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Ismaël Ulrich Djoh Nwatchok : Le Cameroun dans la tête, le Maroc dans les mains
(05/01/2015)
Il a quitté le Cameroun il y a 6 ans pour poursuivre ses études à Casablanca. Il raconte comment il est passé de l’entre-soi protecteur de la communauté camerounaise à la rencontre des Marocains.
Par Cameroon-Info.Net

« Au début on se fie à celui qui est là avant nous, mais, peu à peu, on fait les choses pas soi même. » Ce qui ressemble à un adage est la conclusion de 8 ans de vie au Maroc, à Casablanca, par Ismaël Ulrich Djoh Nwatchok.

Ce Camerounais de 26 ans, originaire de Bafia, est arrivé au Maroc pour poursuivre ses études supérieures et ne l’a plus quitté. Il est aujourd’hui consultant chef de projet comptabilité et paie à Inovteam Casablanca, filiale spécialisée dans le software du groupe BDO, avec l’envie « de s’ouvrir au maximum aux Marocains ».

Comme lui, ils seraient près de 10 000 venus d’Afrique subsaharienne pour poursuivre des études au Maroc avant de devenir bien souvent de jeunes actifs, rapportait Johara Berriane en 2009. « En 1994, on comptait 1 040 étudiants subsahariens inscrits dans les établissements publics marocains. Dix ans plus tard ils étaient déjà 4 477 étudiants] », égrène-t-il dans son étude « (i Les étudiants subsahariens au Maroc : des migrants parmi d’autres ? »

A 19 ans, Ismaël quitte son pays pour poursuivre ses études à Casablanca. « J’aurais préféré aller en Tunisie, où j’avais quelques amis, ou en France, mais finalement, mon vieux a opté pour le rapprochement familial », se souvient Ismaël. Ce sera le Maroc où vivent déjà depuis plusieurs années son frère Thierry et sa sœur Lili, à peine plus âgés que lui.

Il débute un cursus à l’Institut de Génie Appliqué (IGA), à Casablanca, avec la perspective d’intégrer ensuite la grande école de Rabat l’ISCAE, « mais j’ai appris qu’elle ne prenait qu’un seul étudiant étranger par an, alors j’ai continué à l’IGA » car dans la famille Djoh Nwatchok, « il fallait des résultats », souligne avec un sourire l’avant dernier né d’une fratrie de 5 enfants. Le père d’Ismaël était délégué provincial des Eaux et forêts et sa mère ingénieur agronome. Un statut et des revenus qui permettent au couple d’envoyer tous leurs enfants faire leurs études à l’étranger. « Mon frère, Thierry, est ingénieur en télécom, ma sœur, Lili, a un master en comptabilité et est gérante de la société de son mari gabonais, ici, à Casablanca », souligne Ismaël. Il s’agissait d’être à la hauteur.


Nostalgie du pays

Ismaël Ulrich réussit sans peine ses études. Les difficultés se situent ailleurs car en dépit de la présence de son frère et de sa sœur, le Cameroun lui manque. « Les mets de chez nous, ma mère, mes amis de là bas ... Ici, on a n’a pas le même sentiment de sérénité que l’on ressent quand on est chez soi», explique-t-il. Depuis qu’il est au Maroc, Ismaël n’est rentré qu’une seule fois au Cameroun. C’était en 2009, trois ans après avoir quitté le foyer familial. « Papa est décédé pendant que j’étais là, on a appelé mon frère et mes sœurs et tout le monde a pu être venir à Yaoundé sauf ma sœur aînée qui vit en Belgique», se souvient le jeune homme. Malgré le drame chacun retourne dans son pays d’accueil.

