Au Cameroun, ESA est une star, et sur les forums africains du net, ses
fans sont enthousiastes : "j’ai coulé les larmes tellement j’aime le groupe ESA.
Il me manque parce que je vis à l’autre bout du monde”, peut-on lire sur
wmedia.cameroon-info.net ; “une des plus belles voix camerounaises voire même
africaines !” sur cameroon-info.net ; ou encore “le groupe ESA a marqué la
mémoire de nombreux mélomanes d’Afrique francophone”... Créé en 1987 par les
frères Dayas, le groupe ESA est désormais incarné par la figure de Stephan
Dayas. Mêlant la soul, le Rn’B, le makossa, la hi-life, et d’autres rythmes
africains, ESA a été à l’origine de plusieurs tubes, célèbres jusqu’en Côte
d’Ivoire ou au Gabon : “Eyayé”, “Muto”, “Ndima”, “Ishwara”, “Hold on”,
“Essoka”...
Afrik.com : Aujourd’hui, et ce dernier album en est la preuve, vous avez
développé un style très personnel...
Stephan Dayas : Oui, je
pense avoir développé mon style propre. C’est proche de la musique
afro-américaine, mais la base de ma musique est plus africaine, et je chante en
douala, alors qu’au début, je chantais en anglais.
Afrik.com : Comme je ne comprends pas le douala... De quoi parlent vos
chansons ?
Stephan Dayas : Ce sont
d’abord des chansons pour donner aux gens envie de danser ! D’autres chansons
sont plus romantiques... Mais je parle aussi d’autres choses. Dans ce dernier
album, la chanson “Oweni” parle des malheurs de l’Afrique, et pour la musique je
m’inspire du makossa et de la musique sawa.
Afrik.com : A propos de makossa : Manu Dibango, qui a rendu le makossa célèbre
dans le monde entier, avec son tube, Soul Makossa, en 1973, vous a-t-il
influencé ?
Stephan Dayas : Oui bien
sûr, il inspire tout le monde. C’est le premier artiste africain qui a montré
qu’à partir de notre musique, on pouvait développer beaucoup de choses. Un autre
Camerounais aussi m’inspire : Richard Bona. Au Cameroun, le peuple sawa - auquel
ces artistes appartiennent, tout comme moi - exerce une véritable hégémonie sur
le plan musical !
Afrik.com : La musique joue un rôle très important en Afrique. Pourquoi, selon
vous ?
Stephan Dayas : En Afrique,
la musique a une puissance de magie évocatoire. Quand elle est jouée à
l’occasion de certains événements, elle permet d’entrer en contact avec des
aïeux, pour conjurer certaines situations par exemple. Chez le peuple Sawa,
auquel j’appartiens (sud-ouest du Cameroun), la musique joue ce rôle très
important. |
Afrik.com : A l’origine, ESA est une entreprise familiale... Vous êtes né dans
une famille de musiciens ?
Stephan Dayas : Oui. Mon
grand-père était guitariste, et grâce à lui, j’ai appris à jouer de la guitare.
Mes frères aussi étaient musiciens.
Afrik.com : Mais aujourd’hui, vous êtes connu comme chanteur...
Stephan Dayas : J’ai choisi
de me spécialiser dans le chant. La voix, c’est complexe comme instrument. Le
chant a la particularité d’être un instrument qui ne nécessite pas un apport
extérieur : c’est quelque chose qui fait partie de soi-même qu’il faut
simplement développer. C’est aussi complexe que le jeu d’un instrument, et
peut-être davantage. Car il faut rentrer en soi-même, pour trouver et développer
son potentiel.
Afrik.com : Comment vous êtes-vous mis au chant ?
Stephan Dayas : J’étais
encore étudiant, et chaque jour, je me donnais rendez-vous avec moi-même, pour
pratiquer le chant. Chaque jour pendant des mois, je m’exerçais une heure, deux
heures, trois heures... Je développais des choses en moi, je travaillais sur
moi-même.
Afrik.com : Quels étaient vos modèles à ce moment-là, les voix que vous aimiez
écouter ?
Stephan Dayas : Mon modèle,
c’était la musique afro-américaine. J’étais - et je reste - un fan de Stevie
Wonder, de James Brown... C’est à partir de ces modèles que j’ai essayé de
travailler. En fait, j’avais créé un cycle : chaque jour j’avais rendez-vous
avec moi-même, c’était devenu comme un rituel, et quand vous faites une chose
avec régularité, chaque jour vous faites des progrès. Je me suis vite rendu
compte que le chant, ça n’est pas un exercice physique : c’est un exercice
mental. Par exemple, quand il s’agit de faire une appoggiature (technique où on
chante une courte note avant l’autre, ndlr), il faut le faire, le répéter, se
tromper, recommencer... Tout l’exercice consiste à maîtriser cette technique. Et
cette maîtrise, ce n’est pas physique, c’est mental... Quand on rencontre un
problème, il faut creuser en soi pour savoir ce qui ne va pas. Cet entraînement,
c’est exactement comme pour le sprinter qui doit courir 100 mètres...
Afrik.com : Vous n’avez donc jamais pris de cours de chant ?
Stephan Dayas : A un moment,
j’ai senti que j’avais atteint mes limites personnelles. J’avais besoin
d’apprendre à tenir la voix, à ne pas la casser en chantant longtemps, et j’ai
donc pris quelques cours de chant. Mais je crois que j’avais un don. Et j’ai
continué à travailler seul. Par exemple, le trémolo, qui est très important dans
le chant afro-américain, je l’ai travaillé à partir de Sarah Vaughan : elle fait
l’un des plus beaux trémolos que j’aie jamais entendus, elle le fait de manière
extrêmement fine, et elle le fait tout le temps ! (il se met à me chanter un
air, en faisant des trémolos du début à la fin..., ndlr). Donc à un moment, j’ai
travaillé exclusivement le trémolo.
Afrik.com : Aimez-vous assister à des chants traditionnels dans les villages du
Cameroun ?
Stephan Dayas : Oui, et il y
en a même en ville. Ce sont des traditions vivantes. Et dans ces chants, la voix
est très importante...
Consulter
le Myspace de Stéphan Dayas
Source :
Afrik.com
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