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Mokolo-lobi: les disciples de la deche/ extrait3

 
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H.T



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MessagePosté le: Fri Oct 12, 2012 1:23 pm    Sujet du message: Mokolo-lobi: les disciples de la deche/ extrait3 Répondre en citant

Comment oublier la première rencontre avec le sergent Effa ? Ce jour-là, on avait fait le plein de passagers aux abords de l’ancien cinéma fébé pour se rendre à Nkolbisson. la banquette arrière accueillait cinq personnes, deux autres passagers se partageaient le siège avant, et Thomas accueillait à ses côtés, sur le siège conducteur, un autre passager communément appelé petit chauffeur. C’est ainsi qu’on surnommait le courageux qui acceptait de s’asseoir là. Il arrivait régulièrement que Thomas demande à son petit chauffeur d’effectuer à sa place les changements de vitesse. Thomas appuyait sur l’embrayage et c’était l’autre qui maniait le levier de vitesse. On avait bourré la malle arrière de bagages divers, à tel point qu’elle ne fermait plus. Par sécurité, pour ne rien perdre durant le trajet, le maintien de la marchandise dans la malle arrière avait été assuré avec des lanières de caoutchouc. Sur le porte bagage, la situation était la même, mais en prime, Homer était juché dessus, afin d’aider au déchargement. Il s’accrochait solidement aux barres de fer parallèles, car Thomas conduisait toujours comme s’il s’agissait des vingt-quatre heures du Mans. Ils venaient de franchir les limites d’oyomo-bang et il ne leur restait que quelques kilomètres à parcourir avant d’atteindre le terminus à Nkolbisson. Soudain, au bout d’une ligne droite, surgi le sergent Effa, en tenue de camouflage, campé sur ses jambes en équerre, main gauche tendue en avant comme s’il comptait stopper le véhicule par la seule force de sa pensée. Dans le même temps, il vidait ses poumons dans son sifflet. Thomas pila net et avant que Homer réalise quoi que ce soit, il était au sol, entre les deux pneus avant. Il s’en est sorti par miracle et grâce à Dieu avec des courbatures, quelques éraflures et une légère commotion. Le cauchemar venait de débuter.

Avec Effa, les routes de Yaoundé allaient devenir le siège d’une guérilla urbaine. Il taxait régulièrement notre petite entreprise de la presque totalité de la recette journalière et nous priions au quotidien afin qu’il soit en arrêt maladie. la ligne de Nkolbisson se transforma en un éternel jeu de cache-cache pour tenter d’échapper à la vigilance du sergent qui de son côté, ne manquait pas d’imagination pour nous surprendre. Il n’hésitait pas à s’escamoter derrière un kiosque du PMU, accroupi, guettant notre passage ou une faute de notre part comme un stationnement interdit. On le voyait alors sortir de sa cachette, mains en poches, sifflet en bandoulière, les yeux cachés derrière des lunettes noires, le visage autant noir de crasse que de mélanine luisant au soleil. Très souvent dans l’après-midi, sur le coup de seize heures, il s’installait dans un bar en bordure de route pour consommer son taux quotidien d’éthanol. Une heure plus tard, passablement ivre, mais loin d’être désaltéré, il arrivait qu’il fasse un constat : il n’avait plus un sou en poche. Il sortait alors du bar pour improviser un contrôle de police sauvage et revenait trente minutes plus tard, les poches pleines, heureux comme tout, pour offrir des tournées générales. Tous les OPEP qui faisaient la ligne de Nkolbisson maudissaient Effa au quotidien. Une stratégie à son encontre ne tarda pas à voir le jour. la tactique était simple, lorsque Effa faisait signe de garer, ils ralentissaient, allant jusqu’à clignoter afin de le convaincre qu’ils allaient effectivement le faire. Effa, sûr de lui, baisse alors sa garde et se positionne nonchalamment en attendant que le chauffeur descende avec un billet de mille franc CFA à son intention. C’est le moment que choisira ce dernier pour accélérer brutalement et arroser au passage Effa d’un nuage de poussière. Un jour qu’il était relativement saoul et qu’un chauffeur lui fit ce pied de nez, il tira deux balles dans la carrosserie. Dieu merci, il y eut plus de peur que de mal.

