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Cameroun : Quelle leçon retenir du discours d’ouverture et de Politique Générale de Paul Biya ?
(22/09/2011)
Le discours du chef de l'Etat était sans relief et sans ambition, reflet de l’insignifiance de la classe dirigeante du Cameroun et de Paul Biya qui en incarne l’essence.
Par Eugène Wope

On est frappé à la lecture de ce discours par la proportion insignifiante que tient le bilan des réalisations à mettre à l’actif du gouvernement de Paul Biya, par rapport à la description détaillée, presque volubile, de ce que ce gouvernement prévoie de faire à l’avenir. Ce bilan, présenté entre les 2 phrases « Qu’avons-nous donc fait des espoirs fondés sur nous par nos compatriotes » et « Toutefois, comme vous le savez, beaucoup reste à faire … », tient en une page sur les 12 que comporte cette allocution.

Rien n’est plus parlant pour illustrer l’incapacité de ce régime à justifier de réalisations concrètes en 29 ans de règne, parce que ces réalisations n’existent simplement pas.

Deux évidences s’imposent immédiatement :

- Si Paul Biya est en mesure de détailler avec autant de précisions (et parfois de belles idées) ce que son gouvernement fera à l’avenir pour développer le Cameroun, cela signifie qu’il était parfaitement conscient pendant ces longs 29 ans de règne des actions à entreprendre pour, comme il le déclare avec emphase « faire du Cameroun un pays émergeant », mais ne les a pas entreprises. Une double culpabilité lui est donc opposable : avoir échoué à développer le Cameroun, et avoir délibérément renoncé aux moyens permettant d’agir pour ce développement.

- Rien, ni dans ce discours, ni dans l’observation du long règne de Paul Biya, ne permet d’inférer que ce que ce dernier n’a pas pu faire en 29 ans, il sera en mesure de le faire au cours des 7 prochaines années s’il est reconduit à la tête de l’Etat camerounais.

Paul Biya n’a rien dit de son bilan parce que presque tous les indicateurs du Cameroun sont au rouge (le Cameroun fait partie des PPTE Pays Pauvres Très Endettés ; depuis que Tranparency International publie ses classements, le Cameroun se situe constamment parmi les pays les plus corrompus de la planète [2] ; l’espérance de vie au Cameroun a stagné depuis 1982 autour de 50 ans [3], très loin des scores de pays même moyennement développés ; insécurité omniprésente et prégnante, des personnes et de leurs biens, des affaires, que ce pouvoir a cyniquement entretenu à travers un climat de corruption et de clientélisme généralisé ; effondrement des services de base : santé, éducation, eau/électricité …). Si, il a quand même tenté de citer quelques réalisations, bien piteusement lorsqu’il a égrené quelques généralités dont on se demande comment elles ont pu aider à développer le pays :

- ouverture politique : soit, mais il faut se souvenir que le multipartisme s’est généralisé dans le monde suite à l’effondrement du bloc de l’est ; il n’était plus nécessaire d’ériger un front uni contre le danger communiste qui avait disparu, et qui justifiait au yeux des occidentaux de soutenir les pires dictateurs pourvu que ceux-ci musèlent fermement leur opposition interne, qui n’avait souvent d’autre choix que de se tourner vers les pays de l’est (Chine comprise) pour tenter de trouver des appuis.

- décentralisation et création d’une pléthore d’institutions, agences et commissions (chambre des comptes, CONAC …) qui n’ont en rien empêché que la corruption et l’irresponsabilité gangrènent tous les compartiments de la société camerounaise.

Une seule chose peut-être doit être reconnue à l’actif du Cameroun : l’absence de guerre (si on exclut la période sanglante de la lutte historique de l’UPC pour l’émancipation du Cameroun au moment des indépendances octroyées il y a une cinquantaine d’années). Le Cameroun a miraculeusement échappé jusqu’ici à la guerre civile, dans une région d’Afrique centrale où de tels conflits semblent plutôt la règle (au Tchad, Centrafrique, Nigéria, Congo, ex Zaïre, Angola, Rwanda, Burundi …), en dehors de l’épisode du coup d’état avorté de 1984 ayant entrainé non pas une guerre civile à proprement parlé, mais des désordres collatéraux générés par la fuite désespérée d’une bande de mutins mise en déroute. Mais pour combien de temps encore cette relative paix sociale pourra être maintenue ?

Il convient également de noter que même ce point positif ne peut pas réellement être imputé de manière indiscutable à l’action du gouvernement de Biya. Peut être faut-il voir dans cette attitude « pacifique » du peuple camerounais la manifestation de la manière la plus naturelle d’un instinct de conservation, par une conjuration de l’idée même de rébellion virile, après le violent traumatisme causé par la répression brutale et sauvage que l’administration coloniale (directe ou par procuration via ses agents locaux) lui a infligé au moment de la lutte pour l’indépendance.


Les chantiers de développement que ce discours promet mélangent allégrement des bonnes idées avec une liste à la Prévert de considérations générales et de promesses creuses, voire dangereuses, qui sont platement égrenées, avec détachement et sans émotion apparente, comme par ennui, et sans que l’on sente poindre le moindre début de réflexion pour donner une substance à ces idées. Quelques exemples :

- politique de Grandes Ambitions ; engager le Cameroun dans une nouvelle stratégie pour la Croissance et l’Emploi ; accélération de la croissance ; gestion stratégique et optimale des affaires publiques ; les « grandes réalisations » vont prendre corps : construction d’infrastructures de production d’énergie, routières, de logements sociaux … ; Biya déclare sans rire « j’annoncerai bientôt un plan concret pour la création de plusieurs milliers d’emplois » …
pourquoi n’avoir rien fait de tout cela en 29 ans ?

- jeunesse : la seule perspective qui lui est proposée est la création de 25.000 emplois dans une fonction publique par ailleurs complètement inopérante. Une telle initiative n’est pas seulement irréaliste, elle est également dangereuse car elle alimente une administration publique déjà en sureffectif dans certains secteurs et qui est chroniquement en sous-production avec ses effectifs actuels.

- promotion féminine : là il se moque carrément des femmes, vraies victimes d’une société camerounaise façonnée par et pour les hommes, une société au sein de laquelle les femmes ont été reléguées et maintenues au rang de courtisanes justes aptes à chanter les louanges d’un régime vieillissant, sclérosé et figé dans un immobilisme spectral.

L’agriculture, la santé, l’éducation, pourtant au cœur de toute stratégie de développement crédible, sont à peine effleurées.

En conclusion, ce discours est parfaitement révélateur de cette évidence : Paul Biya et son régime sont en bout de course (il semble d’ailleurs en avoir toujours été ainsi depuis 29 ans !). Maintenir le supplice des Camerounais encore pendant 7 ans sous le joug de l’avatar de gouvernement incarné par Paul Biya serait faire preuve d’un aveuglement et d’une indifférence aux souffrances du peuple Camerounais qui seraient insupportables. Paul Biya n’a rien à proposer pour développer le Cameroun et assurer le bien être des Camerounais, par conséquent il n’a rien à faire à la présidence du Cameroun.

[1] [Cameroun] Discours d'ouverture du congrès du Rdpc
[2] [Cameroun] Indice de perception de la corruption (IPC).
[3] [Cameroun] Espérance de vie à la naissance pour les hommes (années)


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