (45).

Dès lors, toute vision statique des rivalités ethniques est à proscrire. Il faudrait parler de la " nouvelle dynamique des rivalités ethniques en Afrique " dans laquelle les politiciens et certains intellectuels jouent un rôle prépondérant. Pour le cas de l'antagonisme Béti-Bamiléké ce rôle du politicien et de l'intellectuel est apparu dans notre étude. Le premier, dans la stratification ethnique se caractérisant par l'attribution d'une activité à certains individus en fonction de leur appartenance ethnique (46). Le second, dans la sophistication du tribalisme qui devient une arme de combat politique redoutable.

Ainsi donc, les populations béti et bamiléké sont-elles en otage, aussi bien par une minorité d'hommes politiques que par une minorité d'intellectuels qui parlent et orientent l'action de ces populations sans avoir reçu mandat. Les populations béti sont forcées d'appartenir au parti au pouvoir qui se maintient par les fraudes électorales; les intimidations et les séquestrations sont le lot de ceux qui tentent d'exprimer ouvertement leur opposition. Les populations bamiléké sont tenues de n'appartenir qu'à l'opposition par le viol des conscience et la manipulation de l'affectif par des leaders politiques et certains intellectuels nombrilistes, décidés d 'en découdre sans concession avec le parti au pouvoir.

Il s'est construit artificiellement deux camps : le camp du pouvoir (les Béti) et le camp de l'opposition (les Bamiléké). En d'autres termes ; qui dit Béti, dit Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (R.D.P.C.) ; qui dit Bamiléké, dit partis politiques de l'opposition. C'est le processus démocratique qui prend des coups, dans sa dimension de libération des consciences et de promotion des choix individuels. Tout Béti qui milite dans l'opposition est tout de suite soupçonné d'être un " sous-marin " du pouvoir ; et inversement tout Bamiléké qui milite dans le RDPC est suspecté d'être la " taupe " de l'opposition.

http://www.ethnonet-africa.org/pubs/p95cir4.htm

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yebokolo
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MessagePosté le: Wed Feb 09, 2011 7:41 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Il est possible de disserter longtemps sur les définitions de Clan, Tribu, Ethnie.
Ce sont d'abord des termes anthropologiques.
Dans ce qui nous préoccupe aujourd'hui, peu importe les notions de langue et de culture partagées; de relation fondée sur la parenté ou de lignage.
Nous avons a examiner le « tribalisme » sur le plan ethno politique.

Qu'est ce que le tribalisme aujourd'hui ?
Différent de la Tribalité qui est le sentiment d'appartenir à une tribu, le tribalisme est une organisation sociale prenant la tribu comme critère de vie, de promotion sociale ou de développement, elle vise la coordination des activités, des tâches en vue d'avantager la tribu tant sur le plan politique, économique, social que culturel.
Le tribalisme a donc plusieurs points d'entrée mais il entraîne généralement l'exclusion de tous ceux qui n'appartiennent pas à la tribu. Le népotisme, le racisme, le sectarisme, le régionalisme ne sont rien d'autre que l'expression à grande échelle d'une discrimination tribale.

L'Afrique, tout le monde le reconnaît est une Société Tribale, ainsi le concept tribal est une valeur culturelle à préserver et personne ne souhaite la disparition des traditions par exemples Bamiliké, Bassa, Kirdi ou Eton de notre patrimoine culturel.

Dès lors, pourquoi le tribalisme est un problème national, un frein au développement?
Nous avons lentement glissé de la VERTU – les fondements de la tribu comme l'oubli de soi au profit du groupe, la solidarité, le respect des ainés, le partage, servaient de ciment et de rempart dans une existence précaire qui n'est différente aujourd'hui – au VICE, comme la vénalité, le mépris d'autrui, l'égoïsme ou l'intolérance.

Comment ces vices ont ils pris le dessus sur un ordre moral antérieur ?
Parce que tout est parti du plus haut. Les Camerounais comme presque tous les Africains ont une représentation particulière de l'état qui est considéré comme une entité communautaire et redistributive. Les gens au pouvoir et leurs clients dispose, selon leur imaginaire, des richesses et des prérogatives de l'état.
Tous les rouages de la machine, y compris les institutions ne sont que des instruments à s'approprier pour le bénéfice de l'ethnie. Des instruments au service de la gestion privative de ce bien.
L'un des nôtres occupe une fonction, grande ou petite, publique ou privée et c'est le clan, la famille, la tribu dans leur entier qui estiment occuper cette fonction.