Effa n’entendait pas continuer de se faire narguer de la sorte, en conséquence, il s’arrangea pour dorénavant être toujours dans l’axe du capot jusqu’à immobilisation complète du véhicule, jusqu’à ce que le chauffeur lui ait remis son billet de mille Franc CFA. C’est grâce à des individus comme Effa, que les policiers furent longtemps surnommés Mange-mille. Plus que jamais donc, Effa pris possession de la route, se tenant en son milieu pour racketter les OPEP. Jamais on n’a vu un OPEP procéder à une révision technique. Ce qui devait arriver arriva donc fatalement, arrachant au passage, au sergent, son dernier souffle. Ça lui pendait au nez depuis trop longtemps déjà. Surgissant comme à son accoutumée en plein milieu de la chaussée pour forcer un OPEP à s’arrêter, il fut envoyé valser dans les airs et mourut sur le coup. Les freins de l’OPEP avaient répondu absent aux sollicitations du conducteur. Le pauvre chauffeur, à ce jour, doit encore être en prison. Mais pour ses collègues, la nouvelle du décès d’Effa fut accueillie dans la liesse. On n’avait jamais vu autant d’OPEP sur la ligne de Nkolbisson. Sur le coup de vingt heures, ils étaient tous garés devant le bar même où Effa avait coutume de s’enivrer pendant ses heures de service. Ça buvait sec et parlait haut. Au point que des collègues du défunt vinrent leur chercher querelle. L’affaire se termina en bagarre générale avec au final l’arrestation de plusieurs chauffeurs d’OPEP parmi lesquels Homer et Jacques. Les policiers, numériquement inférieurs au départ, avaient reçu le renfort d’un convoi de gendarmerie qui passait par là. Les plus chanceux d’entre nous réussirent à s’enfuir avec des cocards et des bleus.

la rixe cependant, permit de nouer des contacts entre les deux parties et d’entamer des discussions. la situation était critique pour les deux camps et se résumait en quelques mots : la mortalité sur la route. Trop de chauffeurs se faisaient tirer dans le dos comme des lapins en essayant d’échapper à un contrôle et trop de policiers se faisaient percuter par des véhicules fous, propagateurs de tétanos. Il fallait dialoguer et lever les malentendus afin que tout un chacun puisse continuer de s’engraisser sur le dos du contribuable. C’est ainsi que deux professions que tout opposaient jusqu’à lors, finirent par trouver un modus vivendi. Ce fut la preuve pour Jacques, à peine libérer de sa garde à vue, de ce que tout conflit peut potentiellement être solutionné, à l’unique condition d’avoir sous la main un docile troisième larron pouvant servir de dindon à la farce. Il nous en fit la démonstration par l’absurde en se référant au conflit Israélo-palestinien. Homer qui ne voyait aucun rapport entre les deux poussa une longue exclamation tout en se frappant les cuisses : « yééh maleh ! Les longs longs crayons vont nous tout nous montrer. Je dis hein, pourquoi vous n’aimez pas quand la vie est simple ?» Jacques fit celui qui n’entendait pas et continua de parler la bouche pleine, projetant dans toutes les directions le produit blanchâtre de sa mastication. Il semblait pris de frénésie, ayant passé deux jours en garde à vue sans rien à manger. On avait tous eu peur de lui rendre visite, certains que cela nous aurait valus d’être à notre tour enfermés et bastonnés. C’est donc le soir même, profitant d’une accalmie entre les deux camps, que nous osâmes approcher un policier avec un billet de cinq mille francs, afin qu’il consente à nous ramener notre compagnon. Nous lui avions préparé une soirée de bienvenue agrémentée par de la bière et du poisson braisé. a peine assis dans le bar, Jacques se mit à parler sans interruption, encore sous le choc de ce qui lui était arrivé. « Si jusqu’à ce jour, expliquait-il, Israéliens et palestiniens n’ont toujours pas trouvé le moyen de vivre en paix côte à côte, c’est qu’il manque un dindon à leur farce. » selon Jacques, il suffisait de trouver le dindon pour que le conflit séculaire soit clos.

En lecture libre sur: http://www.inlibroveritas.net/lire/oeuvre41204.html
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