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Cameroun : Lapiro et Kingué torturés
(10/07/2008)
Lapiro de Mbanga et Paul Eric Kingué ainsi qu'une trentaine de jeunes arrêtés après les émeutes de Février 2008 vivent des moments difficiles en incarcération.
Par Noé NDJEBET MASSOUSSI
Les premières audiences renvoyées

Lapiro de Mbanga
Lapiro de Mbanga

Lapiro de Mbanga, Paul Eric Kingue et la trentaine de jeunes arrêtés dans le cadre du mouvement populaire de revendications sociales dégénéré en émeutes à la fin de février dernier, devront encore ronger leurs freins dans leurs cellules respectives à la prison principale de Nkongsamba. Le tribunal de grande instance du Moungo statuant en matière criminelle hier, mercredi 9 juillet 2008, a renvoyé pour plus tard toutes les audiences les concernant. La journée des procès s’ouvre avec l’affaire qui oppose la Société des plantations de Mbanga, la Société des eaux minérales du Cameroun, le Centre divisionnaire des impôts de Mbanga et le Centre de distribution de la Société anonyme des brasseries du Cameroun d’une part, et Lambo Sandjo Pierre Roger alias Lapiro de Mbanga de l’autre. L’artiste musicien et leader d’opinion est accusé de « complicité de pillage en bande, destruction des biens, incendie volontaire, obstacle à la voie publique, dégradation des biens publics ou classés et attroupement ». La composition du collège des juges était à la taille de l’affaire. Ntyame Ntyame, président du tribunal de grande instance, a présidé lui-même ce collège constitué des présidents Fako et Kemgne (membres), Nathalie Achoui (ministère public) et Me Ekoule (greffier).

Sans trop de protocole, le président Ntyame Ntyame lance le rituel. Lapiro de Mbanga, le crâne rasé, la mine décontractée, avance dans le box des accusés et y prend place. Derrière son polo jaune, on lit en gros caractère : « Mbanga must change » (Mbanga doit changer, traduction libre). Me Augustin Mbami, l’avocat conseil du Social democratic front (Sdf) dont Lapiro de Mbanga est militant, est là. A ses côtés, Me René Manfo se constitue ipso facto. Par la suite, les plaignants et les témoins sont appelés à la barre. Mais aucun plaignant n’est là ; pas même leurs avocats conseils. Malgré la présence des témoins, l’affaire est renvoyée au 23 juillet 2008 pour citation de la Société des plantations de Mbanga et comparution régulière.

La deuxième grosse affaire de la journée concerne Paul Eric Kingue, David Clément Nsaba, Polycarpe Fongang et Ruth Chantal Ndedi, épouse Salla. Ils sont poursuivis par la mairie de Njombe-Penja pour « faux en écriture publique et complicité ». La composition du tribunal est la même que dans l’affaire de Lapiro de Mbanga. A l’appel des accusés, le tribunal se rend à l’évidence que tous les prévenus ne sont pas dans la salle. Le président Ntyame Ntyame le fait observer au chef escorte de la prison principale de Nkongsamba. Comme Lapiro de Mbanga, Paul Eric Kingue, tiré à quatre épingles, se présente à la barre, ainsi que 2 de ses 3 coaccusés. Ruth Chantal Ndedi épouse Salla, ex secrétaire générale de la mairie de Njombe-Penja, brille par son absence à l’audience. Le président Ntyame Ntyame s’étonne une fois de plus. Il se retourne vers le ministère public qui affirme qu’en réalité le mandat d’arrêt de Ruth Chantal Ndedi épouse Salla n’a jamais été expédié, près de 5 mois après. Le président Ntyame Ntyame demande que cela soit fait, sans pour autant donner de délai. Outre Ruth Chantal Ndedi épouse Salla, la mairie de Njombe-Penja est aussi absente à l’audience. Face à ces absences et à la constitution de nouveaux conseils pour Paul Eric Kingue et les autres, le président Ntyame Ntyame renvoie la cause au 23 juillet 2008 pour comparution de la mairie de Njombe-Penja et de tous les témoins. L’audience est suspendue.