A l’IGA, pendant ses 5 ans d’étude, la méconnaissance des pays subsahariens par les étudiants marocains « surprend» le jeune Camerounais. « Certains nous demandaient : est ce qu’il y a des écoles dans ton pays ? Dans quoi vous vivez ?», se souvient-il. Les professeurs ne relèvent pas toujours le niveau : « un jour, l’un d’entre eux nous a dit que la jeunesse arabe était plus intelligente que la jeunesse africaine.» Ces remarques ouvertement racistes se sont poursuivies plus insidieusement.

Dans son précédent emploi, les collègues d’Ismaël l’interpellaient parfois avec des formules comme « Vous les Africains !». « J’ai dû resserrer les vis avec eux car même si ce n’est pas dit pour vous blesser, c’est une façon de vous minimiser, de mettre une frontière», expliquait à l’époque Ismaël. Avec le temps, les Subsahariens se font cependant une place dans le pays et la population marocaine s’habitue à leur présence. A Inovteam Casablanca, « le gars que je remplace était Ivoirien, mes collègues étaient déjà familiarisés avec les différences de cultures. J’ai été très bien accepté», se réjouit aujourd’hui Ismaël.

Du communautarisme à l'intégration

Si le souvenir de ces remarques n’entame plus, aujourd’hui, la joie de vivre du Camerounais ni son affection sincère pour le pays, il reconnait qu’au début de son séjour au Maroc, il n’en allait pas de même. « C’est difficile, à 19 ans, de tout gérer à la fois, alors on avait tendance à rester entre nous», avoue Ismaël. Pendant 5 ans, il habite ainsi dans un immeuble où il n’y que des Subsahariens. « Le fils du proprio a fait ses études au Canada et a ressenti le même sentiment de rejet que nous. Quand il est revenu au Maroc, il a décidé de réserver son immeuble aux étrangers pour que l’on s’y sente comme chez nous, raconte Ismaël. On s’y croyait ! En entrant, tu entendais la musique de chez nous, les odeurs des mets de chez nous…»

Pour sortir et découvrir le pays, il a recourt, également, au réseau très bien organisé des Camerounais du Maroc. Aujourd'hui, Ismaël a quitté son immeuble. « Je regrette de n’avoir vécu qu’avec des Camerounais car il y a beaucoup de chose que je ne connais pas à cause de ça», admet-il.

« Au départ, la première chose que j’ai aimé en arrivant, c’est la différence du Maroc avec mon pays. Par rapport au Cameroun, le Maroc est beaucoup plus développé.» Dans un deuxième temps, le jeune homme prend conscience des opportunités qu’offre le royaume. « Au Cameroun, un vendeur de fruits peut avoir une licence ; ici, même sans diplôme, vous pouvez travailler dans un call center», a-t-il remarqué.

Vers un retour au pays ?

En décidant de travailler pour Inovteam, Ismaël entend accumuler le plus d’expérience possible pour en faire bénéficier ensuite son pays. « J’envisage de rentrer dans deux ans, d’autant que le secteur dans lequel je travaille ici est en plein développement au Cameroun, mais rien n’est encore décidé définitivement», tempère-t-il. Avec sa mère veuve, séparée de tous ses enfants et sa fratrie en passe de s’installer définitivement à l’étranger, le retour d’Ismaël est attendu. « On m’a même demandé d’épouser une Camerounaise, parce que ma sœur est mariée avec un Gabonais et mon frère est avec une Marocaine», s’amuse Ismaël.

Pourtant, plus le temps passe, plus le Maroc devient difficile à quitter pour le jeune homme. « Quelque part je m’habitue à un confort de vie ici et je n’ai pas envie de régresser», avoue-t-il. A chaque fois qu’il rentre, il constate que le pays et les gens qu’il connait ont changé. « Avec la famille que je ne vois pas, il y a une forme de distance qui s’installe, on ne fait plus face aux mêmes choses», reconnait le jeune homme. Il craint aussi que certains aspects du Maroc lui manquent. Si je reviens au Cameroun, « est ce que je vais pouvoir m’adapter une deuxième fois ?» s’interroge Ismaël Ulrich Djoh Nwatchok.



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