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A la rencontre de Joëlle Esso, artiste multi-talents camerounaise
Originaire du Cameroun, Joëlle Esso pratique l'art sous de nombreuses formes : dessin, musique, chant, danse ou illustration. Elle se confie à Bonaberi.com
Par Nkwayep Mbouguen le 16/11/2009 |
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Joëlle Esso, artiste camerounaise
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Bonjour Joëlle, pouvez-vous vous présenter à nos internautes ?
Bonjour. Je suis Camerounaise, chanteuse, danseuse, illustratrice.
Parlez-nous de votre enfance. Où viviez-vous ? Quels étaient vos rêves,
qu'aspiriez-vous faire plus tard ?
J'ai grandi à Douala, puis à l'adolescence, Abidjan et Paris. Je rêvais de
dessiner, je le faisais déjà partout, sur les murs, sur les tables, ce qui m'a
valu plusieurs punitions ! Mais je n'avais jamais imaginé monter sur une scène
et chanter, encore moins danser…
Vous exercez l'un des plus vieux métiers du monde : artiste. Parlez-nous de
cette passion.
Pour moi, il s'agit juste de faire ce pour quoi on a des aptitudes. Je pense
avoir reçu un don du ciel, mais comme chacun sait, le don ne vaut rien s'il
n'est pas développé, si on ne travaille pas. Je le vis de façon aussi normale
que respirer ou manger.
Ce n'est pas évident de se passionner et de vivre d'art au Cameroun. Comment
avez-vous pu vivre et développer cette passion ?
Je suis partie du Cameroun à 14 ans, je n'ai donc pas été confrontée à certaines
difficultés liées au fait que l'art en général n'est pas reconnu à sa juste
valeur chez nous. Mes parents étaient totalement opposés à ce que j'envisage
sérieusement une carrière artistique, excepté l'architecture, seul dessin
sérieux pour mon père. C'est lorsque je me suis retrouvée en France sans mes
parents que j'ai pris des ailes.
Musicienne, danseuse, dessinatrice, illustratrice et j'en passe, vous faites
tout à la fois. Comment allier le tout ?
En réalité ce sont des métiers totalement liés. Pour une comédie musicale
par exemple il faut chanter, danser, jouer la comédie, peut-être composer la
musique aussi. Comme je dessine je peux également faire l'affiche du spectacle,
sans parler du décor ! Ce sont les multiples facettes d'un même prisme. |
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"L'arme la plus puissante qui existe est la culture" |
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Joëlle Esso en train de dessiner
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Parlons de la musique ; qu'est-ce qui vous guide dans la musique ? êtes vous
plutôt poétesse, engagée ou autre ?
Je suis panafricaine. Les particularismes régionaux m'agacent profondément. J'ai
collaboré avec des artistes de plusieurs pays, j'ai chanté en lingala, swahili,
arabe, soussou, attié, kotoko, bassa, bambara, kikongo, mpunu, bulu, mina, fon,
yoruba, malgache…Je rêve d'unité africaine.
Monique Seka, Fredericks, Jean-Michel Jarre, vous avez fait beaucoup de chœurs,
mais avez aussi sorti votre album mungo et composé la bande originale du film
« Les saignantes ». Privilégiez-vous le groupe ou le solo ?
Les deux me plaisent et je ne veux pas choisir. Maintenant chaque domaine a ses
avantages et inconvénients. Accompagner les gens me permet d'apprendre sans
arrêt de nouvelles choses, être en solo me permet de faire ce que je veux, de
choisir ma direction.
Aujourd'hui, où est en votre carrière dans la musique ?
Je prépare mon deuxième album pour 2010, tout en continuant à faire les chœurs
de temps en temps.
Vous venez de publier une bande dessinée intitulée « Petit Joss », parue aux
éditions Dagan. De quoi parle exactement votre œuvre, mis part de la célèbre
école primaire de Bonanjo ?
Ce sont des chroniques de vie scolaire, mais je parle surtout de mon enfance et
de la société de l'époque.
Vous avez déclaré dans une interview vouloir dans « Petit Joss » vous battre
contre les préjugés véhiculés sur l'Afrique : enfants pieds nus se déplaçant de
liane en liane, avec une peau de banane comme habit… Pensez-vous pouvoir
véhiculer des idées à travers « Petit Joss », et plus généralement à travers
l'art ?
L'arme la plus puissante qui existe est la culture, et l'art en fait partie.
Celui qui vous menace d'un revolver ou qui vous enferme ne touche que
l'enveloppe externe, mais celui qui contrôle votre mental peut vous laisser
circuler librement, il a déjà gagné. C'est par la fabrication de héros, en
frappant l'imaginaire, par la psychologie, des films, des BD, des romans, qu'on
a amené tout un peuple à préférer avoir des cheveux lisses, être plus clair de
peau, et sûrement pas en les menaçant. |
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"Je ne suis pas partie en Occident pour me r?aliser artistiquement" |
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Avec votre premier album appelé Mungo comme le département du Littoral,
réalisé un album « Petit Joss » comme l'école où vous êtes allées, on sent chez
vous une volonté de mettre avant votre culture, votre pays. Y a-t-il toujours
cette touche personnelle dans vos œuvres ?
Oui, toujours. Je suis fidèle à la règle des premières œuvres : premier disque,
autobiographique, première BD, idem. On verra par la suite si j'ai de
l'imagination ! Plus sérieusement, ma culture a beaucoup d'importance, c'est en
restant soi-même qu'on communique mieux avec les autres, j'en suis persuadée.