A la reprise, le collège des juges change de président. Le président Edouard Kitio, anciennement substitut du procureur de la République près du tribunal de première instance de Ndokoti-Douala, préside le 2e collège. Paul Eric Kingue, Kame Victor (médecin à l’hôpital de Penja) et une trentaine de jeunes sont appelés à la barre pour répondre des faits de pillage en bande, coaction de vol aggravé, recel de vol aggravé, coaction de destruction, attroupement, réunions et manifestations, obstacle sur la voie publique, activités dangereuses, complicité d’incendie volontaire, etc. Une fois de plus, la procédure coince. Tous les prévenus n’ont pas été extraits de la prison principale de Nkongsamba. Le président Edouard Kitio n’y comprend rien. Sur la trentaine de prévenus, seuls une dizaine a été extraite de la prison. Il y a eu un dysfonctionnement entre l’administration du tribunal et celle de la prison. Mais Daniel Songa, chef de 3e degré à Penja, l’un des plaignants et témoins dans l’affaire des émeutes à Njombe-Penja-Loum, est là. Toutefois, l’audience est renvoyée au 13 août prochain pour extraction de tous les prévenus et constitution de nouvelles défenses.




Des prisonniers donnés en spectacle

Après le renvoi des deux principales affaires, la salle d’audience du tribunal de grande instance de Nkongsamba s’est vidée. Et pourtant on y respirait à peine. Hommes, femmes, jeunes, toutes classes sociales confondues, sont venus nombreux de Mbanga, Njombe, Penja, Loum, Manjo, Nkongsamba, etc. pour vivre les procès de Lapiro de Mbanga et Paul Eric Kingue. D’autres voulaient seulement voir les deux prévenus. Leur arrivée à la salle d’audience ainsi que leur départ est un spectacle ahurissant. Comme Kunta Kinté dans Racines, la quarantaine de prévenus étaient enchaînés, deux à deux, aux poignets. Ils sont venus à pieds par vagues successives au tribunal. Chaque groupe a dû braver une longue procession sur plus d’un kilomètre, entre la prison et le tribunal.

Malgré cette humiliation, Lapiro de Mbanga et Paul Eric Kingue ont gardé le moral haut. Tout commence dans la cour de la prison vers 8h30 au cours de l’appel. Au tour de Lapiro de Mbanga, de sa voix de stentor, l’artiste musicien et homme politique répond : « Absent monsieur ». Tous les gardiens de prison éclatent de rire. A peine 200 mètres parcourus, un groupe de prévenus demande et obtient à se soulager. Une fois encore, Ndinga man lâche une boutade : « Pissez pour vous et pour moi aussi ». Paul Eric Kingue n’est pas reste. « Alors les filles vous vous régalez bien », lance-t-il aux jeunes femmes gardiens de prison qui regardent les détenus se soulager en plein air. A l’entrée du tribunal où se trouve une foule compacte, l’ex maire de Njombe-Penja salue le régisseur non sans pique : « Bonjour monsieur le régisseur. Nous sommes très bien escortés aujourd’hui ». Ils sont convoyés dans la salle d’audience par une quinzaine de geôliers qui, aussitôt arrivés, s’affairent à les déchaîner devant 5 éléments de la gendarmerie, armés de Fal (fusils d’Assaut léger).



Terreur dans les localités

La veille des procès de Lapiro de Mbanga et de Paul Eric Kingue, les localités de Mbanga, Njombe, Penja et Loum avaient retenu leur souffle. Les populations vaquaient à leurs occupations, mais la mort dans l’âme. « L’arrestation de Lapiro est jusqu’ici inexplicable. Nous n’arrivons toujours pas à comprendre pourquoi on l’a mis en prison. Parce que quand ça chauffait ici (à Mbanga, ndlr), il (Lapiro de Mbanga, ndlr) a plutôt joué un rôle de grand frère et de père. C’est lui qui calmait les gens », s’étonne Olivier, un conducteur de moto-taxi à Mbanga. Dans certaines buvettes où cet artiste musicien passe souvent le temps, ses amis n’en reviennent pas. « Nous remettons son sort à Dieu, parce que seule sa justice triomphera », confient certains.

Les mêmes prières sont dites pour Paul Eric Kingue. Mais à Mbanga, Njombe, Penja ou Loum, personne ne veut parler à découvert. Tout inconnu qui se rapproche des habitués de ces localités, est suspecté. Les interpellations se poursuivent. Mardi 8 juillet 2008, 3 neveux de Paul Eric Kingue ont été interpellés à Penja avant d’être relâchés. Le week-end dernier, Sollis Mbami qui avait des témoignages jugés compromettants sur certaines personnalités politiques et traditionnelles de Njombe-Penja a été abattu à Penja comme un chien. Mbanga, Njombe, Penja et Loum se sont vidés de la plupart de leurs jeunes. Ils ont peur des représailles. Mbanga et Njombe-Penja sont orphelins de leur Lapiro et Paul Eric Kingue. Si à Mbanga le drapeau flotte toujours chez Lapiro, chef de 3e degré au quartier 12, à la mairie de Njombe-Penja, l’élection d’un nouveau maire est programmée demain, vendredi 11 juillet.






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