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Viol de la loi forestière au Cameroun
(01/08/2004)
Selon le rapport publié par Global Witness, durant le dernier exercice 2002-2003, 42 entreprises sur 58 autorisées à exploiter la foret camerounaise ont violé les lois....Certaines ont exploité des essences
Par Redaction

«Accident, accident !» Sous le poids d'un grumier, ce camion qui transporte d'énormes billes de bois, un pont s'est effondré sur l'unique piste cahoteuse reliant Yaoundé, la capitale camerounaise, à la petite ville de Lomié, à 400 km plus à l'est. S'ils sont dépités, les passagers des véhicules bloqués ne sont pas surpris. Ces imprévus sont courants dans la région, riche en bois tropical. Pour alimenter les scieries qui tournent jour et nuit, les grumiers n'ont pas le temps de préserver les routes. Pour l'instant. Car, selon un rapport à paraître sur l'Internet, l'industrie forestière prélève toujours plus de bois qu'il n'en faut. A ce rythme, il n'y aura bientôt plus rien à transporter.

Confrontation

Approuvée le 20 juillet par le ministère de l'Environnement et des Forêts du Cameroun, l'étude réalisée par l'organisation non gouvernementale (ONG) Global Witness compare le volume et le nombre d'arbres autorisés par l'Etat et ceux déclarés, après exploitation, par les entreprises. Pour la première fois, ces chiffres sont confrontés. Résultat, 42 sociétés, sur un échantillon de 58, ont violé la loi forestière en 2002-2003. D'autres ont exploité des essences qui n'étaient pas mentionnées sur leur certificat annuel de coupe. Beaucoup ont dépassé la quantité de bois permise et censée assurer la régénération des espèces. En tête, la société camerounaise SEFN, qui a abattu 3 573 arbres au lieu de 1 442, et Pallisco, filiale du français Pasquet, donnée d'habitude en modèle et soutenue par la Banque mondiale, qui a dépassé de 40 % le volume prévu. La société Cambois (groupe Rougier) a coupé 293 ayous (le bois le plus précieux au Cameroun) de plus qu'autorisé.

Pour justifier ces écarts, des entreprises ont une explication : la formule de calcul utilisée pour estimer le volume des arbres qu'elles prévoient de couper, et qui est repris dans leur certificat d'exploitation, est mauvaise. Pallisco souligne ne pas avoir coupé plus d'arbres que prévu. Pourtant, certaines ont réussi à respecter leurs engagements, en volume comme en nombre d'arbres abattus. Est-ce un hasard si ce sont les essences les plus chères qui sont systématiquement concernées par ces excès ? Les défenseurs de l'environnement pensent plutôt que des sociétés ont fait de fausses déclarations.

Les fraudes sont courantes dans le secteur. Sans doute le contexte le permet-il : l'Etat camerounais, mal en point, n'a pas les moyens de contrôler ses 20 millions d'hectares de forêt. Et la filière bois, qui représente environ 10 % du PIB camerounais, n'échappe pas à la corruption qui gangrène le pays. Souvent mal payés, certains agents de l'Etat acceptent de fermer les yeux sur des pratiques douteuses. Le système d'amendes dont les sociétés écopent reste flou. «Sont-elles payées ou non ? On ne sait pas. Or, si on ne peut pas prouver qu'une infraction a été punie, on encourage les sociétés qui ne sont pas sérieuses», souligne Global Witness.

Crise. Certains aspects de la loi forestière en vigueur depuis 1994 expliquent aussi une partie des infractions. Visant une transformation locale du bois, elle a conduit les entreprises à se suréquiper en usines. Au même moment, beaucoup d'opérateurs nationaux sont entrés dans le secteur pour échapper à la crise que subit le pays depuis quinze ans. La demande de bois a, du coup, pris des proportions incompatibles avec l'obligation légale de «gestion durable». Il manquerait ainsi près de 1 million de mètres cubes de bois (la filière, qui emploie 100 000 personnes, en produit officiellement environ 2 millions, dont la moitié est exportée vers l'Europe et la Chine) pour alimenter les scieries par des canaux légaux. «C'est vrai que les entreprises sont en difficulté, note Alain Karsenty, chercheur au Cirad (1) à Montpellier. Mais c'est inévitable et souhaitable. Il faut qu'il y ait une sélection. Si on veut exploiter la forêt de manière durable, celles qui ne sont pas capables de répondre aux normes économiques, financières et forestières devront quitter le secteur.»

Illégalité

Au lieu de jeter l'éponge, beaucoup basculent dans l'illégal. Ce qui exaspère les défenseurs de l'environnement, surtout quand il s'agit de sociétés étrangères, détentrices de plus de 60 % des titres d'exploitation du pays (20 % sont françaises). «Il y a une incohérence entre l'incapacité des entreprises européennes à respecter la loi dans les pays producteurs de bois et le soin qu'elles mettent à essayer de se conformer à la législation dans leur pays, relève Samuel Nguiffo, du Centre pour l'environnement et le développement, une ONG camerounaise. Ce double standard dans le rapport à la loi est scandaleux.» Surtout, il hypothèque l'avenir : si l'exploitation se poursuit à ce rythme, la forêt camerounaise, deuxième massif forestier africain après celui de la république démocratique du Congo, n'aura plus de valeur commerciale d'ici à quinze ans, estime un économiste forestier. Au bout de la filière, les citoyens et consommateurs européens ont sans doute un rôle à jouer : l'Union européenne pourrait accompagner d'une législation efficace son plan de lutte contre les importations de bois illégal, adopté fin 2003.

(1) Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement

Par Fanny pigeaud-Libération




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