Cette vision est largement partagée par les élites qui ont perverti les valeurs républicaines. Et perverti, aggravé, un système, qui pour se contenter de plaquer une vision européenne sur un espace qui pourtant n'avait rien d'occidental, avait laissé un héritage empoisonné.

Le manque de discernement, de profondeur de vue des anciens colonisateurs est encore aujourd'hui payé par les peuples Africains de pays, artificiellement, arbitrairement façonnés.

Le Clientélisme :
Nous sommes effectivement dans cette configuration, c'est du clientélisme qui se définit comme l'attitude d'un parti cherchant à augmenter sa clientèle politique par l'octroi d'avantages injustifiés, en échange d'un soutien.
Les relations sont alors sous tendues par une solidarité qu'il faut bien appeler de la dépendance, une relation hiérarchique ou la reconnaissance du ventre.

Cette pratique n'est pourtant pas propre à l'Afrique, en France par exemple, sous la Troisième République (1870 – 1940) les politiques achetaient les voix au moyens de subventions, obtentions d'emplois, facilités, passes droit, et autres tournées du Dimanche dans les cafés.
Ces pratiques d'un autre âge, ne vous rappellent rien à propos du Cameroun ?

Sur quoi s'appuie cette pratique du clientélisme, du tribalisme? Sur l'utilisation dévoyée de fondements nobles de la Tribu, comme la solidarité, la reconnaissance et le respect; et aussi sur la croyance en la sorcellerie.

L'état ne garantit plus ou n'a jamais garanti, l'égalité des chances des Camerounais qui sont obligés d'adhérer à des réseaux de clientèle qui font d'eux des obligés, il a ainsi annihilé toute possibilité d'expression, de proposition et d'évolution.


Combattre le Tribalisme et l’Ethnocentrisme artificiellement introduits en Afrique à travers l’invasion européenne et entretenus aujourd’hui (sciemment ou inconsciemment) par certains Africains ne saurait se faire grâce à la suppression des Identités Ethniques et Tribales qui constituent en réalité le socle véritable de la Société et le cadre de la parfaite socialisation de l’Homme Africain.
Le vrai combat contre la nuisance du tribalisme consisterait plutôt à réactiver et à promouvoir les mécanismes millénaires d’interaction et d’échange intercommunautaire qui avaient toujours permis aux diverses Communautés Ethniques de perpétuer le Patrimoine collectif Culturel et Spirituel de l’Afrique Noire.

Et ceci par réappropriation, dans le cadre d'un apprentissage scolaire, d'une morale et de l'enseignement d'une histoire réelle du passé, quel que soit ce passé, colonial ou autre. En même temps que l'acquisition de notions permettant d'appréhender le monde moderne, de manière à acquérir un savoir global et bien assis pour développer des attitudes extraverties, de mise en avant de soi, de prise de parole, d'initiative et de proposition.
Donc par un enseignement non calqué sur un enseignement occidental, mais qui peut tenir la comparaison avec les enseignements des autres nations.

Vaste gageure que de transformer de fond en comble un enseignement national en une machine à fabriquer des gagnants.

EN CONCLUSION l'usage aujourd'hui du tribalisme, l'effacement des valeurs anciennes qui ne s'accordent plus avec les façons actuelles de vivre, l'effondrement avant même sa mise en place complète d'une démocratie, le dévoiement des valeurs traditionnelles nuisent gravement au développement du pays, je dirais même le maintiennent dans un état de sous développement.
Au contraire l'instauration d'une démocratie appliquée d'abord aux structures de base, d'une gestion participative et transparente de la chose publique au premier niveau (la commune) et l'instauration d'un système éducatif fort permettront de sauver la population d'une misère qui elle se partage fort bien sans distinction de lieu ou d'ethnie.

Bien que cela ne soit en rien une con solation, cette problématique du tribalisme traverse le continent tout entier, de Djibouti au Sénégal ou du Tchad au Botswana.

Enfin pour revenir au Cameroun, il faut donner en exemple à tous que Ruben Um Nyobè était Bassa, Ernest Ouandié Bamiliké, Felix-Roland Mounié Bamoun et Ossendé Afana Manguissa, et que pourtant ils rêvaient tous ensemble d'un Cameroun libre et prometteur.
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Que la force me soit donnée de supporter ce qui ne peut être changé et le courage de changer ce qui peut l'être mais aussi la sagesse de distinguer l'un de l'autre. Marc Aurèle
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