En Octobre 2011, les Camerounais devront choisir leur président dans les urnes. Il serait difficile de faire un bilan positif des 28 années de pouvoir de Paul Biya, les indicateurs alarmistes du Cameroun faisant foi d’une décrépitude continuelle de ce pays. Pourtant, à l’instar de son homologue Idriss Deby qui vient de se faire à nouveau réélire avec plus de 80% des voix, Paul Biya n’a vraisemblablement aucun souci à se faire. A cinq mois de l’échéance fatidique, il semblerait que ses concurrents s’arrangent pour lui rendre la vie facile, en plus de ses propres partisans qui se mettent en ordre de combat de façon nettement plus disciplinée que leurs adversaires….
Le morcellement, avec la multiplicité des candidats de l’opposition….
L’union fait la force, dit-on. L’opposition camerounaise n’en semble pas persuadée. Résultat : à cinq mois de l’échéance, déjà plus de 10 candidats potentiels déclarés, et aucun semblant d’union en vue. L’appel à la candidature unique par le peuple, pour pouvoir accorder de la crédibilité à cette opposition longtemps accusée d’être guidée par l’appât du gain, n’a visiblement interpellé aucun des principaux dirigeants de l’opposition, ni les nouveaux entrants. Il faut dire qu’au regard des précédentes tentatives infructueuses, on est en droit de se demander s'il sera jamais possible que l’opposition camerounaise puisse faire front. Trop d’aventuriers, trop de danseurs du ventre… La conséquence immédiate est que les opposants se méfient les uns des autres, et dans toute cette ivraie, il devient difficile pour le peuple de distinguer le bon grain. Toute l’opposition camerounaise est présentée comme une opposition intéressée, dont les leaders œuvrent pour leurs intérêts personnels et éventuellement des portefeuilles ministériels. En bref, rien n’assure qu’ils ne feront pas pire que Paul Biya qui est présenté comme le moindre mal.
A cinq mois de l’élection, il semble encore rester suffisamment de temps pour que des rapprochements se fassent effectivement. Il faut réellement espérer que les leaders les plus en vue du moment puissent mesurer la nécessité de présenter une union, même de circonstances, pour espérer faire le poids face à la machine extrêmement bien huilée du RDPC…. Quand on sait qu’en réalité, il y’a effectivement suffisamment d’opposants mal intentionnés pour faire échouer toute tentative, il leur faudra énormément de clairvoyance pour ne pas se tirer une balle dans le pied.
Mais qui ira même voter ?
Un problème majeur au Cameroun est la désaffection de la population pour la politique. Trop de promesses en l’air, faites par des malhonnêtes qui souhaitaient avant tout se positionner dans la mangeoire. Le résultat est que pas grand monde ne s’inscrira sur les listes électorales, et n’ira voter. L’enjeu réside donc dans cette grande frange de la population qui n’attend que d’être convaincue que l’espoir est permis. Et pourtant…. Le parti avec la meilleure assise de l’opposition, le SDF, appelle… au boycott. On se demande à quel objectif ils pensent arriver. L’élection sera-t-elle annulée pour cause d’un fort taux d'abstention ? Jamais. Cette abstention concernera-t-elle aussi les fervents partisans du RDPC ? Certainement pas. Alors qu’espère le SDF dans cette démarche ? Celà ne manque pas de susciter de l'étonnement.
Un pas en avant, un pas en arrière… Elecam au centre des débats…
Pendant que les camerounais attendent des réponses concrètes, pour pouvoir enfin se dire que finalement, l’essentiel du programme des partis d’opposition ne se résume pas à Biya must go, les débats tournent inlassablement autour de l’organe chargé de l’organisation des élections, sa composition, son fonctionnement, etc.
S'il est vrai que c’est en partie le gage d’élections transparentes, il ne faut pas se méprendre sur la priorité des arguments face à la population en ce moment… Pour le peuple, il est important de savoir que les opposants sont en mesure de proposer mieux, et de faire mieux que le pouvoir actuel. Et ce n’est pas en focalisant sur Elecam que les concernés arriveront à les convaincre. De ce fait, toutes les initiatives de leaders sur le fond, les programmes, sont à encourager.
Les appels « du peuple »… Les lieutenants au garde-à-vous…
Des ouvrages publiés par la société d’imprimerie nationale, des motions de soutien signées par des universitaires, même si un bon nombre d’entre eux ne se souviennent pas d’avoir apposé leur signature sur un quelconque document de ce genre, des chefs traditionnels qui prennent position, des élites qui organisent des levées de fonds…
Le RDPC se met en marche, comme il sait faire, usant de moyens colossaux que sont les siens – en réalité les caisses de l’état. Paul Biya sera vraisemblablement candidat…
Comment ne pas, lorsque des déclarations enflammées d’amour lui sont envoyées par des journalistes à l'instar de Rosine Ebessa Nang, des professeurs, des ministres tels que Fame Ndongo ? Et en fond sonore, quelques récriminations rapidement étouffées par les forces de l’ordre, dévouées corps et âme au maintien de la sérénité du RDPC.
Non, décidément, Octobre 2011 ne risque d’être qu’une formalité pour le président sortant qui va rempiler pour 7 ans de plus, à 78 ans déjà. Tout ce qui nous restera à espérer c’est qu’en 7 ans, il fasse ce qui aurait du être fait en 28 ans. L’espoir fait vivre.
Romuald Camliso
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