Un comité de vigilance en lieu et place du Bir
L'insécurité est notoire dans la région du Nord du Cameroun
Vendredi 21 novembre 2008. Des moto-taximen faisant le trafic sur la ligne
Garoua-Nigeria informent l’autorité traditionnelle de Demsa de la présence d’une
dizaine de bandits de grand chemin dans la brousse environnante. Le même jour,
les coupeurs de route vont à Koléré (village situé à 25 km de Gaschiga, près de
Garoua) et prennent en otage deux personnes. La libération de ces derniers est
conditionnée par le payement d’une rançon de 7 millions Fcfa. Les populations se
mobilisent samedi et dimanche. Elles saisissent le Lamido de Demsa, sa majesté
Moustafa Mossa afin de planifier de commun accord une stratégie de
contre-offensive. Le chef les renvoie auprès des quatre éléments du bataillon
d’intervention rapide (Bir) à Demsa pour une collaboration.
Malheureusement les
mandataires du Lamido ne trouvent pas les soldats du Bir sur place. Néanmoins,
elles se constituent en trois groupes de cinq personnes (soit une quinzaine de
membres du comité d’autodéfense) avec deux ou trois armes de fabrication
artisanale. En allant de Bamanga à Koléré le 25 novembre 2008, les "auto
défenseurs" croisent une partie du gang. Celui-ci est subdivisé en trois
sous-groupes, soit deux responsables assurant la garde des otages, trois
personnes chargées d’approvisionner les gardes en vivres (elles étaient allées à
la quête de l’eau et de la nourriture) et trois autres bandits qui sont allés
s’installer sur les pistes où passent les moto-taximen, afin de leur extorquer
de l’argent. C’est alors qu’ils se retrouvent nez à nez avec les membres de
comité d’autodéfense. Armés tous de kalachnikovs, ils ouvrent le feu sur les
libérateurs d’otages. Chasseurs rompus à la tâche, les membres du comité de
vigilance réussissent à s’éparpiller, mais l’un d’eux reçoit une balle.
Toutefois, le groupe parvient même à encercler un coupeur de route. Ce dernier
est assommé sur le champ. Les membres du comité de vigilance transportent le
cadavre et l’arme de la victime au domicile du chef. Par contre, les autres
hors-la-loi s’enfuient avec leurs effets dès qu’ils entendent les échanges de
coups de feu. L’un des deux otages (le plus jeune) parvient à s’échapper. Selon
le chef, l’on ne connaît pas le sort du deuxième otage, âgé de plus de 50 ans.
S’est-il échappé ou a-t-il été rattrapé ? Pour le moment, on ne l’a pas vu. "Je
suis allé avec les éléments du Bir et les membres du comité d’auto défense sur
les lieux du drame pour voir s’ils l’ont achevé avant de partir. Nous n’avons vu
aucune trace", avoue le Lamido de Demsa. Mais une chose est certaine, les
ravisseurs ont traversé la frontière en direction du Nigeria.
Le Tchad accuse le Cameroun d’être peu coopératif
Le Cameroun est enclin à la porosité des frontières d’avec les pays limitrophes.
Selon l’ex-Consul Tchadien à Garoua, Mbodu Saïd, le Cameroun est réticent
vis-à-vis de la nécessité de création d’une brigade mixte pour pourchasser
invariablement les bandits au-delà des frontières nationales. Si pour le Tchad,
le Cameroun est très peu coopératif dans la lutte contre ce phénomène, pour les
autorités camerounaises les arguments ne manquent pas. Selon un officier de
l’armée camerounaise, les pays frontaliers du Cameroun ne sont pas totalement
stables. Cependant, les brigades mixtes, même si elles sont efficaces, vont
entraîner plus de problèmes que de solutions. Il renchérit en disant que l’armée
tchadienne est opérationnelle au gré des alliances et des défections. Par
conséquent, la brigade mixte permettrait à certains soldats tchadiens, rebelles
de demain, de disposer de certaines informations sensibles au Cameroun ou secret
de défense. "Le Tchad et la Centrafrique sont heureux d’occuper les rebelles au
Cameroun. Chez eux, il n’y a plus rien parce que tout a été pillé et s’ils ne
reviennent pas ouvrir des coups de feu au Cameroun, ils organiseront des
rebellions", argumente-t-il. En 2005, certains rebelles tchadiens ont même
installé librement leur base près des villages Nklai, Haïdjam, Siri et Sindré
dans le département du Mayo-Rey.
Des ex-partisans de Bozizé épinglés
Ils y opéraient régulièrement. Ces malfrats se ravitaillaient auprès des
populations qu’ils prenaient en otage. Ceux-ci étant leurs sources de
financement. Idem pour la frontière Cameroun-République centrafricaine. En
effet, tous ceux qui ont été mis en marge du processus de normalisation en Rca
ont créé une "zone de prospérité", font savoir un militaire. Selon un haut gradé
de l’armée Camerounaise officiant à Garoua, ces coupeurs de route sont
régulièrement aux prises avec les populations du Mbéré dans l’Adamaoua. "Il
s’agit d’anciens soldats tchadiens de Bozizé, vétérans de la guerre civile au
Tchad, qui ne veulent pas rentrer à cause de la pauvreté ambiante que connaît
leur pays. Parmi eux, il y a aussi quelques Centrafricaines", poursuit-il.
Convaincus de l’infériorité numérique des éléments du Bir (quoique vaillants),
les bandits préviennent souvent leurs cibles avant de débarquer, et la main
habile sur la gâchette dictent leur loi sans rencontrer pour la plupart des cas
de résistance sur leur chemin. "Pour espérer enregistrer des résultats
significatifs dans la sécurisation de nos frontières, il faut au moins porter
l’effectif du Bir à 5000 éléments au Nord", suggère un officier du Bataillon
d’intervention rapide en poste à Garoua.
Source : Le Messager
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