Avec Tintin au Congo, Zembla, Akim, les jeunes d'une génération ont grandi dans
un monde avec une image de l'homme blanc au dessus, même au plus profond des
jungles et savanes africaines. Pensez-vous que les jeunes d'aujourd'hui ont
besoin eux aussi de modèles noirs et africains ? Que le Cameroun a besoin d'un
art en général et de bandes dessinées du terroir ?
C'est complètement évident. Vous voyez ? On en revient à l'impact de l'art sur
les gens. Il faut lutter en permanence contre l'aliénation culturelle. Nous
avons besoin de nous reconnaître dans tous les domaines visuels : la publicité,
les super-héros, l'iconographie religieuse/spirituelle…
Que pensez-vous de la bande dessinée Kouakou, qui met en scène l'archétype de ce
qu'on qualifierait de « villageois » ?
Kouakou présente l'avantage d'être un petit garçon heureux, positif, en bonne
santé, ce qui est plutôt bien. Je ne reproche rien au fait de représenter des
villageois, je trouve simplement dommage qu'on nous vende cela comme étant
l'unique vérité africaine, ce qui n'est évidemment pas le cas.
Au Cameroun il n'existe pas réellement d'école d'art. Comment produire des
artistes du terroir autres que musiciens dans ces conditions ?
Conseilleriez-vous aux artistes en herbe de, comme vous venir embrasser
l'Occident ?
Je ne suis pas partie en Occident pour me réaliser artistiquement, c'était une
décision parentale pour laquelle je n'ai pas été consultée. Maintenant
concernant votre question, la réponse n'est pas évidente. Tant qu'il n'y a pas
de volonté politique, les artistes camerounais continueront à peindre, sculpter,
dessiner, photographier, etc, sans pouvoir en vivre réellement. Quelle place est
donnée à la culture et aux arts en général ? Lorsque ces métiers seront
considérés à leur juste valeur et rémunérés comme il se doit, personne n'aura
besoin de s'exiler pour exister artistiquement.
Parlez-nous maintenant de vos autres projets dans les autres domaines.
Je fais actuellement des voix de doublage pour la version française du film de
Clint Eastwood sur Nelson Mandela, et je coache une jeune chorale de gospel en
région parisienne, sans oublier une pièce de théâtre dans laquelle je joue et je
chante, dont les répétitions commencent en février 2010 pour jouer au festival
d'Avignon en juillet. |
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"J'ai appris ? ?tre plus indulgente" |
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Ballade sur le Wouri, par Joëlle Esso
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Parlons maintenant de Joëlle Esso : un cœur à prendre ? En couple ? Des
enfants ? Des manies ? Vos qualités ? Vos défauts ?
Mariée, mère de famille. Des manies, ce sont les autres qui peuvent en parler,
je ne sais pas trop…Qualités, persévérante. Défauts, impatiente.
Vous pratiquez l'art sous quasiment toutes ses formes depuis maintenant quelques
dizaines d'années. Etes-vous toujours la même ? Vos expériences ont-elles changé
votre façon de concevoir le monde, et donc de le représenter dans votre art ?
A travers ces métiers dont la qualité dépend beaucoup de notre état (voix
enrouée ou pas, fatigue…) j'ai appris à être plus indulgente, plus compréhensive
avec les gens dans la vie en général. Je sais aussi que les apparences sont
parfois trompeuses car nos métiers sont souvent mal jugés par ceux qui ne les
voient que de l'extérieur.
Quelles ont été vos pires et meilleures expériences ? Votre meilleur moment ?
Votre pire ?
Pire, je dirais la disparition de Carol Fredericks alors que nous étions en
tournée à Dakar. Meilleur, le festival de Toronto avec le film de Bekolo
sélectionné, et mon nom au générique, le débat après la projection.
Avez-vous des dates à nous communiquer sur des projets futurs ?
Le festival de bande dessinée d'Angoulême du 28 au 31 janvier 2010, le salon du
livre de Paris du 26 au 31 mars, le salon du livre de Genève du 28 avril au 2
mai.
Merci d'avoir répondu à nos questions. Un dernier mot pour les internautes de
Bonaberi.com ?
Merci à tous pour votre soutien envers les artistes, nous sommes parce que vous
êtes.
Découvrez la galerie photo consacrée à Joëlle Esso :

Une liste des oeuvres de Joëlle Esso :
-Tiwa et la Pierre-Miroir de Serge Bilé et
Joby Bernabé (2006), illustrations Joëlle Esso aux Editions Monde Global.
Pour commander : Amazon, Fnac
-Histoires des Personnages de la Bible : Tome 1 de Nadia Origo (2008)
Illustrations Joëlle Esso aux Editions La Doxa
Le royaume de Longo : Tome 1 de Nadia Origo (2008) Illustrations Joëlle Esso aux Editions La Doxa
Pour commander ces ouvrages : envoyez un mail à origraphcom@free.fr
-Puzzle Afrique et animaux aux Editions Turkana (www.turkanalejeu.com)
Vous pouvez écouter sa musique : www.myspace.com/joelleesso
voir des vidéos: www.joelle-esso.com
voir des dessins: www.artmajeur.com/esso
des extraits de la BD: www.petitjoss.com |
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